dimanche 18 décembre 2005

[Aletheia n°85] Le dialogue entre la FSSPX et ROME : “sans illusion”

Aletheia n° 85 - 18 décembre 2005

Le dialogue entre la FSSPX et ROME : “sans illusion”

Dans les quatre mois qui se sont écoulés depuis la rencontre du 29 août dernier entre Mgr Fellay, Supérieur général de la FSSPX, et Benoît XVI, les autorités de la FSSPX comme certaines autorités romaines ont multiplié les déclarations publiques, non sans poursuivre le dialogue par des échanges de correspondance et des rencontres discrètes. Dans le flot des rumeurs, des bruits, des prises de position contradictoires et des projets point encore réalisés, on peut relever, me semble-t-il, quelques étapes saillantes. Cette chronologie se fonde sur les déclarations publiques des deux parties, et aussi sur des informations, italiennes et romaines, qui, pour certaines, n’ont pas encore transparu dans la presse française :

• On ne reviendra pas sur la rencontre du 29 août sur laquelle beaucoup a été dit. Sinon pour relever deux choses.

Le cardinal Castrillon Hoyos, Président de la Commission pontificale ”Ecclesia Dei” depuis 2000, qui assistait à l’audience du 29 août, reste le principal interlocuteur de la FSSPX depuis cette date.

L’insistance de Benoît XVI sur la nécessité d’une réception du concile Vatican II pour tous les catholiques a fortement impressionné la FSSPX. Ce qui a amené Mgr Fellay, quelque temps après l’audience, à écrire une lettre au Pape pour dire qu’ “ en conscience ” cette perspective l’effrayait.

• Différentes sources affirmaient qu’une “ libéralisation ”, au moins partielle, de la messe traditionnelle interviendrait à l’occasion du synode sur l’Eucharistie organisé en octobre. Les oppositions rencontrées par Benoît XVI au sein de la Curie lui ont fait renoncer, à ce moment-là, au décret prévu. Ces oppositions sont venues, notamment, du cardinal Arinze, Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, et de Mgr Sorrentino, secrétaire de la même Congrégation. Ils ont signé une note de sept pages qui a été remise au pape.

À cette opposition, interne si l’on peut dire, s’est ajoutée une intervention publique du cardinal Arinze. Le 7 octobre, au cours d’une conférence de presse et alors que le synode sur l’Eucharistie était en cours, il a affirmé que la question de la messe traditionnelle “ n’était pas une priorité pour le synode, et que personne n’en avait parlé ”.

On signalera, en y voyant plus qu’une coïncidence, que Mgr Sorrentino a été nommé, quelques semaines plus tard, évêque d’Assise et qu’un nouveau secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin vient d’être nommé : Mgr Ranijth, qualifié de conservateur, réputé favorable à une plus grande liberté pour la messe traditionnelle et en phase avec la perspective ratzinguérienne de “ réforme de la réforme ” (en avril 2004, Mgr Ranijth avait publié dans l’Osservatore romano un commentaire “ autorisé ” de l’instruction Redemptionis Sacramentum, déplorant les abus engendrés par la réforme liturgique et dénonçant l’ “ interprétation réductrice ” du sacrement de l’Eucharistie faite par certains).

• Le 13 novembre, dans une déclaration faite à chaîne de télévision Canal 5, le cardinal Castrillon Hoyos a affirmé à propos de la FSSPX :

“ Nous ne sommes pas face à une hérésie. On ne peut pas dire en termes corrects, exacts, précis qu’il y ait un schisme. C’est une attitude schismatique de consacrer des évêques sans mandat pontifical. Mais ils sont dans l’Eglise, il manque seulement une pleine, une plus parfaite – comme il a été dit lors de la rencontre avec Mgr Fellay – une plus pleine communion, parce que la communion existe déjà. ”

Cette déclaration a fortement et favorablement impressionné les autorités de la FSSPX. Est affirmée publiquement – même si ce n’est pas la déclaration solennelle que ces autorités attendent toujours – que la FSSPX n’est ni hérétique, ni schismatique, ni excommuniée.

• Cette déclaration a très certainement favorisé le déjeuner, discret, qui a réuni, début décembre, le cardinal Castrillon Hoyos et Mgr Fellay. La presse et les outils de communication internautiques français n’ont pas, à ma connaissance, rapporté cette rencontre. Elle a eu lieu dans la résidence du cardinal Castrillon Hoyos, Piazza della Citta Leonina. L’abbé Marc Nély, Supérieur du district italien de la FSSPX, accompagnait Mgr Fellay. Plus qu’un déjeuner de convivialité, il s’est agi d’une rencontre approfondie puisque, arrivés vers 11 heures à la résidence cardinalice, les deux clercs de la FSSPX en sont repartis après 16 heures.

Ils ont remis au cardinal Castrillon Hoyos un exemplaire de la traduction italienne de la biographie de Mgr Lefebvre par Mgr Tissier de Mallerais, traduction qui vient de paraître, et aussi un memorandum sur les objections faites par la FSSPX au concile Vatican II et aux réformes qui l’ont suivi.

• Le 11 décembre dernier, Mgr Fellay a fait, à Paris, une conférence intitulée : “ Le point sur nos relations avec Rome ”. Je ne peux qu’inviter mes lecteurs à en écouter l’enregistrement intégral qui est disponible sur le site officiel de la FSSPX en France (www.laportelatine.org). Le Supérieur général de la FSSPX expose longuement “ les principes qui nous guident dans nos relations avec Rome ”. Il reconnaît que, dans les discussions avec Rome, “ le grand point d’achoppement, ça sera le concile ”. Il porte, sur Benoît XVI, un jugement ainsi formulé : “ Une tête mal formée, par une philosophie moderne, libérale, parfois moderniste, et un cœur conservateur ”. Enfin, dans l’état actuel des discussions avec Rome, en considérant aussi les projets de décret et de réforme en préparation, il estime que, pour le moment, il y a “ plus d’espérance que de mécontentement, mais sans illusion ”.


Maurice Brillaud – Yves Chiron: L’abbé Emmanuel Barbier (1851-1925)

L’abbé Barbier a d’abord été un grand éducateur, directeur ou fondateur de plusieurs collèges jésuites qui ont fait la réputation de la Compagnie de Jésus. Puis, le “ grand exil ” des congrégations, consécutif à la loi de 1901, l’amène à quitter la Compagnie de Jésus et à demeurer simple prêtre, attaché à une paroisse parisienne.

C’est alors qu’il va devenir un des principaux combattants du libéralisme religieux et du modernisme, à travers une œuvre abondante (sur le Sillon, notamment) et une revue, la Critique du libéralisme.

Deux de ses livres sur le libéralisme de Léon XIII ont été mis à l’Index, en 1908, et pourtant saint Pie X, en 1912, lui accordera une bénédiction publique pour “ avoir très bien mérité de la cause catholique ”. Les cinq volumes de son Histoire du catholicisme libéral et du catholicisme social en France. Du concile du Vatican à l’avènement de S.S. Benoît XV (1870-1914) reste un ouvrage de référence par l’immense documentation fournie.

On trouvera d’abord dans ce volume l’édition des “ Souvenirs ” de Maurice Brillaud sur l’abbé Barbier.

Puis, Yves Chiron publie une biographie de l’abbé Barbier, la première parue à ce jour, fondée sur des sources d’archives inédites (archives diocésaines de Paris, Nancy et Poitiers et archives jésuites de Vanves). Elle est suivie d’une bibliographie exhaustive de l’œuvre de l’abbé Barbier.

Maurice Brillaud (1886-1950), romancier et mémorialiste, fut l’élève de l’abbé Barbier à Poitiers et resta en relations avec lui jusqu’à sa mort.

Yves Chiron, membre de la Société d’histoire religieuse de la France, spécialiste de l’histoire religieuse contemporaine, auteur de biographies de Pie IX (traduit en anglais, italien et espagnol), de saint Pie X (traduit en anglais), de Pie XI (traduit en italien) et de Paul VI.

ISBN 2-35005-011-4
Un volume de 175 pages – 16 euros
A commander (avec ses coordonnées: nom, prénom, adresse complète) à:
Association Nivoit 5, rue du Berry 36250 NIHERNE
Chèque à l'ordre de l'Association Nivoit.

