dimanche 4 mai 2003

[Aletheia n°42] Trois réactions à l'encyclique Ecclesia de Eucharistia

Aletheia n°42 - 4 mai 2003
Trois réactions à l'encyclique Ecclesia de Eucharistia
. Le père Paul De Clerck, théologien, professeur à l’Institut catholique de Paris, interrogé par la Croix le 18 avril 2003, commente la récente encyclique sur l’Eucharistie (cf. Alétheia n° 41). Il le fait sur un ton qui aurait été inimaginable il y a quarante ans. Il estime : « Les idées neuves sont entravées par le recours à la théologie eucharistique du Moyen Age occidental dont on connaît aujourd'hui les limites », « l’encyclique oublie de se situer dans une perspective historique », « elle semble se réduire à la théologie occidentale classique qui n'a qu'un seul propos : le sacrifice et le rôle sacerdotal du prêtre », « les deux mises en garde majeures concernent la dimension sacrificielle de l'Eucharistie, fortement soulignée, et la "nécessité du sacerdoce ministériel". On peut parler ici de crispation. »
Cette réaction d’une autorité enseignante, relayée par le seul quotidien catholique quasiment officiel en France, montre, a contrario, la nécessité de cette encyclique de clarification doctrinale.
. Christophe Geffroy, dans le numéro de mai de La Nef, avant d’en proposer une lecture pas à pas, présente ainsi l’encyclique : « Texte à vocation essentiellement doctrinale, il s’intéresse à l’Eucharistie dans ses aspects théologiques, non à la liturgie — c’est-à-dire à la façon concrète dont l’Eucharistie est célébrée —, sauf de façon incidente ici ou là. En effet, la situation pratique de la liturgie dans les paroisses est rarement abordée, de même que les questions rituelles qui sont totalement absentes. » Il signale aussi que « le cardinal Ratzinger a largement collaboré » à la rédaction de cette encyclique.
. Jean Madiran, le 30 avril, dans le quotidien Présent, reconnaît que l’encyclique « rappelle avec force le miraculeux changement » de la transsubstantiation, et qu’elle « s’en prend surtout aux causes doctrinales de la décomposition liturgique ». Il estime aussi que le Saint-Siège finira par rendre aux catholiques « la messe » — dans sa forme traditionnelle — ; « c’est inévitable ».
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L’abbé Berto
Dans son numéro 43, comme je l'ai ici déjà signalé, la revue trimestrielle Le Sel de la Terre, des Dominicains d’Avrillé (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé, 14 ¤  le numéro), publiait, pages 17 à 55, des « Lettres du Concile » de l’abbé Victor-Alain Berto (1900-1968). Jean Madiran, aussitôt, dans une pleine page de Présent (1er/2/2003), relevait plusieurs « anomalies » inexpliquées dans cette publication.
Jean Madiran — à la différence des Dominicains d’Avrillé dont aucun n’a connu celui dont ils ont publié les lettres — avait bien connu l’abbé Berto, à partir de 1955. Jean Madiran avait publié dix-huit de ses articles dans Itinéraires, et pouvait, à juste titre, l’appeler « notre ami vénéré » (cf. les 174 pages qui lui furent consacrées, après sa mort, dans le n° 132 d’Itinéraires, avril 1969).
Les Dominicaines du Saint-Esprit, de Pontcalec, fondées par l’abbé Berto, dirigées par lui jusqu’à sa mort et héritière de ses écrits comme de sa pensée, ont réagi aussi à cette publication intempestive des religieux d’Avrillé. Elles avaient été, il y quarante ans, les destinataires de ces lettres, publiées aujourd’hui sans leur accord.
Ces religieuses, qui se consacrent, dans la discrétion, à une œuvre admirable d’éducation envers les « chers petits pauvres », publient, en douze pages, une Réponse à la revue Le Sel de la terre n° 43 (brochure, hors commerce, disponible, contre une offrande puis-je me permettre d’ajouter, à l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit, Pontcalec, 56240 Berné).
La religieuse dominicaine, modestement anonyme, qui a signé ces pages, précise d’emblée, selon les normes du droit français, et particulièrement du droit qui régit la propriété littéraire, que la correspondance de l’abbé Berto « est presque tout entière la propriété exclusive de l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit ». L’autorisation de procéder à cette publication n’a pas été demandée par les Dominicains d’Avrillé et, précise la rédactrice, « elle aurait été formellement refusée pour plusieurs raisons ».
