jeudi 11 octobre 2001

[Aletheia n°19] Un miracle eucharistique à Santa Lucia di Piave?


Santa Lucia di Piave est un petit village italien, dans le diocèse de Vittorio Veneto. Le 23 septembre 2000 - mais le nouvelle n’a été connue que récemment par un article d’Il Giornale - est survenu ce que le curé de la paroisse et beaucoup de fidèles considèrent déjà comme un miracle eucharistique.
La messe “ anticipée ” du samedi soir 23 septembre avait vu une affluence inaccoutumée parce que cette semaine-là l’église accueillait les reliques du bienheureux Claudio Granzotto (1900-1947), un franciscain natif du village, béatifié en 1994. Environ 800 personnes assistaient à la messe. Au moment de la communion, le curé de la paroisse s’aperçut que les deux ciboires du tabernacle ne contenaient, au total, qu’une centaine d’hosties consacrées. Le nombre des fidèles qui s’approchaient de la table de communion fut évalué à au moins 240 personnes. Le curé, don Oreste Nespolo, commença à distribuer la communion en compagnie d’un autre prêtre, le père Luca Caracoi. Puis, quand il eut épuisé son ciboire, il souffla à son confrère de rompre les hosties consacrées car il allait en manquer. Le père Caracoi distribua sans interruption la communion pendant une quinzaine de minutes puis don Nespolo crut nécessaire d’aller dans la sacristie pour consacrer, rapidement, de nouvelles hosties. Quand il revint, le père Caracoi distribuait toujours la communion. Don Nespolo déclarera : “ Je me suis assis près de l’autel, en adoration, parce que j’ai compris que j’assistais à un miracle. ” Des fidèles témoigneront plus tard qu’en s’approchant de la table de communion, ils apercevaient six ou sept hosties seulement dans le ciboire et pourtant tous, des dizaines de personnes, purent communier.
Un rapport a été rédigé et remis à l’évêque de Vittorio Veneto et 14 fidèles ont fait une déposition, sous serment, devant notaire. La Congrégation des Causes des Saints a été saisie du dossier, parce que le miracle, s’il était avéré, pourrait permettre la canonisation du bienheureux Claudio Granzotto. Pour le moment, la Congrégation des Causes des Saints s’est enquis d’éléments de preuve : photographies, enregistrement vidéo de la cérémonie.
Cette messe “ anticipée ” du samedi était célébrée selon le rite de Paul VI. Si le fait était reconnu comme authentique, ce serait le premier survenu dans une cérémonie liturgique selon le nouveau rite à être déclaré miraculeux.

Un communiqué du Supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Une nouvelle selon laquelle “ Soeur Lucie de Fatima ” aurait eu une apparition de la très Sainte Vierge demandant que les Carmels prient spécialement (le Rosaire) les 6 et 7 octobre afin d’empêcher le bain de sang qui se prépare ” s’est répandue dans nos milieux ces derniers jours.
Cette rumeur est fausse et a été démentie par le Carmel de Coïmbra.
Elle se fonde probablement sur :
• une initiative de l’Association Notre-Dame du Rosaire à Fatima. Cette dernière a demandé à diverses conférences épiscopales de faire du 7 octobre, fête de Notre-Dame du Rosaire, un jour de prière particulier pour demander la paix dans le monde. Le communiqué de l’Association indiquait que Soeur Lucie et le Carmel s’unissaient à cette initiative.
• le fait que le Carmel de Coïmbra ait prié vingt-quatre heures de suite le 7 octobre, et que la Mère Prieure considère que l’heure est grave.
• une communication interne à certains Carmels mal interprétée.
Tout cela, ajouté à la tension que connaît le monde actuel, a produit la fausse nouvelle énoncée ci-dessus.
Il reste que les temps actuels peuvent très bien être perçus dans la lumière du message de Fatima et l’invitation à recourir à la protection de Notre-Dame et implorer la clémence de Dieu par la prière du chapelet, spécialement en ce mois du Rosaire, est plus qu’appropriée.
+ Bernard Fellay
Supérieur Général