mercredi 7 décembre 2005

[Aletheia n°84] Il y a 50 ans Itinéraires - Il y a 25 ans Présent

Aletheia n°84 - 7 décembre 2005
Il y a 50 ans Itinéraires - Il y a 25 ans Présent
2006 verra un double anniversaire : le 50e anniversaire de la fondation, en mars 1956, de la revue mensuelle Itinéraires, qui parut jusqu’en 1997, et le 25e anniversaire de la parution du numéro 0 (22 novembre 1981) du quotidien Présent, qui paraît toujours. Ces deux publications ont été fondées par Jean Madiran, non seul certes. On pourrait ajouter que cette année 2006 verra aussi un 40e anniversaire : celui de la condamnation, le 23 juin 1966, de la revue Itinéraires par l’épiscopat français.
La “ Mise en garde des cardinaux et du Conseil permanent de l’épiscopat français ”[1] visait nommément “ des magazines comme le Monde et la Vie, des revues comme Itinéraires et Défense du foyer, des bulletins comme Lumière ”.
Que reprochait l’épiscopat français à ces publications :
Ils affirment que l’enseignement religieux est en crise ; l’école chrétienne en péril ; l’autorité personnelle de chaque évêque minée par les organismes collectifs de l’épiscopat ; la primauté du Saint-Siège compromise par la collégialité ; la doctrine sociale de l’Eglise faussée par le progressisme ; la foi de nombreux clercs pervertie par des erreurs doctrinales et morales graves. Ils contestent l’application qui est faite de la Constitution liturgique. Ils critiquent les mouvements apostoliques et leurs méthodes. Ils appellent prêtres et fidèles à s’unir pour sauver l’Eglise de la décadence à laquelle la conduiraient irrémédiablement les pasteurs.
À quarante ans de distance, quel observateur de bonne foi ne conviendra pas que l’épiscopat français, du moins en son “ Conseil permanent ” de l’époque, a manqué de clairvoyance. Les cris d’alarme que lançaient Itinéraires et d’autres publications de laïcs dans ces années post-conciliaires n’étaient pas exagérés. La crise de l’Eglise – qui avait commencé en France avant le concile Vatican II – s’est amplifiée et aggravée après 1966.
En 1966 les cardinaux français et le “ Conseil permanent de l’épiscopat français ” voyaient dans les inquiétudes et critiques des laïcs – qu’on ne qualifiait pas encore de “ traditionalistes ” – une “ campagne ”, une fronde anti-épiscopale. Quelle erreur ! Ils ne voyaient pas l’amour de l’Eglise et la défense de la foi qui les animaient.
En 2006, il n’y aura pas de “ repentance ” de l’épiscopat français pour cette condamnation d’il y a 40 ans. On n’entendra pas la plainte, le regret, que celui qui était encore le cardinal Ratzinger a humblement prononcés à la IXe station du Chemin de croix du Vendredi saint 2005 à Rome :
Que de souillures dans l’Eglise, et particulièrement parmi ceux qui dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Combien d’orgueil et d’autosuffisance !
S’il n’y a pas eu de repentance solennelle et publique de l’épiscopat français pour son “ orgueil ” et son “ autosuffisance ” depuis les années post-conciliaires, pour son refus de voir la crise de l’Eglise, pour sa marginalisation de ceux qui osaient la dénoncer – avec des maladresses et des excès sans doute –, il y a eu, depuis une décennie, une certaine et limitée repentance de fait : des évêques procèdent à des ordinations dans des abbayes attachées à la Tradition, accueillent des fondations traditionnelles, etc.
Il semblerait même que certains évêques prêtent enfin attention aux écrits de celui qui, parmi les fidèles attachés à la Tradition, est la plume la plus acérée, la plus constante et celle dont l’autorité est la plus grande : Jean Madiran. En 2004, sa Trahison des commissaires (éditions Consep, 2004) a précédé de peu le “ Communiqué ” et la “ Note doctrinale ” de la Commission doctrinale de l’épiscopat français sur les livres du Père Cerbelaud et de Jacques Duquesne. Etait-ce vraiment un hasard ?
Les 50 ans de la fondation d’Itinéraires et les 25 ans de la fondation de Présent ne verront certainement pas quelque message épiscopal rendre hommage à Jean Madiran. Beaucoup d’évêques français – tous les évêques français ? – croient encore, sur la foi de ce qu’ils ont lu dans le Monde par exemple, que Présent est un journal “ intégriste ” et “ extrémiste ”. Ils ignorent les campagnes de désabonnement à Itinéraires lancées par la Fraternité Saint-Pie X après les sacres de 1988 et qui ont causé la mort de la revue. Ils ignorent les campagnes de boycott de Présent lancées par le Front national et qui ont failli mettre à mort le journal.
Les évêques de France ont lu dans le Monde, il y a 25 ans (le 20 novembre 1981), que Présent serait un “ quotidien d’extrême droite ”. Ils le croient encore. Ils n’ont pas lu les récusations du qualificatif faites par Jean Madiran : Extrême droite ? Ah non, assez ! (1991), “ mythe assassin qui est au cœur de la calomnie officielle ”. Ils n’ont pas vu que la vertu de piété est au cœur de l’œuvre, religieuse et politique, de Jean Madiran. La piété comme reconnaissance et fidélité, dans l’Eglise comme dans la société.
Pour ceux des lecteurs de cette modeste Aletheia qui ne lisent pas Présent – et ils sont nombreux, je crois, dans une catégorie bien spécifique de lecteurs en France et hors de France –, j’offre cette récente page de Jean Madiran, page de “ souvenirs et considérations ”.
Bien évidemment, une telle page, venant après d’autres, fait souhaiter que Jean Madiran rédige le livre de Mémoires qu’on est en droit d’attendre de lui. Il y répugne, je crois, pour différentes raisons qui, pour certaines, sont très justes. Mais il doit ce livre, non tant à ses lecteurs habituels, qui pourraient espérer de lui ce livre-là aussi, qu’à l’histoire de l’Eglise de ce demi-siècle. Les biographies ou autobiographies épiscopales, les souvenirs et mémoires des “ grands ” intellectuels catholiques “ de gauche ” de ce demi-siècle (G. Hourdin, H-I Marrou, A. Mandouze, etc.) ne suffiront pas à rendre compte de manière juste et complète de cette histoire. Imagine-t-on de comprendre l’autre tourmente qu’a connue l’Eglise de France – le modernisme – , il y a cent ans, en lisant seulement les Mémoires de Loisy ?
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[1] La Documentation catholique, n° 1475, 17 juillet 1966, col. 1285-1288.

[Aletheia n°84 - annexe] Anniversaires, souvenirs et considérations en vrac - texte de Jean Madiran