Ces raisons sont exposées avec précision. Il appert que la publication des lettres faite par les Dominicains d’Avrillé s’est faite non sans coupures, importantes et graves, notamment les passages où l’abbé Berto voulait faire saisir à ses correspondantes — les Dominicaines de Pontcalec — toute sa pitié filiale envers Paul VI. Les Dominicaines de Pontcalec, fidèles à l’esprit romain de leur fondateur, jugent aussi que ces lettres qui leur étaient adressées « n’ont été ni pensées, ni vécues, ni communiquées, dans l’esprit de la Revue [le Sel de la terre] qui les confisque aux fins de sa dialectique. »
Sans reproduire tous les arguments et très utiles éclairages apportés par cette Réponse, on citera encore ces lignes écrites par l’abbé Berto, à quelques semaines de sa mort, et qui sonnent comme un testament spirituel : « Je recommande à tous ceux et à toutes celles qui se sont trouvés plus spécialement confiés à moi, la fidélité à Notre Seigneur Jésus-Christ, la piété envers la sainte Vierge Marie, la fréquentation de l’Eucharistie, l’esprit de prière, l’attachement et la docilité envers le Souverain Pontife et l’Eglise romaine, l’amour de la vérité. Ce sont ces sentiments qui ont rempli ma vie. Je souhaite qu’ils remplissent la leur. »
Tout lecteur des « Lettres du Concile » parues dans Le Sel de la terre doit connaître les précisions et rectifications apportées par les héritières spirituelles et doctrinales de leur rédacteur.
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Nouveautés romaines
. Francesco LEONI, Il Cardinale Alfredo Ottaviani, carabiniere della Chiesa, Editrice Apes, 31 pages
Le professeur Leoni, recteur de l’Université libre « S. Pio V » fondée à Rome par le cardinal Ottaviani consacre une étude à la pensée et « au rôle politique » de celui qui fut surnommé « le carabinier de l’Eglise » et qui est mort en 1979. On trouvera là des renseignements intéressants et de longs extraits de textes ou de documents, notamment le texte intégral de l’entretien accordé en 1969 à la revue Relazioni. Le cardinal y expliquait dans quel contexte sont intervenues les deux condamnations du communisme prononcées par le Saint-Office, en 1949 (sous Pie XII) et en 1959 (sous le bienheureux Jean XXIII).
. Burkhardt SCHNEIDER, Pio XII, San Paolo, 148 pages.
Burkhardt Schneider (1917-1976), jésuite d’origine allemande, docteur en théologie et docteur en histoire ecclésiastique, professeur d’histoire de l’Eglise à l’Université Pontificale Grégorienne pendant plus de vingt ans, fut le fondateur, en 1963, de la revue annuelle Archivum Historiæ Pontificiæ, qui reste une des principales revues d’histoire ecclésiastique. Il fut aussi le co-directeur et co-éditeur du célèbre, mais peu lu, recueil documentaire : Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale (Libreria Editrice Vaticane, douze volumes publiés de 1965 à 1981).La collation et l’édition de ces actes et documents lui avaient donné une exceptionnelle connaissance du pontificat et de la personne de Pie XII. De cette familiarité historique avec le Pastor Angelicus, il avait tiré un livre, publié en 1968 en allemand : Pius XII. Friede, das Werk der Gerechtigkeit. Ce livre est aujourd’hui traduit en italien, augmenté d’une présentation par le P. Blet s.j., un des quatre responsables de l’édition des A.D.S.S., d’une « Nota bibliografica » sur Pie XII par Franco Perini et de trois appendices très importants : « La Santa Sede e la difesa degli Ebrei durante la seconda Guerra mondiale » par Robert A. Graham s.j. (article paru initialement dans La Civiltà cattolica en 1990), « La Leggenda alla prova degli archivi. Le ricorrenti accuse contro Pio XII » par Pierre Blet s.j. (article paru initialement dans La Civiltà cattolica en 1988) et « Pio XII e gli Ebrei » par le rabbin David G. Dalin (article paru initialement dans The Weekly Standard le 26.2.2001).
. PONTIFICIO CONSIGLIO PER LA FAMIGLIA, Lexicon. Termini ambigui e discussi su famiglia, vita e questione etiche, Edizioni Dehoniane Bologna, relié, 867 pages.