Le trombinoscope des évêques 2001
Les éditions Golias publie, pour la troisième fois en onze ans, un Trombinoscope des évêques1 . Il s’agit d’un annuaire des évêques de France qui, pour chacun, donne une courte notice biographique et un long commentaire sur son activité pastorale.
L’initiative pourrait présenter quelque intérêt et une utilité certaine si elle était menée avec objectivité et dans le respect des personnes concernées. Mais il n’en est rien. Comme les éditions précédentes, cette édition 2001 publie des commentaires qui, presque tous, sont grinçants et souvent caricaturaux ou simplificateurs. Il y a même, au moins dans un cas, des allusions qui frôlent la diffamation.
Comme les éditions précédentes, cette édition 2001 se permet, dans un irrespect total pour les personnes mais aussi pour la fonction épiscopale, de noter les évêques : une, deux, trois quatre ou cinq mitres selon que le pasteur du diocèse, ses déclarations et son activité pastorale ont l’heur de plaire aux rédacteurs de Golias, et un bonnet d’âne pour ceux qui sont à l’opposé des convictions progressistes et laïcistes de Christian Terras et des autres rédacteurs du Trombinoscope.
Les évêques sont classés en douze catégories : des “ novateurs affirmés ” qui, bien sûr, méritent cinq mitres, aux “ réacs ”, qui n’ont droit généralement qu’à une mitre, et aux “ dangereux ”, qui sont tous affublés d’un bonnet d’âne.
Les rédacteurs du magazine de Villeurbanne ne peuvent enquêter personnellement dans tous les diocèses de France. C’est au détour des pages d’introduction qu’on apprend que pour ce Trombinoscope ils mobilisent des informateurs (ce que la police appelle, dans son métier, des indicateurs) : “ ils s’adressent à Golias formant ainsi un dense réseau de questionnements et d’informations, et toujours dans un souci d’une Eglise plus vraie. Eh oui, c’est ainsi, quoi qu’en disent nos censeurs. ” (p. 6).
Les informateurs de Golias , à l’évidence, pêchent leurs informations toujours dans les mêmes milieux. Et c’est ainsi que certains événements, certaines initiatives leur échappent, même de celles qu’ils se seraient fait un plaisir de reprocher à tel “ bonnet d’âne ”.
Les limites d’une telle méthode d’informations se repèrent à divers détails. Par exemple, le Trombinoscope reproche à un évêque (bien sûr noté par un bonnet d’âne) d’avoir donné “ une conférence au monastère de Don Calvet ” (p. 393). Est-ce vraiment une erreur typographique qui laisse l’impression qu’à Golias on ignore la différence entre le “ don ” attribué à tous les ecclésiastiques en Italie et le “ Dom ” (du latin dominus), titulature en usage chez les moines bénédictins ? Ailleurs, page 317, on présente l’abbé Aulagnier comme un “ prêtre de la Fraternité Saint-Pie X qui fait peur à tout le monde, même à ses frères intégristes qui l’ont prudemment mis sur la touche ”. A la vérité, l’abbé Aulagnier a connu une belle façon d’être “ mis sur la touche ” puisqu’il a été nommé Deuxième assistant général de la Fraternité Saint-Pie X, chargé aussi de la communication et de l’information et, à ce titre, fondateur d’une agence de presse électronique et d’un hebdomadaire (D.I.C.I.).
Le Trombinoscope des éditions Golias fait-il vraiment aimer l’Eglise à ses lecteurs ? Son but avoué est de participer à un “ vaste débat qui s’instaure aujourd’hui ” (sur la collégialité épiscopale, le rôle des laïcs, etc). Ce n’est pas la même chose.