Texte de Madiran - en annexe à Aletheia n°84 - 7 décembre 2005
Anniversaires, souvenirs et considérations en vrac
PRÉSENT — Mardi 29 novembre 2005
Il y a cinquante ans paraissait, aux Nouvelles Editions Latines de Fernand Sorlot, le premier livre signé « Madiran » : Ils ne savent pas ce qu’ils font. L’ouvrage traitait de la « non-résistance au communisme » dans toute une partie, mais la plus coruscante et la plus répandue, de la presse catholique d’appellation contrôlée. Il analysait le magistère politique qu’y exerçait le catholique Beuve-Méry (Hubert), directeur du journal Le Monde, réunissant autour de lui, en un discret déjeuner hebdomadaire, des personnalités dirigeantes ou influentes de la presse catholique sournoisement de gauche, telles que Georges Hourdin, Ella-Blanche Sauvageot, Stanislas Fumet, le P. Boisselot… L’évêque de Troyes (que je ne connaissais pas) s’enthousiasma pour ce livre et en fit l’éloge dans son bulletin diocésain. Craignant sans doute la contagion, d’évêché en évêché, d’une telle approbation, la direction (de fait) de l’épiscopat français y mit tout de suite le holà par une sévère mise en garde publique. La Croix, que je n’avais pas mise en cause, ouvrit le feu contre moi. La consigne courut les presbytères de prêcher le dimanche contre mon livre et ma personne. Cela fit un beau raffut. Quand le curé répugnait à une telle exécution, le vicaire s’en chargeait.
C’est ainsi qu’un dimanche, dans ma paroisse, le vicaire monta en chaire (cela se faisait encore) pour dire tout le mal qu’il fallait penser de ce livre pernicieux. Le curé de la paroisse, le chanoine Collin, m’honorait de son amitié, mais le vicaire n’en savait rien et ne me connaissait pas. Son argumentation enflammée assurait que le livre avait l’odeur d’une parenté coupable avec l’Action française, laquelle avait été condamnée par le Pape comme une renaissance du paganisme. A l’issue de la messe, j’allai à la sacristie, où il y eut naturellement quelques éclats de voix. Je venais de rencontrer ce qui me paraissait une anomalie exceptionnelle. J’ai découvert ensuite qu’elle était une constante dans le clergé diocésain français : la disqualification définitivement acquise d’une Action française condamnée par l’Eglise pour son projet païen de rétablissement de l’esclavage. Vouloir rétablir l’esclavage, c’est la principale accusation lancée par le cardinal Andrieu en 1926, aussitôt approuvée par le pape Pie XI. En une version à peine plus subtile, c’est l’accusation répandue avec une longue persévérance par l’archevêque de Paris Lustiger, qui pendant tant d’années a eu en France une grande autorité morale sur le clergé et sur les nominations épiscopales. Pour lui, la levée de la condamnation par Pie XII n’annulait en rien la condamnation par Pie XI. Il conserve aujourd’hui encore une influence. Selon Michel Kubler dans La Croix du 4 novembre 2005, « on peut estimer que le quart des évêques actuellement en fonction » sont issus de sa mouvance.
Cette hostilité systématique à l’école d’Action française et à la pensée maurrassienne aura intellectuellement désarmé toute résistance à la domination croissante d’un très autoritaire progressisme politico-religieux, et médiatiquement disqualifié la critique des idées et des procédés marxistes. On disait : « Vous parlez comme Maurras, vous vous comportez comme un intégriste et un païen », de la même façon que sur le plan électoral on dit : « Vous parlez comme Le Pen, vous êtes donc un raciste et un populiste xénophobe. » C’est ainsi que l’on a pu aboutir à un système électoral, une presse, une télévision, une Assemblée nationale où « la droite », la seule « droite » admise à exister affiche la philosophie, les idées générales, les « valeurs » qui sont celles de la gauche la plus subversive : l’« effort vers l’égalité des chances » et la « lutte contre la discrimination sous toutes ses formes », qui constituent les deux bulldozers sociaux de l’égalitarisme le plus inhumain et le plus contre nature. La majeure partie du clergé diocésain, évêques en tête, milite aveuglément pour la lutte contre toute espèce de  discrimination. Les hommes politiques libéraux, habituellement nommés « ultra-libéraux » et considérés (en Europe) comme la droite de la droite, sont pareillement pour la dévastatrice recherche de l’égalité des chances. Je m’étais donc heurté pour la première fois, avec mon livre de 1955, à un système compact que j’avais jusqu’alors aperçu et étudié seulement dans la société marxiste-léniniste : la Russie soviétique et l’ensemble des partis communistes sous sa dépendance.
La référence polémique, contre mon livre, à la condamnation et l’inscription à l’index de l’Action française, me fit par son insistance craindre que mon livre lui aussi soit mis à l’index. Car l’index existait encore, avec une redoutable autorité : l’Index librorum prohibitorum, la liste des ouvrages prohibés, promulguée et tenue à jour par le saint-siège. Je m’étais ouvert de ces craintes à Jean de Fabrègues, le cordial et courtois directeur de l’hebdomadaire La France catholique. Il me recommanda d’aller voir de sa part le P. Gagnebet, dominicain professeur à l’Angelicum et consulteur du Saint-Office. Je courus à Rome. Physiquement, le P. Gagnebet ressemblait à l’image solide, massive et tranquille que l’on se fait de saint Thomas d’Aquin. Dès ma première visite il me rassura, on était sous Pie XII ; il me confia que si une mise à l’index se préparait, c’était plutôt celle de la revue Esprit, qui survivait à la mort, en 1950, de son fondateur, le personnaliste Emmanuel Mounier. Je commençais ainsi un nouvel apprentissage. Je n’étais plus tout à fait un blanc-bec, j’avais 35 ans, mais avec le P. Gagnebet j’entrais dans un monde nouveau, le monde de ce que j’appellerais volontiers l’ecclésiologie pratique, spécialement celle de la Curie romaine. Souvent, pour un point de doctrine auquel il était lui-même attaché, il me disait en levant les bras au ciel : « Que voulez-vous ! Les hommes de gouvernement [par exemple ceux de la Secrétairerie d’Etat] estiment que cela est tout juste bon pour occuper les professeurs…»
J’ai fréquemment et beaucoup conversé avec ce cher Père Gagnebet, ou plutôt je l’ai longuement écouté. C’était un thomiste orthodoxe plein de saine doctrine, et plein également de récits et d’observations diverses sur les choses et les gens du Vatican. Il me racontait aussi que la plupart des jeunes qui se présentaient pour devenir moines dominicains arrivaient avec un projet personnel pour réformer d’urgence l’Ordre de saint Dominique. Souvent, ils avaient aussi leur projet personnel de réforme radicale de la sainte messe. C’était comme une démangeaison générale.
A partir du P. Gagnebet et de proche en proche je fis la connaissance, dans la Curie romaine, de toutes sortes de personnages de tous rangs, du concierge au cardinal. La plupart d’entre eux accueillirent avec une tranquille philosophie la mort de Pie XII et l’élection de Jean XXIII, dans un sentiment qu’en exagérant à peine on peut résumer par l’axiome :
les papes passent, la Curie reste. Ils furent anecdotiquement surpris par l’annonce d’un concile, tout en notant que Jean XXIII donnait successivement trois raisons différentes de sa décision. Aucun ne vit venir cette « révolution d’octobre dans l’Eglise » qui allait tout bouleverser. Au contraire : le concile, pensait-on, serait très court, comme le voulait Jean XXIII, et bien encadré par les textes d’avance mis au point dans les commissions préparatoires. Ce concile imprévu serait finalement une bonne occasion :
– Les évêques, m’expliquait-on, comprennent de travers et appliquent toujours mal ce que Rome leur demande de faire. Ils ne sont pas entrés dans l’esprit des enseignements de Pie XII. Alors, on leur prépare des décrets qu’ils auront, par le concile, votés et signés, et persuadés que c’est ce qu’ils auront eux-mêmes décidé, ils le feront enfin.
Comme on le sait, ce n’est pas tout à fait ainsi que les choses ont tourné.
Quant à moi, tout au long du pontificat de Paul VI (1963-1978), la plupart de mes relations vaticanes s’estompèrent peu à peu, jusqu’à devenir sans aucun intérêt. Dès 1972, je dus constater que ma réclamation publique : – Rendez-nous l’Ecriture sainte, le catéchisme romain et la messe traditionnelle, - ne rencontrait à Rome quasiment aucune sympathie. Le parti au pouvoir dans l’Eglise avait intimidé, muselé ou éliminé toute résistance.
Et le désastre se révélait. On mesurait tout d’un coup à quel point la majorité des prêtres catholiques se montraient peu attachés à la messe de leur ordination ; à la messe qu’ils avaient célébrée durant tout le concile, et même trois ou quatre ans après. Nous tentions de les avertir, en écrivant dès janvier 1970, date de l’entrée en vigueur de la messe nouvelle : « Que l’on n’imagine pas que l’on pourra aisément faire l’ALLER ET RETOUR d’une messe à l’autre. Ce qui est interrompu sera perdu pour longtemps. Ce qui est brisé ne se raccommodera pas au commandement. Ce qui est arraché ne reprendra pas racine. Non, qu’on ne s’imagine pas qu’on peut bien céder pour le moment, sous la contrainte, et qu’il sera toujours temps, à la première occasion, de revenir au Missel romain. Ce n’est pas vrai. Ceux qui ont la possibilité de maintenir, fût-ce à l’écart, en petits groupes, en catacombes ou en ermitages, la liturgie romaine et le chant grégorien, en tiennent le sort historique entre leurs mains : ils ont la responsabilité d’en assurer, tout au long de l’hiver dans lequel nous sommes entrés, la transmission vivante et ininterrompue…»(1)
Les plus anciens lecteurs de Présent se souviennent peut-être de ma nièce Sophie, qui me disait : « On t’aime bien, mais je ne comprends rien à ce que tu écris. » Elle a vingt ans de plus, comme nous tous. Elle n’a guère changé.
– Le cinquantenaire de ton premier livre, me dit-elle, ça n’intéresse personne, ni ce que tu écrivais en 1970. Tu devrais plutôt nous raconter en détail l’atmosphère des dernières années de Pie XII, des années de Jean XXIII, de la Rome de Paul VI, et tes souvenirs sur les personnages que tu as connus au Vat’ en ce temps-là.
– C’est une idée qu’on me suggère parfois. Une bonne idée ?
Pas sûr. Je ferais mieux sans doute de m’attacher à la célébration des cinquantenaires et centenaires qui vont tomber en rangs serrés.
– Par exemple le centenaire de la loi de 1905 et des batailles qui ont suivi ?
– Peut-être… Mais surtout celui du « dilemme de Marc Sangnier » et des premières grandes lignes de la « politique religieuse » de Charles Maurras. Le recueil en existe, c’est le livre intitulé justement Le dilemme de Marc Sangnier, sous-titré « essai sur la démocratie religieuse » (2). Il s’agit du grand dialogue initial du nationalisme français avec la démocratie chrétienne, commencé en juillet 1904 et terminé par « la fin de la conversation » en février 1906. Sans oublier le centième anniversaire de la fondation de la Ligne d’Action française…
– Tu crois ? réplique Sophie. Ne serait-ce pas plutôt, cette année, le centenaire de l’Institut d’Action française, si l’on en croit son actuel directeur Michel Fromentoux dans L’Action française 2000 ? Si quelqu’un doit le savoir, c’est bien lui.
– Mais il se pourrait bien qu’il compte par années scolaires : l’année scolaire 2005-2006 est l’année du centenaire de l’année scolaire 1905-1906, on peut donc fêter le centenaire en 2005. Sinon, c’est assurément 2006 : la Nouvelle bibliographie de Charles Maurras par Roger Joseph et Jean Forges, « édition définitive » de 1980, donne le 14 février 1906 pour la fondation de l’Institut d’Action française ; en 1905 avaient été fondés : la Ligue d’Action française, le 15 janvier ; et le 8 décembre, au Quartier Latin, le premier groupe d’Etudiants d’Action française. Ce premier groupe d’étudiants d’AF est exactement contemporain de la loi de Séparation datée du 9 décembre et publiée au Journal officiel du 11.
Mais pour en revenir à la création de l’Institut d’Action française, Yves Chiron lui aussi, dans sa magistrale Vie de Maurras (p. 215) donne bien « l’année 1906 »…
Sophie, qui a écouté distraitement, interrompt ce déluge chronologique :
– Tu ne vas pas continuer à chipoter sur les dates ! Des anniversaires, on en trouve à la pelle !
– Certes : mais il y a ceux qui sont plus particulièrement les nôtres, avec les enseignements qu’ils comportent et qu’il ne faut pas laisser oublier. C’est notre patrimoine intellectuel. Et sentimental aussi. Et même spirituel.
– Je vois. Tu veux attirer l’attention à la cantonade sur le très proche cinquantenaire, en mars 2006, de la fondation d’Itinéraires avec Henri Charlier, Louis Salleron, Marcel Clément, Henri Pourrat, Marcel De Corte, Henri Massis… Tu comptes y inviter le ministre de la culture ?
– Je pense surtout qu’en 2006 viendra le 25e anniversaire de Présent. Non pas du numéro 1, qui parut le 5 janvier 1982, mais de la fondation, laborieuse et résolue, qui va du 2 mars 1981, date de la décision prise par François Brigneau, Bernard Antony et moimême, jusqu’à l’automne 1981, où parurent le numéro zéro et le numéro double zéro.
– Mais Présent sera-t-il encore vivant en mars 2006 ? et à l’automne ?
– Si la mémoire est vivante, si elle est assez vivante, si elle est aussi vivante dans notre public que dans nos cœurs, elle animera indomptablement le quotidien de la France française.
JEAN MADIRAN.
(1) Editoriaux et chroniques, tome II, p. 243 (aux Editions Dominique Martin Morin)
(2) Cet ouvrage est lui-même recueilli, avec La politique religieuse et avec L’Action française et la religion catholique, en un gros volume sous le titre : La Démocratie religieuse (Nouvelles Editions Latines).