S’il est un domaine où la continuité du Magistère est indéniable, de Pie XI à Jean-Paul II, c’est bien celui qui concerne la famille, les droits à la vie et les questions éthiques. Le Conseil pontifical pour la famille a décidé, en 1999, de présenter cet enseignement en un volume synthétique et analytique à la fois : 78 thèmes ont été retenus et ont été confiés à des spécialistes de différents pays (théologiens, psychologues, scientifiques, clercs ou laïcs). Ils ont œuvré dans un souci de synthèse, claire et suffisamment ample pour répondre aux questions et objections, et aussi dans un esprit de fidélité à l’enseignement de l’Eglise sur ces questions. Présentés par ordre alphabétique, les thèmes traités vont de l’Amore conjugale à l’idéologie « Pro choice » (Vita e scelta libera), en passant par le travail des enfants, la biotechnologie, la contraception, le contrôle des naissances, l’économie domestique, l’euthanasie, les familles monoparentales, l’idéologie du « Gender », l’avortement, les mariages mixtes, et des dizaines d’autres notions ou réalités. Parmi les 69 collaborateurs de ce Lexicon, on relève le nom de dix français ou francophones : Tony Anatrella, prêtre et psychanalyste, qui, au moment des débats français sur le Pacs ou, en d’autres occasions, sur la drogue, a su exprimer des positions à contre-courant du discours dominant ; Mgr Jean-Louis Bruguès, évêque d’Angers, qui a longtemps enseigné la théologie morale à l’Université de Fribourg (Suisse) ; le père Cottier o.p., théologien de la Maison pontificale ; le professeur Gérard-François Dumont, démographe anti-malthusien ; Marie-Thérèse Hermange, député européen ; le professeur Jean Didier Lecaillon, économiste ; le Dr Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune ; Jean-Marie Meyer, philosophe ; le père Michel Schooyans, spécialiste de démographie politique ; Jacques Suaudeau, docteur.
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Revue des revues
. La revue italienne Si si no no (Via Madonna degli Angeli, 78   I - 00049 Velletri), proche du District italien de la FSSPX, consacre, dans son numéro du 15 mars 2003, un article à l’entretien que Sœur Lucie de Fatima, a accordé en 1993 au cardinal Vidal. La revue s’indigne des propos tenus en cette occasion et conclut qu’ « à la ‘nouvelle’ Eglise il ne pouvait manquer un ‘nouveau’ Fatima et une ‘nouvelle’ Sœur Lucie ».
La revue croit que cet entretien « a été tenu jusqu’ici caché (nascota) ». Il n’en est rien. Cet entretien, et un autre, ont été édités en portugais en 1998. J’ai contribué à leur traduction et édition en français en 1999 (Fatima. Sœur Lucie témoigne, Editions du Chalet). Les propos de Sœur Lucie avaient été alors fortement contestés par des publications en français de la FSSPX. Cette controverse a d’ailleurs été à l’origine de cette modeste Alétheia.
Si nouveauté il y a aujourd’hui, ce n’est point dans les propos de Sœur Lucie, connus donc depuis plusieurs années, mais dans le fait que, pour la première fois, en janvier 2003, l’entretien de 1993 a été diffusé sur les ondes italiennes. Ceux qui contestaient imprudemment l’authenticité des propos de Sœur Lucie doivent donc s’incliner. Même s’il est loisible de chercher des explications aux affirmations de la voyante : la consécration « a été faite » en 1984, et la conversion de la Russie « a déjà commencé ».
. StAR (The Saint Austin Review, 296A Brockley Road, London, SE4 2RA, United Kingdom), est une revue, de langue anglaise, proche de la Fraternité Saint-Pierre. Publication bimensuelle, à la présentation très élégante, elle consacre dans son numéro de mars-avril un dossier à la France. On y lit, notamment, des articles sur Mauriac, Bernanos, Maurras (accompagné d’une brève anthologie).
Dans cet ensemble intéressant, on trouve un article curieux, signé par Ferdi McDermott, « The Ball and the Cross. Haunted by the Ghost of Maurras ». L’auteur y affirme que Mgr Lefebvre est issu d’une « solide famille d’AF [Action Française] » et qu’il était « un vrai maurrassien » (a true Maurrassian). C’est donc logiquement que, la crise de l’Eglise survenant, Mgr Lefebvre aurait « subordonné » (subservient) sa foi catholique à ses « quelques grandes idées », maurrassiennes, bien entendu.
La réalité est tout autre. De son vivant, Mgr Lefebvre s’était expliqué, à plusieurs reprises, sur son « maurrassisme » supposé. Tout lecteur de bonne foi de la biographie que lui a consacrée Mgr Tissier de Mallerais (Marcel Lefebvre. Une vie, Clovis, 2002, 719 pages), y trouvera aussi une réfutation incontestable de cette légende. Il est regrettable qu’une revue traditionaliste anglaise la perpétue encore, et pas à bon escient.