dimanche 18 novembre 2001

[Aletheia n°21] Les “marges” du christianisme

Aletheia n°21 - 18 novembre 2001
Les “marges” du christianisme
Sous la direction de Jean-Pierre Chantin paraît le  dixième volume du Dictionnaire du monde religieux dans la France Contemporaine , une série commencée en 1985 avec un volume sur les Jésuites. Ce dixième volume est consacré aux Marges du christianisme et porte en sous-titre “ Sectes ”, dissidences, ésotérisme (Beauchesne, octobre 2001, 279 pages, 297 F).
Comme dans les volumes précédents de la série, il s’agit de faire un inventaire des personnalités qui, de 1800 aux années 1970, se rattachent à la thématique retenue. Pour ce volume, consacré aux     “ marges ” du christianisme - concept vague et contestable, nous le verrons - 188 personnalités ont été retenues et font l’objet, de la part d’historiens spécialistes des questions traitées, de notices biographiques d’une longueur inégale (d’une vingtaine de lignes à plusieurs pages), toujours suivies d’une bibliographie.
Le maître-d’oeuvre de cet ouvrage collectif, Jean-Pierre Chantin, définit la “ marge ” comme la situation de celui qui s’est mis en rupture avec un centre. Ici, la marge par rapport au christianisme est définie comme “ distance prise de manière nette avec les grandes traditions ou institutions chrétiennes : catholicisme, protestantisme et orthodoxie ”.
On y trouve donc la kyrielle des ésotéristes chrétiens (Péladan, Sarachaga et tant d’autres) et celle non moins nombreuse des fondateurs ou figures éminentes des   “ petites églises ” (de Danyel, dit Tugdual Ier, le fondateur de la Sainte Eglise celtique à Patrick Truchemotte, qui portait le titre de patriarche de l’Eglise catholique gallicane). On y trouve les fondateurs de sectes, dans la mesure où ils sont issus et se sont réclamé du christianisme (de Georges Roux, dit le Christ de Montfavet, à Georges Bourdin, dit le Messie cosmo-planétaire). On y trouve aussi des modernistes impénitents (Loisy, Loyson, Turmel). Ces voisinages se justifient parce que tous, dans leur vie et leur oeuvre, correspondent bien en effet à la thématique définie plus haut : une “ distance prise de manière nette ” avec l’Eglise et son enseignement.
Mais, et c’est là où l’ouvrage par ailleurs si riche est très contestable, à ces quatre catégories, deux autres ont été ajoutées : différentes visionnaires et mystiques et cinq personnalités du traditionalisme (les abbés Boyer, Coache et de Nantes, le père Guérard des Lauriers et Mgr Lefebvre).
Le cas Lefebvre
Pour s’en tenir à Mgr Lefebvre, la figure la plus connue du traditionalisme post-conciliaire, sa place n’était vraiment pas, selon nous, dans un tel volume où foisonnent les déséquilibrés et les esprits faibles.
Luc Perrin, le rédacteur de la notice consacrée à Mgr Lefebvre - notice bien informée, au demeurant -, a bien conscience de l’incongruité de la situation, pour ne pas dire plus, puisqu’il écrit dès les premières lignes : “ Avant d’aborder le récit d’une marginalisation imprévisible, il faut souligner que Marcel Lefebvre (et ses disciples après lui) s’est toujours voulu au centre de l’Eglise romaine et qu’il a récusé la légitimité des sanctions canoniques qui lui valent de figurer dans cet ouvrage. ” En effet, l’auteur le dit bien, ce sont des sanctions canoniques, disciplinaires, qui ont placé Mgr Lefebvre et la Fraternité Saint-Pie X, dans les “ marges ” de l’Eglise catholique.  