dimanche 20 novembre 2005

[Aletheia n°83] L’“ insolence ” de l’abbé Pierre - L’abbé Pierre instrumentalisé

Yves Chiron - Aletheia n°83 - 20 novembre 2005
L’“ insolence ” de l’abbé Pierre
Le dernier livre de l’abbé Pierre, en librairie le 27 octobre dernier[1], a déchaîné, avant même sa parution, une nouvelle campagne médiatique marquée du signe de la “ christianophobie ”, pour reprendre l’expression de Michel De Jaeghere.
Pour ce livre, l’abbé Pierre revendique le droit à l’ “ insolence ”[2]. Une insolence qui lui fait mêler aveux intimes et “ semences d’interrogation ” sur plusieurs points de la doctrine catholique.
L’insolence est aussi celle d’un prêtre qui, pour admirables qu’aient été certains de ses engagements et son œuvre en faveur des plus démunis, semble se servir de cette notoriété pour répandre des idées toutes personnelles en matière doctrinale : “ de la part des évêques comme de la part du Saint-Siège je n’ai jamais trouvé de contradiction ” fanfaronne-t-il[3].
On laissera de côté les confidences intimes sur le “ désir sexuel ” : “il m’est arrivé d’y céder de manière passagère. Mais je n’ai jamais eu de liaison régulière car je n’ai pas laissé le désir sexuel prendre racine. Cela m’aurait conduit à vivre une relation durable avec une femme, ce qui était contraire à mon choix de vie” (page 26). Comme l’a dit Mgr Simon, archevêque de Clermont : “ Depuis l’épisode évangélique dit ”de la femme adultère”, nous sommes, et heureusement pour nous, délivrés d’avoir à jeter la première pierre. ” L’aveu n’aurait pas dû sortir du confessionnal et de la direction spirituelle.
On passera aussi sur des spéculations plus qu’hasardeuses : “ Je ne serais pas étonné qu’au cours de son pontificat Benoît XVI prenne deux mesures jugées libérales : permettre aux divorcés remariés de communier, et ordonner prêtre des ”anciens”, des hommes mariés qui ont déjà élevé leurs enfants… ” (p. 35).
En revanche, on peut bien interpeller l’abbé Pierre, et Frédéric Lenoir qui a recueilli et mis en forme ses propos, le poussant, reconnaît-il, “ dans ses retranchements ” :
• l’abbé Pierre se déclare favorable à la reconnaissance légale (et religieuse ?) des “ couples homosexuels ”, préférant cependant le mot “ alliance ” à celui de mariage (p. 38) ;
• il milite pour l’ordination sacerdotale des femmes ; estimant, avec un bel aplomb, que Jean-Paul II et le cardinal Ratzinger “ n’ont jamais avancé un seul argument théologique décisif qui démontre que l’accès des femmes au sacerdoce serait contraire à la foi ” (p. 42).
L’abbé Pierre, et son interlocuteur Frédéric Lenoir, ne se souviennent-ils pas de la Lettre apostolique Sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, signée par Jean-Paul II le 22 mai 1994 ? Ce rappel doctrinal était d’autant plus important qu’il comportait, au jugement de beaucoup de théologiens, une note d’infaillibilité, le pape affirmant : “ afin qu’il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l’Eglise, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22, 32), que l’Eglise n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Eglise. ” ;
• dans une veine qui se rattache aux plus mauvais romans ésotérico-religieux à la mode (Da Vinci Code), l’abbé Pierre répond à la question : “ Jésus avait-il une relation charnelle avec Marie-Madeleine ? ”. Il y répond, cette fois encore, avec le mélange de candeur et de suffisance qui marque nombre des pages de son livre : “ je ne vois aucun argument théologique majeur qui interdirait à Jésus, le Verbe incarné, de connaître une expérience sexuelle ” (p. 51) ;
• deux pages plus loin, reprenant les arguments du P. Cerbelaud (sans le citer), il s’inquiète de “ l’accumulation récente des dogmes concernant Marie ” (p. 53). Il se refuse “ à croire tel quel au péché originel ” et repousse les deux derniers dogmes mariaux proclamés par l’Eglise : l’Immaculée Conception (1854) et l’Assomption (1950).
Plus largement, l’abbé Pierre se refuse à rendre un culte à la Vierge Marie : “ je ne peux concevoir qu’on lui voue un véritable culte, lequel finit chez certains par prendre plus de place que l’adoration envers le Créateur ” (p. 55) ;
• plus loin encore, il dénie tout “ caractère historique ” aux premiers chapitres de la Genèse et n’y voit qu’un “ récit mythique ” (p. 67) ;
• sur l’Eucharistie, il dit vouloir tenir “ une voie médiane ” en refusant tout à la fois la doctrine de la transsubstantiation et la réduction de l’Eucharistie à un symbole (p. 76) ;
• autre affirmation péremptoire : “ rien ne permet d’affirmer que l’enfer existe, ou bien, ce qui revient au même, qu’il y ait un seul damné dedans ” (p. 95). C’est un article du Credo que l’abbé Pierre récuse.
• enfin, dernière opinion toute personnelle de l’abbé Pierre : “ Pour un chrétien, il y a donc nécessairement deux Révélations. Une Révélation visible, explicite, celle de la Bible et de Jésus-Christ ” et une “ révélation invisible – celle de l’Esprit Saint ? – [qui] a inspiré les autres religions et le cœur des hommes sans religion ” (p. 98-99). On en arrive, ici, à la vulgarisation la plus simplificatrice, et plus qu’erronée, d’une certaine théologie des religions qui s’est développée ces dernières années.

L’abbé Pierre instrumentalisé
D.I.C.I., le bulletin d’informations de la FSSPX, souvent bien informé, affirme dans son numéro du 12 novembre que “ face aux déclarations contraires à la foi catholique ” de l’abbé Pierre, “ l’épiscopat français n’a émis aucune protestation solennelle. […] Seul le supérieur du district de France de la Fraternité Saint-Pie X, l’abbé Régis de Cacqueray, a émis une protestation énergique sur le site officiel du district, La Porte Latine[4] ”.
Cette affirmation est fausse. Les réactions épiscopales n’ont pas tardé.
Le livre était disponible en librairie le 27 octobre. Le 1er novembre, interrogé sur la radio Europe 1, Mgr Lalanne, porte-parole de l’épiscopat a estimé : “ J’ai un peu peur qu’on l’ait instrumentalisé et qu’on se soit servi de lui pour faire avancer certaines thèses ”.
Le lendemain, 2 novembre, dans une tribune libre parue dans Le Monde, Mgr Simon, archevêque de Clermont, se disait scandalisé que l’abbé Pierre et son livre aient servi de “ caution à l’exhibitionnisme et au voyeurisme médiatiques ”. Et il dénonçait aussi l’alibi du débat : “ on habille ces révélations d’un prétendu débat autour de l’ordination d’hommes mariés ou de femmes. Mais, s’il s’agissait vraiment de ces débats, ils pouvaient être menés pour eux-mêmes. Et je n’aurais pas été scandalisé par le fait qu’un journaliste sollicite et utilise les idées bien connues de l’abbé Pierre sur ces points. Après tout, c’est de bonne guerre et l’on aurait pu, en effet, en discuter. Pour ma part je ne refuse pas d’en parler, mais sur le fond. Simplement, je croirais davantage à la bonne foi de ceux qui prétendent en débattre s’ils prenaient la peine de signaler un point de vue différent du leur. Je constate qu’il est impossible de faire entendre un avis divergent. Alors qu’on ne vienne pas me dire que les prétendues ”révélations” de l’abbé Pierre sont là pour faire avancer le dossier. ”
Deux jours plus tard, Mgr Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la Conférence des évêques de France, intervenait solennellement. Le 4 novembre, en ouvrant l'Assemblée plénière de l'épiscopat qui se tenait à Lourdes, Mgr Ricard prononçait un éloquent plaidoyer en faveur du célibat sacerdotal : “ Une Eglise qui se sent appelée, comme chez nous en France, à devenir de plus en plus une Eglise de la première évangélisation, implique tout particulièrement cette forme de disponibilité et de consécration totale à la mission qui reproduit le mode d'existence du Christ lui-même pour l'annonce du règne de Dieu. Il est important de promouvoir et de défendre ce choix du célibat sacerdotal. ”
Ce choix – cet engagement – se heurte, a poursuivi Mgr Ricard, à “ un environnement qui lui est hostile, y compris dans certains secteurs de notre Eglise ”. Faisant référence au récent ouvrage de l’abbé Pierre et à son “ exploitation médiatique ”, Mgr Ricard a clairement dénoncé une manœuvre : “ Son propos est instrumentalisé pour alimenter le procès contre l'Eglise et en faire une arme de plus contre le célibat des prêtres. Tout est bon pour nourrir un tel combat, que ce soit un scandale, des cas de pédophilie, des prêtres qui ont des enfants ou qui se marient. ”
Le milieu culturel et médiatique dominant – héritier de mai 68 et de la “ libération sexuelle ” – ne supporte pas la consécration totale, y compris physique, à Dieu. Mgr Ricard relève justement que si le célibat ecclésiastique est tant brocardé et critiqué, c'est parce qu' “ il vient dire qu'il n'y a pas seulement l'usage du sexe dans la vie et que l'homme est appelé à savoir maîtriser ses propres pulsions. Or, il y a là une interpellation que notre société aujourd'hui a du mal à entendre et à accepter. ”
L’abbé Pierre est donc, finalement, victime de sa propre “ insolence ” revendiquée.

Diffusion

Ouvrages de Jean Madiran

  • La Trahison des commissaires, Consep, 2004, 65 pages, 10 euros.


  • Maurras toujours là, Consep, 2004, 104 pages, 15 euros.


  • La Laïcité dans l’Eglise, Consep, 2005, 153 pages, 18 euros.

Ouvrages d’Yves Chiron

  • Pie IX, pape moderne, Clovis, 1995, 524 pages, 18 euros.


  • Pie IX et la franc-maçonnerie, Editions BCM, 2000, 22 pages, 4 euros.


  • Saint Pie X, pape réformateur, Publications du Courrier de Rome, 1999, 365 pages, 18 euros.


  • Pie XI, Perrin, 2004, 416 pages, 22 euros.


  • Le Vatican et la question juive en 1941. Publication du rapport Bérard, Editions Nivoit, 2000, 25 pages, 5 euros.


  • Padre Pio le stigmatisé, Perrin, 2002 (3e édition augmentée et mise à jour), 346 pages, 19 euros.


  • Veilleur avant l’aube. Le Père Eugène de Villeurbanne, Clovis, 1997, 510 pages, 19 euros.


  • Enquête sur les miracles de Lourdes, Perrin, 2000, 215 pages, 17 euros.


  • La véritable histoire de sainte Rita, Perrin, 2003, 248 pages, 15 euros.


  • “ Diviniser l’humanité ”. Anthologie sur la communion fréquente, Préface du cardinal Medina Estevez, Editions de La Nef, 2005, 135 pages, 13 euros.

Commandes, franco de port, à adresser à :
ALETHEIA - 16, rue du Berry - F36250 NIHERNE
Paiement à l’ordre de l’ “ Association Nivoit ”
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NOTES
[1] Mon Dieu…pourquoi ?, ouvrage écrit en collaboration avec Frédéric Lenoir, Plon, 108 pages, 13 euros.
[2] Il a employé cette expression lors d’un entretien “ exclusif ” accordé à Marc-Olivier Fogiel dans l’émission de France 3 On ne peut pas plaire à tout le monde, le 30 octobre dernier.
[3] Idem.
[4] D.I.C.I., n° 124, 12 novembre 2005 (Etoile du Matin, 57230 Eguelshardt, 2 euros le numéro), p. 6.

dimanche 16 octobre 2005

[Aletheia n°82] Le centenaire du "vénéré Mgr Lefebvre", un document - Notes de lecture - Précisions

Yves Chiron - Aletheia n°82 - 16 octobre 2005
Le centenaire du "vénéré Mgr Lefebvre" - Un document
Un catholique soumis aux enseignements du Saint-Siège peut bien appeler le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X le “ vénéré Mgr Lefebvre ” puisque c’est en ces termes mêmes que Benoît XVI l’a évoqué lors de l’audience qu’il a accordée à Mgr Fellay le 29 août dernier.
Depuis plusieurs mois déjà, la FSSPX multiplie les manifestations (conférences, colloques, cérémonies) pour commémorer le centenaire de la naissance de son fondateur (29 novembre 1905). On sera attentif à ce jugement de l’abbé de Cacqueray, supérieur du district de France de la FSSPX. Il estime que “ ce qui a caractérisé la vie de Mgr Lefebvre ” n’est pas le fait d’avoir été le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, ni non plus “ son attachement à la messe ” (traditionnelle) mais d’avoir été “ l’homme de la foi et, en ces temps de crise de la foi, de ruine de la foi, il en a été le chantre, le défenseur, l’athlète invincible ”[1].
Les études historiques sur Mgr Lefebvre et la Fraternité Saint-Pie X, et sur le traditionalisme en général, sont encore peu nombreuses. Les travaux universitaires sont, à ce jour, souvent parcellaires et souvent décevants[2]. La plus importante biographie de Mgr Lefebvre est celle qui a été publiée par un des évêques qu’il a sacrés en 1988 : Bernard Tissier de Mallerais, Marcel Lefebvre. Une vie (Clovis, 2002). L’ouvrage, volumineux (719 pages), bien informé, traduit ou en cours de traduction en anglais, italien et allemand, ne trahit pas la vérité de l’histoire – au risque de déplaire aux tenants d’un ”lefebvrisme” idéologisé – , même si on peut donner des interprétations différentes de certains événements récents de l’histoire de l’Eglise.
En guise de contribution, modeste, au centenaire, voici un document : la notice nécrologique parue au lendemain de la mort de Mgr Lefebvre dans la revue interne de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit à laquelle il a appartenu et dont il fut le Supérieur général. Cette notice, rédigée par celui qui était à l’époque Supérieur provincial des Spiritains, est assez équanime, malgré ses retenues et l’expression feutrée ou ouverte des désaccords.

Mgr Marcel LEFEBVRE
La mort de Mgr Lefebvre en cours de semaine sainte et après une retraite discrète, n'a pas fait grand événement médiatique. Et c'était mieux ainsi. Mais tous les spiritains français ont été suffisamment marqués par Mgr Lefebvre pour que nous évoquions ici dans la prière ce qu'il a été pour nous.
Il est entré dans la Congrégation par le Séminaire Français de Rome où il faisait ses études pour le diocèse de Lille de 1923 à 1930. Il a fait son noviciat comme prêtre. Après sa profession religieuse en 1932, il est missionnaire 12 ans au Gabon. Il est directeur du scolasticat de Mortain en 1945. Il est alors nommé Vicaire apostolique de Dakar et Délégué apostolique pour l'Afrique française en 1947. Ceux d'entre nous qui ont vécu avec lui ses longues années missionnaires témoignent de son dévouement, de son esprit d'organisation dans son service missionnaire.
Avec les années soixante, l'Afrique arrive aux indépendances et l'Eglise entre en Concile. Nous avons assisté à la difficulté qu'a eue Mgr Lefebvre à vivre ces événements. Il quitte l'Afrique pour l'évêché de Tulle en 1962 et la même année il est élu Supérieur Général. Nous avions accepté sa nomination comme Supérieur Général, même si tout le monde ne le souhaitait pas.
Alors sont venues les prises de position que l'on sait au Concile et les directives sur le style de formation dans les scolasticats. Dans la Province de France surtout, nous avons eu à supporter les interpellations de bien des gens au sujet des orientations de Mgr Lefebvre, mais la grande majorité d'entre nous a dû concilier sa vie spiritaine avec des directives évidemment orientées. Nous sommes reconnaissants envers tous ceux qui nous ont aidés à passer ces années difficiles sans confondre les positions personnelles de Mgr Lefebvre avec celles de la Congrégation.
Il n'est pas inutile de dire, car c'est peu connu, comment Mgr Lefebvre a quitté la charge de Supérieur Général. Élu pour 12 ans en 62, il a annoncé le 27 mai 1968, qu'il démissionnerait au Chapitre spécial, pour que celui-ci puisse être électif. Ce qu'il a fait. Une question de procédure l'a mis en minorité ; il a alors quitté le Chapitre et n'y est reparu que très peu. Le Père Lécuyer a été élu Supérieur Général. Mgr Lefebvre s'est retiré de la vie de la Congrégation, comme peuvent le faire les religieux devenus évêques. Et nous avons appris plus tard qu'il travaillait à la fondation d'un Séminaire en Suisse.
L'histoire d'Ecône est connue. Même si des confrères ont gardé une grande estime et parfois une amitié envers leur confrère, aucun n'a voulu participer à son œuvre. Les rencontres personnelles et les échanges de lettres n'ont pas manqué, surtout aux grandes étapes de cette action : en 1976, suspense a divinis après l'ordination de quelques prêtres ; en 1988, ordination d'évêques et déclaration du schisme. Mgr Lefebvre a toujours répondu à ses amis avec sa bienveillance habituelle, mais il est malheureusement resté tout aussi ferme dans sa démarche de séparation.
Donnons le témoignage d'un récent échange de lettres entre un confrère et lui en novembre dernier. Mgr Lefebvre : "Votre lettre me fait bien plaisir et je vous remercie de me donner de vos nouvelles... Je vous assure que je ne regrette pas ce que la Providence m'a suggéré de faire. Après-demain j'aurai 85 ans. Je sais bien que la fin approche. Je l'attends avec joie et paix, ayant conscience de n'avoir jamais travaillé que pour la Règne de Notre-Seigneur au cours de mes 61 ans de sacerdoce". Réponse du confrère : "Faut-il vraiment rester en désunion avec le Saint-Père ? Monseigneur, vous faites allusion à ce que la Providence vous a suggéré de faire... Avant d'entrer dans l'amour infini de Dieu, allez embrasser Jean-Paul II. Ce serait une telle joie pour moi et tant d'autres qui vous aiment tant". Il ne l'a pas fait, il n'est pas inutile de savoir que cela lui a été dit.
Mgr Lefebvre a été un spiritain généreux, un missionnaire évangélique et actif, un supérieur général soucieux de la vie de la Congrégation. Son orientation personnelle, intellectuelle et ecclésiale, qui l'a porté jusqu'à la séparation de l'Eglise, nous restera toujours mystérieuse. Nous le confions dans la prière à l'accueil miséricordieux du Père.
Jean SAVOIE
(Province et Mission, n° 165, avril 1991)

Lectures
• Matthieu Baumier, L’anti-Traité d’athéologie, Presses de la Renaissance, 243 pages, 17 €.
Michel Onfray, philosophe à la mode, qui se réclame d’un improbable “ nietzschéisme de gauche ”, a multiplié les ouvrages pour exalter la jouissance, une culture de l’hédonisme et son hostilité aux monothéismes. Le titre de son dernier livre, Traité d’athéologie, dit bien sa volonté de se débarrasser de la question de Dieu : “ Le dernier Dieu disparaîtra avec le dernier des hommes. Et avec lui la crainte, la peur, l’angoisse, ces machines à créer des divinités ” (p. 40).
La thèse de la religion comme névrose n’est pas nouvelle, ni non plus la posture adoptée par Onfray qui revendique un athéisme “ argumenté, construit, solide et militant ”. En revanche, jamais n’avait été affirmée de façon aussi péremptoire la thèse que la barbarie du XXe siècle, et singulièrement le nazisme, trouve sa source dans le monothéisme.
L’ouvrage de Michel Onfray a été un succès de librairie après que l’auteur ait pu exposer ses thèses sans recevoir de contradiction, dans un univers médiatique dont une des caractéristiques est d’être religieusement inculte.
Matthieu Baumier, essayiste et romancier, met à nu, dans L’anti-Traité d’athéologie, le “ système Onfray ”. Son Anti-Traité est vigoureux et bien informé. En matière historique, il relève non seulement les approximations de Michel Onfray, mais aussi ses ignorances graves. Et en matière philosophique et théologique, il démonte les sophismes de son argumentation antichrétienne et antijuive.
Michel De Jaeghere, Enquête sur la christianophobie. Renaissance catholique (89 rue Pierre Brossolette, 92130 Issy-les-Moulineaux), 214 pages, 15 €.
Certains accents de Michel Onfray – sur le christianisme qui “ contamine l’Univers ” et répand une “ épidémie mentale ” – rappellent les antiques diatribes de Celse. De manière plus générale, ils manifestent, une fois encore, cette “ christianophobie ” qui est devenue une composante majeure du paysage médiatique d’aujourd’hui comme l’expose, avec brio, Michel De Jaeghere.
Son Enquête sur la christianophobie est très ample, riche en faits et en citations. Pages 182 à 185, il a le courage de pointer du doigt les trois “ lobbies ” qui “ constituent une sorte de féodalité moderne ” et qui ont en commun d’être militants dans leur “ rejet du catholicisme romain ” : la franc-maçonnerie, “ le lobby homosexuel, très influent dans le milieu artistique ” et “ un certain nombre de dirigeants des institutions représentatives de la communauté juive ”.
Michel De Jaeghere ne crie pas au complot judéo-maçonnique. Il n’assimile pas tous les Français de confession juive à certains des “ dirigeants ” de la communauté juive. Il dénonce des “ groupes de pression ”. Aucun évêque français n’oserait nommer publiquement ces lobbies, même si, dans la discrétion, un certain nombre déplorent les interventions de l’un ou l’autre de ces groupes de pression.