A la différence de la plupart des personnalités recensées dans le volume, il ne s’y est pas placé de lui-même en soutenant des doctrines nouvelles ou  par certaines pratiques personnelles. Le désaccord doctrinal qui l’a opposé au Saint-Siège n’a pas été une rébellion et les sanctions disciplinaires qui ont été prises à son encontre, pour sérieuses qu’elles fussent, n’ont point constitué une mise à l’écart définitive et qui toucherait l’ensemble des fidèles et des prêtres qui l’ont suivi.
Les différends qui opposaient et opposent encore Mgr Lefebvre, et la Fraternité Saint-Pie X à sa suite, au Saint-Siège sont sérieux et importants (la messe et  la liberté religieuse principalement) mais ils ne suffisent pas à les placer en marge de l’Eglise. En 1988, et au début de cette année encore, une réconciliation a été bien prête d’avoir lieu. L’année dernière, lors du Jubilé, en France singulièrement, et à Rome même, des églises, des sanctuaires, des basiliques se sont ouvertes aux évêques et aux prêtres de la FSPX. Le concept de “ marge ” est donc bien inadéquat pour caractériser la situation de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-Pie X.
Les visionnaires
Dans le volume en question, on trouve aussi de nombreuses notices consacrées à des mystiques et à des visionnaires. Le critère retenu pour les faire figurer dans ce volume semble avoir été la non-reconnaissance par l’Eglise de l’authenticité de leurs visions. On y trouve, et c’est naturel, diverses fabulatrices ou hystériques qui ont connu un certain succès mais qui sont aujourd’hui bien oubliées. On aurait pu y faire figurer d’autres, dont l’audience a été grande et qui ont suscité des pèlerinages importants (par exemple Pierre Poulain, “ le Restaurateur ”, à l’origine d’une chapelle et d’une pseudo-congrégation religieuse, qui existent toujours aujourd’hui).
Mais finalement les critères retenus pour faire figurer telle ou telle visionnaire dans ce volume ne sont pas très clairs. On trouve une notice sur Jeanne Louise Ramonet, la  voyante de Kérizinen, mais point sur Marie-Julie Jahenny, la plus célèbre des stigmatisées françaises avant Marthe Robin, et qui a suscité une littérature abondante, toujours bien diffusée. Dans les deux cas, l’autorité diocésaine a refusé de reconnaître l’authenticité des messages reçus. Ce critère, donc, aurait dû suffire, selon l’optique retenue par les auteurs, pour consacrer une notice à Marie-Julie Jahenny.
Marthe Robin non plus ne figure pas dans ce volume, et c’est justice puisqu’elle ne s’est pas située en “ marge ” de l’Eglise (cf. l’extraordinaire expansion des Foyers de Charité dans le monde) et qu’un procès de canonisation a été ouvert. En revanche, dans l’introduction générale du volume, un rédacteur, Paul Airiau, épingle le “ pseudo-joachimisme ” qu’elle aurait en commun avec d’autres mystiques présentes, elles, dans le volume.
Le problème de la “ marge ” n’est donc pas vraiment éclairé par ce livre. On le consultera avec intérêt  pour certains personnages peu ou pas connus. On se gardera d’utiliser le concept retenu pour les caractériser tous sans distinction.