Précisions
• Un lecteur internaute a cru lire “ une énorme bourde ” dans le n° 80 où, recensant l’épais numéro du Sel de la terre consacré à Fatima, je relevais que les rédacteurs d’Avrillé ne jugent pas “ authentique ” le texte de la 3e partie du secret de Fatima révélée et interprétée par le Vatican en 2000. Mon contradicteur s’écrie : “ si ce numéro critique bel et bien l’interprétation officielle, il consacre plusieurs pages à en défendre l’authenticité ! ! ! ”.
Les subtilités apparentes des rédacteurs d’Avrillé peuvent tromper certains lecteurs. C’est bien l’abbé François Knittel, collaborateur de ce numéro de 2005 du Sel de la Terre, qui a publié, en 2002, un article pour s’interroger “ Où est la fin du deuxième secret de Fatima ? ” (Nouvelles de Chrétienté, n° 78). C’est le P. Louis-Marie qui dans ce même n° 53 du Sel de la Terre au terme de sa longue étude (“ Sur la neutralisation du troisième secret ”) estime : “ on ne peut affirmer avec certitude que nous avons désormais intégralement le secret du 13 juillet 1917 ”. Le même auteur, reprenant une distinction célèbre appliquée à un autre sujet – cf. ci-dessous – écrit : “ s’il n’y a pas eu occultation matérielle, il y a eu occultation formelle… ”.
Le P. Louis-Marie de Blignières, en référence à notre n° 80, nous prie de préciser que sa position au début des années 1980 ne saurait être qualifiée de “ sédévacantiste ” : “ Nous avons constamment affirmé la permanence matérielle de la Hiérarchie ”. De fait, le P. de Blignières et d’autres clercs à l’époque avaient adopté la fameuse thèse dite de Cassiciacum (du nom de la publication où, en 1979, le P. Guérard des Lauriers appliqua une distinction théologique classique à la situation de l’Eglise contemporaine) : on ne peut reconnaître à Jean-Paul II, et avant lui à Paul VI, l’Autorité pontificale formaliter, à cause de leurs erreurs, mais on doit les reconnaître comme papes materialiter (occupant légitimement ou “ légalement ” disent certains le Siège de Pierre).
Cette distinction, apparemment subtile, a divisé et divise encore les marges du traditionalisme. Aujourd’hui, l’Institut Mater Boni Consilii, dans la région turinoise, ou l’abbé Sanborn, établi dans le Michigan, soutiennent encore cette thèse[3]. Tandis que les Amis du Christ-Roi, de Louis-Hubert Rémy, les éditions Delacroix et les Editions Saint-Rémi sont sédévacantistes.
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NOTES

[1] Éditorial du numéro spécial de la revue Fideliter (B.P. 88, 91152 Etampes Cedex, n° 167, 7,50 €), où l’on trouvera, notamment, deux témoignages : un entretien avec Michel Lefebvre, le frère de Mgr Lefebvre, et un long récit du P. Henri Gravrand (1921-2003), qui fut d’abord missionnaire spiritain au Sénégal (de 1948 à 1987) avant de devenir moine cistercien à Aiguebelle.
[2] Par exemple : Nicla Buonasorte, Tra Roma e Lefebvre. Il tradizionalismo cattolico italiano e il Concilio Vaticano II, Rome, Edizioni Studium, 2003.
[3] Cf. Abbé Francesco Ricossa, L’abbé Paladino et la “ Thèse de Cassaciacum ”, C.L.V. (Loc. Carbignano 36 - 10020 Verrua Savoia (TO), Italie), 36 pages, 4,57 €.

dimanche 18 septembre 2005

[Aletheia n°81] Rome et la FSSPX en dialogue

Aletheia n°81 - 18 septembre 2005

Rome et la FSSPX en dialogue

Outre une conférence devant des prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Fellay a rendu compte de sa rencontre avec Benoît XVI dans un entretien accordé à DICI (www.dici.org) et publié le 17 septembre. En voici la reproduction intégrale :

"Le devoir de faire reconnaître la place de la Tradition dans l’Église"

DICI : Monseigneur, vous avez demandé au pape Benoît XVI une audience qui a eu lieu le 29 août dernier. Quel était le sens de votre démarche ?

Mgr Fellay : Nous avons souhaité rencontrer le Saint-Père parce que nous sommes catholiques et que, comme tout catholique, nous sommes attachés à Rome. En demandant cette audience nous voulions montrer que nous sommes catholiques. Tout simplement.

Notre reconnaissance du pape ne se limite pas seulement à la mention de son nom au canon de la messe par tous les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X. Il est normal que nous marquions notre déférence en tant que catholiques romains. Catholique veut dire universel, et le Corps mystique de l’Église ne se réduit pas à nos chapelles.

Il y a également de notre part le dessein de rappeler au nouveau Souverain Pontife l’existence de la Tradition ; le souci de lui rappeler que la Tradition c’est l’Église et que nous incarnons de façon tout à fait vivante la Tradition de l’Église. Nous voulons montrer que l’Église serait plus forte dans le monde d’aujourd’hui si elle maintenait la Tradition. Ainsi nous souhaitons apporter notre témoignage : si l’Église veut sortir de la crise tragique qu’elle traverse, la Tradition est une réponse, voire la seule réponse à cette crise.

DICI : Comment s’est déroulée cette audience ?

Mgr Fellay : L’audience a eu lieu dans la résidence d’été des papes à Castel Gandolfo. Prévue à 11 h 30, elle a débuté effectivement à 12 h 10 dans le bureau du Souverain Pontife. Celui-ci accorde habituellement une audience de quinze minutes à un évêque. Pour nous cela a duré trente-cinq minutes. Cela signifie, disent les spécialistes du Vatican, que Benoît XVI a voulu montrer l’intérêt qu’il porte à ces questions.

Nous étions quatre : le Saint-Père et le cardinal Castrillon Hoyos, l’abbé Schmidberger et moi. La conversation s’est déroulée en français - contrairement à certaines sources qui annonçaient qu’elle se tiendrait en allemand - ; elle a été conduite par le pape dans une atmosphère bienveillante. Lui-même a énoncé trois difficultés en réponse à la note que nous lui avions fait parvenir un peu avant l’audience. Benoît XVI en avait pris connaissance et il n’a pas été nécessaire de reprendre les points évoqués dans cette note.

Nous y faisions une description de l’Église en citant "l’apostasie silencieuse" de Jean-Paul II, "le bateau qui prend l’eau de toute part" et "la dictature du relativisme" du cardinal Joseph Ratzinger, avec en annexe des photos de messes toutes aussi scandaleuses les unes que les autres.

Nous donnions également une présentation de la Fraternité avec des chiffres et diverses réalisations. Nous citions deux exemples d’actions menées par la Fraternité dans le monde actuel et l’attitude invraisemblable des épiscopats locaux à leur endroit : le procès en Argentine qui obtint l’interdiction de la vente des contraceptifs, qui nous vaut le qualificatif de terroristes de la part de l’évêché de Cordoba, et la dénonciation de la gay-pride de Lucerne qui se termina dans une église catholique par un office protestant dans l’indifférence totale de l’évêque.

Enfin nous formulions nos demandes : changer le climat d’hostilité à l’égard de la Tradition, climat qui rend la vie catholique traditionnelle - y en a-t-il une autre ? - à peu près impossible dans l’Église conciliaire, en donnant une pleine liberté à la messe tridentine, faire taire le reproche de schisme en enterrant les prétendues excommunications, et trouver une structure d’Église pour la famille de la Tradition.

DICI : Est-il possible de connaître les difficultés soulevées par Benoît XVI ?

Je peux seulement les évoquer. Dans un premier temps, le Saint Père a insisté sur la reconnaissance effective du pape et l’a reliée à la situation de nécessité invoquée pour le sacre des évêques par Mgr Lefebvre et pour notre activité subséquente.

Ensuite Benoît XVI a précisé qu’il n’y avait qu’une manière d’être dans l’Église catholique : c’est d’avoir l’esprit de Vatican II interprété à la lumière de la Tradition, c’est-à-dire dans l’intention des pères du concile et selon la lettre des textes. C’est une perspective qui nous effraie passablement…

Enfin il nous faudrait, pense le Souverain Pontife, une structure qui nous convienne pour le rite traditionnel et certaines pratiques extérieures, - sans pour autant nous protéger de l’esprit du concile que nous devrions adopter.

DICI : Le communiqué du Vatican à l’issue de l’audience parle d’une "volonté de procéder par étapes et dans des délais raisonnables". Que faut-il entendre par cette expression ?

Mgr Fellay : Le pape n’a pas voulu aborder les problèmes, mais simplement les esquisser. Or il faudra bien, dans un premier temps, répondre à l’exigence du droit de cité de l’ancienne messe pour ensuite aborder les erreurs du concile, car nous y voyons la cause des maux actuels, cause directe et pour une part indirecte.

Bien sûr, nous irons pas à pas. Il faut apporter sur le concile un éclairage différent de celui qui est donné par Rome. Tout en dénonçant les erreurs, il est indispensable de montrer leur suite logique, leur incidence sur la situation désastreuse de l’Église aujourd’hui, sans toutefois provoquer une exaspération qui entraînerait une rupture de la discussion. Cela nous oblige donc à procéder par étapes.

À propos des délais raisonnables, il se dit à Rome que des documents pour les communautés rattachées à la Commission Ecclesia Dei sont en préparation, quelque chose de nouveau, du jamais vu encore. "Attendons et voyons !" Il est certain que le pape a la volonté de régler rapidement cette situation.

Pour être tout à fait juste, je voudrais apporter ici une précision. En effet, il faut bien considérer la situation dans laquelle se trouve le pape. Il est coincé entre les progressistes et nous : s’il vient à libéraliser la messe sur notre seule demande, les modernistes se dresseront en disant que le pape a cédé aux traditionalistes. Nous apprenions ainsi de Mgr Ricard qu’en 2000, lui-même, le cardinal Lustiger et l’archevêque de Lyon s’étaient précipitamment rendus à Rome pour bloquer toute avance faite à la Fraternité, en brandissant la menace d’une rébellion. Nous savons que les évêques allemands ont agi de la même manière lors des J.M.J. de Cologne : "C’est eux ou nous". Il faut comprendre : "S’ils sont reconnus, nous sortons de l’Église et nous faisons schisme".

De telle sorte que le pape ne pouvait pas, au cours de l’audience, nous donner verbalement l’assurance qu’à l’automne, par exemple, la messe serait libéralisée. Toute promesse de sa part faite à la Fraternité en ce sens l’exposerait infailliblement à la pression exercée par les progressistes. Nous aurions alors recueilli les vues d’un pape contre une majorité d’évêques enclins à la sécession. Cela n’est pas envisageable dans la débâcle actuelle, même avec la volonté d’une certaine restauration. Pour ma part, je pense que seule une libéralisation limitée sera éventuellement concédée.

DICI : La presse s’est fait l’écho de divisions au sein de la Fraternité Saint Pie X. Qu’en est-il précisément ?

Mgr Fellay : L’annonce de cette audience accordée par le pape a provoqué un véritable tumulte dans les médias. Ils ont fait beaucoup de bruit, tentant de montrer des divisions dans la Fraternité parmi les quatre évêques. Les journalistes ont également propagé les menaces adressées au pape par les progressistes : "Libérer la messe c’est désavouer Paul VI et la réforme liturgique".

Mais je puis vous affirmer qu’à l’intérieur de la Fraternité Saint Pie X les quatre évêques sont à l’unisson au sujet des rapports avec Rome, et que Mgr Williamson, dont le nom a été cité, n’est pas "sédévacantiste". Les médias n’ont pas d’inquiétude à avoir. Malheureusement pour eux, c’est un hors sujet !

DICI : Monseigneur, qu’espérez-vous maintenant ?

Mgr Fellay : Il y a une espérance chez certains cardinaux à Rome de voir la Tradition reconnue. Nous l’espérons également. Nous espérons en particulier une entière libéralisation de la messe, mais cela risque fort de ne pas être pour demain. Nous aurons alors le devoir de faire reconnaître la place de la Tradition dans l’Église, en évitant de susciter les mauvaises interprétations que l’on donne d’elle.

Il faudra faire admettre aux autorités romaines que nous ne pouvons suivre sans de sérieuses restrictions l’interprétation que l’on donne du concile et l’œcuménisme tel qu’il est pratiqué. Au fond, ce que nous espérons, c’est de faire comprendre un jour la raison d’être de la Tradition.


Le jour même où étaient connues ces déclarations de Mgr Fellay, un autre évêque de la FSSPX, Mgr Williamson, rendait publiques des “ Réflexions pour le mois de septembre ” (texte original anglais et “ version française par l’auteur ” disponibles sur qien.free.fr).

Ces “ Réflexions ” se terminent ainsi : “ …tant que les autorités de notre Mère, l’Église, souffrent la lèpre de l’hérésie néo-moderniste, prions Dieu pour que nous gardions l’équilibre juste, en nous éloignant d’eux ni trop peu, car ils ont la lèpre, ni trop, car l’Église reste notre Mère. C’est un équilibre délicat, mais les quatre évêques de la Fraternité entendent unanimement le garder. Dieu aidant, et sa Très Sainte Mère. ”

Y A-T-IL ENCORE UN “ ETAT DE NECESSITE ” ?

Sans prétendre commenter ces déclarations épiscopales, et encore moins s’immiscer dans un dialogue que le Saint-Père a accepté de réengager, on relèvera quelques points des réponses de Mgr Fellay à DICI :

• L’attachement à Rome et la reconnaissance de l’autorité du Souverain Pontife sont affirmés d’emblée par le Supérieur général de la FSSPX. C’est un rappel de doctrine et de discipline qui, semble-t-il, n’est pas destiné seulement à rassurer le Saint-Siège. Il s’adresse aussi, sans doute, aux prêtres de la FSSPX qui refusent de mentionner le nom du pape au canon de la messe. Ces prêtres “ non una cum ” sont une minorité au sein de la FSSPX – Mgr Lefebvre, en son temps, avait sanctionné ceux qui refusaient de nommer le pape au canon. Mais les fidèles qui assistent à la messe dans un prieuré de la FSSPX ne savent pas, parfois, si le pape est nommé ou non dans le canon.

• Mgr Fellay indique que Benoît XVI a évoqué, dès les débuts de l’entretien, “ la situation de nécessité invoquée pour le sacre des évêques par Mgr Lefebvre ”.

En effet, l’argument de nécessité était revenu souvent, lors de l’ “ année climatérique ” (J. Madiran), dans les déclarations de Mgr Lefebvre pour justifier les sacres épiscopaux qu’il allait accomplir :

“ la Fraternité et son histoire manifestent publiquement cette nécessité de la désobéissance pour demeurer fidèles à Dieu et à l’Église ” (Lettre aux anciens du Séminaire d’Ecône, le 29 mars 1988) ;

“ la nécessité absolue d’avoir des autorités ecclésiastiques qui épousent nos préoccupations et nous aident à nous prémunir contre l’esprit de Vatican II et l’esprit d’Assise ” (Lettre au pape, le 2 juin 1988) ;

“ la nécessité absolue de la permanence et de la continuation du sacrifice adorable de Notre Seigneur pour que ”son Règne arrive” ” (Lettre aux futurs évêques, le 29 août 1987, rendue publique en juin 1988).

Cette nécessité – au sens philosophique, opposé à contingence – était définie aussi par Mgr Lefebvre comme une “ contrainte par la Providence ”.

Aujourd’hui, Benoît XVI affirme à Mgr Fellay que l’argument de l’état de nécessité ne peut plus être employé pour justifier la désobéissance et la séparation.

• La “ structure d’Église ” à accorder à la FSSPX, c’est-à-dire le statut canonique à lui reconnaître, ne semble pas poser un problème insurmontable. Une plus grande libéralisation de la messe traditionnelle semble aussi, selon d’autres sources, pouvoir intervenir lors du prochain synode sur l’Eucharistie, en octobre prochain.

Reste la question du concile Vatican II. Benoît XVI a affirmé, rapporte Mgr Fellay, “ qu’il n’y avait qu’une manière d’être dans l’Église catholique : c’est d’avoir l’esprit de Vatican II interprété à la lumière de la Tradition ”. “ Perspective ” effrayante commente Mgr Fellay.

On remarquera, néanmoins, que Mgr Fellay ne rejette pas tout le concile Vatican II en tant que tel. Il parle certes des “ erreurs du concile ” mais aussi, d’une manière plus limitée, des “ sérieuses restrictions ” à faire à “ l’interprétation ” du concile. L’abbé Schmidberger, premier assistant général de la FSSPX et qui participait à la rencontre du 29 août, avait évoqué déjà “ beaucoup de déformations nées du concile Vatican II et à une certaine façon de comprendre l’œcuménisme et la liberté de religion ” (déclaration à l’agence APIC le 30 août 2005). “ Mauvaise interprétation ” et “ déformations ” ne signifient pas rejet entier.

On en reviendrait ainsi à un des points de l’accord, éphémère, du 4 mai 1988 : “ À propos de certains points enseignés par le concile Vatican II […] et qui nous paraissent difficilement conciliables avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique, en évitant toute polémique. ”

jeudi 1 septembre 2005

[Aletheia n°80] Un évêque dominicain pour le diocèse de Saint-Claude + autres textes