mercredi 7 novembre 2001

[Aletheia n°20] Un nouveau président pour la Conférence épiscopale de France

Aletheia n°20 - 7 novembre 2001
Un nouveau président pour la Conférence épiscopale de France
Mardi 6 novembre, les évêques de France, réunis en assemblée plénière à Lourdes, ont élu Mgr Ricard président de la Conférence épiscopale.
Mgr Jean-Pierre Ricard, né en 1944 à Marseille, a reçu sa formation sacerdotale au séminaire de Marseille puis au séminaire des Carmes, à Paris. Sauf erreur de ma part, c’est, depuis que la fonction existe, le premier président de la Conférence épiscopale à n’avoir pas reçu une partie de sa formation à Rome.
Il a longtemps exercé son ministère à Marseille où, pendant dix années, il a été délégué épiscopal auprès des séminaristes, de 1975 à 1985. Il a été aussi curé de l’importante paroisse Sainte-Marguerite, de 1981 à 1988. Vicaire général de Marseille en 1988, il a été nommé évêque auxiliaire de Grenoble en 1993. Il était alors le plus jeune évêque de France.
En juillet 1996, il est devenu évêque coadjuteur de Mgr Louis Boffet, évêque de Montpellier, auquel il a succédé rapidement. En 1999, enfin, il a été élu vice-président de la Conférence des évêques de France. Jean-Marie Guénois, dans la Croix (7.11.2001), fait remarquer : “ Le nouveau président, ancien vice-président, était jusque là chargé des relations entre l’Eglise et l’Etat. Comme si ce dossier montait d’un cran dans les préoccupations de l’institution ecclésiale. ”
A Marseille, où je l’ai assez bien connu, il semblait être un prêtre modéré, non enclin aux exaltations et dérives du progressisme. C’était un homme de consensus.
Au dernier Synode des évêques réuni à Rome, en octobre, Mgr Ricard a fait une intervention sur le rôle de l’évêque comme “ tisserand ” de la communion1  :
L’Eglise est dans son coeur même une communion missionnaire. Cette communion est tout à la fois un don du Seigneur à accueillir et une tâche à réaliser. La réalisation de cette communion passe par l’apprentissage d’une solidarité fraternelle où doit s’ajuster dans la formation du lien ecclésial la diversité des vocations, des charismes et des ministères. Il est de la responsabilité du ministère épiscopal de veiller à cette édification quotidienne de l’Eglise, de favoriser la synergie des différents acteurs, d’aider à vraiment marcher ensemble sur cette route commune (sun-odos) de la foi et de la mission. On peut comparer l’évêque à un tisserand qui aiderait à tisser au jour le jour le tissu ecclésial. Il croisera le fil de la communion verticale (avec Dieu) avec celui de la communauté fraternelle. Il apportera à tous son aide, son accompagnement, son discernement et la clarification de ses décisions pastorales. Il le fera avec patience, confiance et conviction.
Cette intervention a suffisamment retenu l’attention des quelque deux-cent cinquante pères synodaux pour que, semble-t-il, Mgr Ricard soit associé à la rédaction  du “ Message du synode des évêques au Peuple de Dieu ” qui a été rendu public à Rome le 26 octobre. En effet, la 19e des trente propositions du “ Message ”  reprend l’image, et l’expression, de l’évêque “ tisserand de l’unité ” :
Il [l’évêque] ne cessera de soutenir la ferveur des paroisses et les entraînera, avec les curés qui en ont la charge, dans un élan missionnaire. Mouvements, petites communautés, services de formation ou de charité qui forment le tissu de la vie chrétienne, bénéficieront de sa vigilance et de son attention. Tel un bon tisserand de l’unité, l’évêque, avec les prêtres et les diacres, discernera et soutiendra tous les charismes en leur merveilleuse diversité. Il les fera concourir à cette mission unique de l’Eglise : rendre témoignage, au milieu du monde, à la bienheureuse espérance qui est en Jésus-Christ, notre unique Sauveur.
Sans préjuger de l’action que mènera le nouveau président de la Conférence épiscopale de France, on signalera encore ce fait qui est une illustration de sa conception de l’évêque comme tisserand de l’unité : le 16 juillet dernier, il a ordonné diacres, au Barroux, deux religieux du Monastère Sainte-Madeleine. C’est le dernier numéro des Amis du Monastère, paru avant l’élection de Mgr Ricard, qui signale le fait dans sa “ Chronique du monastère ”. En précisant :  “ après none, à l’ombre d’un pin, il nous décrit sa formation, son diocèse, et les prochains travaux de l’épiscopat. Selon lui, la crise des vocations a été accentuée par une “paralysie de l’appel”. Il faut relancer l’appel et les jeunes hésiteront moins à répondre. ”
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Les Amis du Monastère publient leur 100e numéro. La collection complète des cent numéros, depuis le premier numéro paru le 29 septembre 1978 , peut être obtenue auprès du Monastère Sainte-Madeleine (84330 Le Barroux) contre une participation de 100 F (+ 20 F de port).
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Je remercie ceux qui contribuent à l’impression et à l’envoi de cette modeste lettre d’informations en m’envoyant une contribution financière ou quelques timbres. Je serai reconnaissant aussi aux destinataires qui ne souhaiteraient plus la recevoir de le signaler. Cela allégerait les dépenses...