Aletheia n°80 - 1er septembre 2005

Un évêque dominicain pour le diocèse de Saint-Claude

Fin août, Benoît XVI a nommé le Père Jean Legrez, dominicain, évêque du diocèse de Saint-Claude, dans le Jura. Le siège était vacant depuis plus d’un an.
Cette nomination est significative des choix, en profondeur, de Benoît XVI, eu égard à la situation française. Elle est significative aussi de l’accession aux responsabilités dans l’Eglise d’une génération post-conciliaire, qui a souffert de la crise de l’Eglise. Le parcours de Mgr Legrez est, en effet, atypique.
Né en 1948 à Paris, il a effectué ses études primaires et secondaires au Collège Saint-Jean de Passy (où il a été le condisciple du futur Père Louis-Marie de Blignières). Il était adolescent au moment du concile Vatican II. Il a vécu les “ événements ” de mai 68 à l’Université de Nanterre, où il effectuait des études de lettres modernes.
Entré ensuite chez les Dominicains, il a reçu sa formation religieuse, philosophique et théologique dans différents couvents de son ordre (Lille, Strasbourg, Paris et Toulouse), avec un passage d’une année à l’Ecole biblique de Jérusalem.
Il a été ordonné prêtre le 27 juin 1976 à Toulouse. Il a d’abord été vicaire de la paroisse qui dépendait du couvent de Toulouse. Mais, dès 1977, il quittait l’ordre dominicain, avec le P. Jean-Miguel Garrigues, qui avait été son professeur de théologie dogmatique patristique[1].
Cette rupture d’avec l’ordre dominicain est une illustration de la crise polymorphe de la quinzaine d’années qui a suivi le concile Vatican II. L’ordre dominicain, comme quasiment tous les ordres religieux, au moins en France, traversait depuis des années un maëlstrom qui bouleversait tout. À cette même époque, estimant que l’ordre dominicain tel qu’il était en France n’était plus fidèle à ses constitutions fondatrices et à l’esprit de saint Dominique, des groupes d’inspiration dominicaine se fondaient de manière autonome : en octobre 1975 à Clamart, en 1979 à Chémeré[2].
Le P. Legrez et le P. Jean-Miguel Garrigues ne vont pas, eux, vouloir refonder en s’inspirant de l’idéal dominicain. Ils vont participer à la fondation de plusieurs fraternités monastiques dans différentes villes : en 1977 à Aix-en-Provence, en 1980 en Avignon, à Lyon, enfin, à partir de 1983. À Lyon, la Fraternité monastique était installée à la paroisse Saint-Nizier dont le P. Legrez sera nommé curé.
Ces fraternités monastiques paroissiales étaient de petites communautés où se conjuguaient observances monastiques, office choral dans l’église paroissiale (donc ouvert aux fidèles), et vie apostolique, marquée notamment par un accompagnement spirituel des fidèles. Un certain nombre de fidèles, dont le signataire de ces lignes, ont trouvé, auprès de ces moines dans la ville, un soutien et un enseignement spirituels qui ont été déterminants dans leur vie.
Cette forme nouvelle de vie religieuse et d’apostolat –  des “ moines urbains ” –  renouait, en fait, avec une forme très ancienne du monachisme qui, à l’origine, ne fut pas vécu uniquement dans la solitude du désert. À cette époque, Jean-Miguel Garrigues et Jean Legrez ont étudié, d’un point de vue historique et théologique, cette tradition monastique dans un livre : Moines dans l’assemblée des fidèles. À l’époque des Pères. IVe -VIIIe siècle, (Beauchesne, 1992).
En1996, la Fraternité monastique lyonnaise a fermé ses portes. Jean-Miguel Garrigues a rejoint la Congrégation Saint-Jean du P. Marie-Dominique Philippe, Jean Legrez est revenu dans l’ordre dominicain.
Ce retour dans l'ordre des Frères prêcheurs, près de vingt ans après en être parti, illustre combien l’ordre dominicain avait changé. La situation des ordres religieux, comme la situation de l’Eglise en général, n’est plus la même depuis les années de crise des années 60 et 70. Il n’y a certes pas eu restauration à l’identique, et, pour s’en tenir à la situation française, d’une congrégation à l’autre, la situation est très différente.
Revenu dans l’ordre dominicain, le P. Legrez a résidé depuis 1996 au couvent Saint-Lazare de Marseille, dont il est devenu sous-prieur en 1998, prieur en 2001 (réélu en 2004). La présence dominicaine à Marseille est redevenue visible et active, par la restauration du couvent, par l’habit blanc retrouvé, par la prédication, par la vie liturgique communautaire ouverte aux fidèles (laudes, messe, vêpres, complies), par des “ conférences du mardi ”.
La nomination du P. Legrez comme évêque de Saint-Claude l’a surpris, il l’a écrit lui-même dans sa première lettre aux prêtres de son diocèse. Le grand quotidien régional l’Est Républicain, en annonçant, le 23 août dernier, la nomination du nouvel évêque de Saint-Claude, jugeait qu’il appartient à la “ mouvance traditionnelle de l’Eglise ”. L’intéressé ne se reconnaîtra pas vraiment dans cette qualification. Il n’est certainement pas traditionaliste (à Lyon, les liturgies en français de sa Fraternité monastique, attiraient beaucoup de fidèles par le sens du sacré et du surnaturel qu’elles manifestaient, mais elles déplaisaient aux catholiques attachés au rite traditionnel). Si on voulait à tout prix lui accoler une étiquette, forcément réductrice, on le qualifierait, plus volontiers, de “ patristique ”, par son désir et sa pratique de ressourcement aux Pères de l’Eglise.
Le diocèse de Saint-Claude est un de ces diocèses, de moins en nombreux, où il n’y a pas de célébration régulière de la liturgie traditionnelle dans le cadre du motu proprio de 1988, ni de prieuré de la Fraternité Saint-Pie X. Les fidèles du diocèse attachés au rite traditionnel trouveront très certainement auprès de leur nouvel évêque un accueil bienveillant et attentif.
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Rome – FSSPX : Le “ dialogue ” renoué

À la vérité, le “ dialogue ” n’a jamais été rompu entre la Fraternité Saint-Pie X et le Saint-Siège. Il y a toujours eu, de part et d’autre, des contacts informels, non officiels. J’ai signalé, trois fois déjà, qu’un des responsables de la Fraternité Saint-Pie X avait renoué un contact direct avec le futur pape Benoît XVI dans la période de l’avant-conclave.  De Menzingen, on m’assure qu’un tel contact direct n’a pas eu lieu à ce moment-là. Disons alors que de tels contacts, privés, ont eu lieu avant la mort de Jean-Paul II.
Il est avéré, également, que depuis l’avènement de Benoît XVI, plusieurs prêtres de la FSSPX ont pris contact avec le Saint-Siège ou avec le pape lui-même, à titre privé ou en vue de la rencontre au grand jour qui a eu lieu le 29 août[3].
Ce jour-là, Benoît XVI, en présence du cardinal Castrillon Hoyos, a reçu, à Castel Gandolfo, Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, accompagné de l’abbé Schmidberger, Premier assistant général de la FSSPX, et qui entretenait des relations suivies avec le cardinal Ratzinger avant qu’il n’accède au Souverain Pontificat.
Sur la rencontre du 29 août, parmi le flot des commentaires, des informations, des approximations et des erreurs[4] qui ont déferlé, il n’est pas inutile de publier intégralement les communiqués qui, de part et d’autre, ont été publiés pour en rendre compte :
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Saint-Siège: Déclaration du Directeur de la salle de Presse
Le Saint-Père Benoît XVI a reçu ce matin dans le Palais apostolique de Castel Gandolfo, le Supérieur Général de la "Fraternité Saint-Pie X", Mgr Bernard Fellay, qui en avait fait la demande. Le Pape était accompagné de son Eminence le Cardinal Darío Castrillón Hoyos, Président de la Commission Pontificale "Ecclesia Dei".
La rencontre s’est déroulée dans un climat d’amour pour l’Eglise et le désir d’arriver à une parfaite communion.
Bien qu’ils soient conscients des difficultés, a été manifestée la volonté de procéder par étapes et dans des délais raisonnables.
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Fraternité Saint-Pie X - Déclaration de Mgr Fellay
 La rencontre a duré environ 35 minutes, elle s’est déroulée dans un climat serein. 
 L’audience a été l’occasion pour la Fraternité de manifester qu’elle a toujours été attachée - et qu’elle le sera toujours - au Saint-Siège, la Rome éternelle. 
 Nous avons abordé les difficultés sérieuses, déjà connues, dans un esprit de grand amour pour l’Église. 
 Nous sommes arrivés à un consensus sur le fait de procéder par étapes dans la résolution des problèmes. 
 La Fraternité Saint Pie-X prie afin que le Saint Père puisse trouver la force de mettre fin à la crise de l’Église en ''restaurant toutes choses dans le Christ''. 
+Bernard Fellay
Supérieur Général de la Fraternité Saint-Pie X
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Précisions
•  Suite à notre dernier numéro où était publiée la “ Lettre d’un catholique perplexe ”, une lectrice, éminente spécialiste du Moyen-Orient et du monde musulman, s’est étonnée des propos de Jean-Paul II qui y étaient cités. “ Puisse saint Jean-Baptiste protéger l’Islam  ! ”, cette invocation est contenue dans la prière sur les bords du Jourdain, lors du voyage en Terre sainte et en Egypte de mars 2000 : le texte intégral a été publié dans La Documentation catholique, 16.04.2000, page 362.
 L’exhortation aux musulmans : “ Vivez votre foi, même en terre étrangère ”, a été lancée à Mayence, lors du voyage apostolique en Allemagne le 17 novembre 1980. Ce discours n’a pas été traduit en français, mais se trouve dans les discours de Jean-Paul II tels que les publie le site officiel du Saint-Siège.
•  La revue des religieux d’Avrillé, Le Sel de la Terre (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé) publie un épais numéro de 450 pages tout entier consacré à Fatima. À côté d’articles intéressants, et même utiles, par exemple sur la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois, on trouve de nombreux articles de polémique pour répandre l’idée :
- que la consécration de la Russie faite en 1984 par Jean-Paul II ne correspond pas à ce que la Sainte Vierge a demandé lors de ses apparitions.
- que les propos tenus par Sœur Lucie, en 1992 devant le cardinal Padiyara, et, en 1993, devant le cardinal Vidal, – entretiens publiés en français sous le titre Fatima. Sœur Lucie témoigne, Editions du Chalet, 1999 – ne peuvent être authentiques puisque Sœur Lucie y affirme que la consécration de 1984 a répondu au désir du Ciel.
- Que le 3e secret de Fatima (3e partie du secret plutôt) révélé en 2000 ne correspond pas au texte authentique, qui resterait inconnu, et que l’interprétation qu’en a donnée alors le Saint-Siège est une “ trahison ”.
- Que les autorités du sanctuaire de Fatima et les autorités diocésaines veulent construire un “ temple œcuménique ” sur le lieu des apparitions.
En contrepoint à ce dossier, on rappellera simplement, fait déjà signalé ici, que des enregistrements audio et vidéo des entretiens de 1992 et 1993 avaient été effectués. Le 31 janvier 2002, en Italie, sur “ Raidue ”, l’entretien de 1993 a été diffusé. Des millions d’Italiens ont pu entendre les propos de Sœur Lucie. Les rédacteurs d’Avrillé diront-ils que c’est une “ fausse Sœur Lucie ” que l’on entendait ?
[1] Le P. Garrigues avait publié, l’année précédente, un bel essai, issu de sa thèse de doctorat en théologie : Maxime le Confesseur. La charité, avenir divin de l’homme, Beauchesne, 1976.
[2] Le groupe de Clamart restera toujours lié à la Fraternité Saint-Pie X. De ce groupe est issu, à Avrillé, en Anjou, le Couvent de la Haye-aux-Bonhommes, qui se revendique de la tradition dominicaine. La communauté de Chémeré, en Mayenne, après être passée par le sédévacantisme, sera reconnue, sous le nom de Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, comme Institut religieux de droit pontifical en 1988 et a vu ses Constitutions définitives être approuvées par le Saint-Siège en 1995.
[3] Au quotidien italien Il Giornale, le 30 août, au lendemain de la rencontre, M. l’abbé Schmidberger a précisé que, ces deux derniers mois, il avait rencontré différents cardinaux et chefs de dicastère : “ Nous avons fait parvenir des demandes, des explications, des contributions, des demandes relatives à la réforme liturgique et à l’œcuménisme ”.
[4] Le Figaro, par son correspondant au Vatican, Hervé Yannou, nous dit que si les 4 évêques de la FSSPX “ rentraient dans le giron de l’Eglise, ils devraient normalement y retrouver leur ancienne place de prêtre ” ; Golias, dans un communiqué spécial, évoquant les prêtres “ exclus ” de la FSSPX ces derniers mois, écrit : “ On citera surtout l’abbé Lorans, le directeur de l’Institut Universitaire St Pie X de Paris ”. Autant d’erreurs et d’absurdités.