A propos de “ La gnose en question ” (n° 18)
Un prêtre, qui suit attentivement, depuis plusieurs années, les variations du combat antignostique, me fait remarquer que les Amis de saint François de Sales, qui publient un Bulletin, et parfois des brochures, ne sont pas une création de la FSSPX, ni ne sont dirigés par elle. C’est une initiative privée. Même si, pour la brochure en question - Les Hérésies de la Gnose du professeur Jean Borella -, l’auteur est un prêtre de la FSSPX et le préfacier un des évêques de la FSSPX, on ne peut dire que cette brochure reflète la position officielle de la FSSPX sur le sujet. Le même correspondant me fait remarquer aussi, pour corroborer cette précision, que la brochure en question n’a jamais été diffusée par le service de librairie par correspondance de la FSSPX (France-Livres/Clovis).
• Emile Poulat m’écrit : “ “Contre-Eglise” me semble une expression apparue en même temps que “contre-société” pour désigner l’intransigeantisme catholique et sa réciproque. L’histoire littéraire de ces expressions reste à faire, comme souvent pour d’autres expressions, par exemple “Fille aînée de l’Eglise”. ”
• Quelques jours après le n° 18 d’Alètheia est paru un numéro spécial de la revue Lecture et tradition (n° 293/294, 72 pages, 35 F., B.P. 1, 86190 Chiré-en-Montreuil) intitulé “ La gnose et le mystère d’iniquité. Réponse à un défi ”. Cette revue et les éditions de Chiré, toutes deux dirigées par Jean Auguy, ont été les principaux artisans du combat antignostique de ces dernières années. Tous les ouvrages d’Etienne Couvert ont été publiés par ces éditions, certains à compte d’auteur. Sans l’audience des éditions de Chiré et de la librairie par correspondance D.P.F. qui lui est liée, audience qui dépasse assez largement les milieux catholiques traditionnels, ses théories n’auraient connu qu’une diffusion très restreinte. Les Cahiers Barruel , fondés par Etienne Couvert, Jean Vaquié et Paul Raynal en 1978, ont cessé de paraître après vingt-sept numéros, en avril 1994.
Paul Sernine, dans le numéro 4 de Certitudes, déjà cité ici, écrivait : “ nous mettons publiquement au défi les Cahiers Barruel d’apporter le témoignage d’auteurs sérieux et approuvés en faveur de leur description de la “gnose” ”. Lecture et tradition entend relever ce “ défi ” en publiant les textes de quinze auteurs ecclésiastiques, du XVIIe siècle à nos jours, qui ont traité de la gnose.
Sans faire un examen détaillé des textes produits, on remarquera d’une part qu’il ne s’y trouve pas un seul texte du Magistère sur le sujet. D’autre part, la plupart des auteurs cités évoquent le gnosticisme des premiers siècles et, certains, ses continuations jusqu’au manichéisme cathare. En revanche, on aura bien du mal à tirer des textes cités une démonstration convaincante d’une “ Gnose ” unique, universelle, dont les formes diverses auraient une filiation historique certaine.
• Tandis qu’Etienne Couvert va faire paraître, dans les prochains mois, un cinquième livre, toujours consacré à “ la Gnose éternelle ” , et à ceux qui contestent la réalité historique d’un tel courant ininterrompu et universel, Paul Sernine prépare, à paraître aux éditions Servir au début de l’année prochaine, un ouvrage qui développera sa critique du combat anti-gnostique actuel.
• Pour éclairer un peu la question, embrouillée souvent par une connaissance superficielle du sujet, on renverra à l’article gnose du Dictionnaire théologique du père Louis Bouyer (Desclée, 1963, p. 157-158) :
La notion d’une connaissance religieuse, salutaire, et plus précisément d’une connaissance de Dieu (en hébreu dahat, en grec gnôsis) occupe dans l’Ancien Testament, le judaïsme, le Nouveau Testament, et toute la tradition théologique et spirituelle chrétienne, une place considérable. Elle y prend une signification très riche mais bien définie, qu’il est extrêmement important de dégager exactement. Nombre de manuels, même catholiques, restent encombrés par la notion que la gnôsis serait, dans le christianisme, un produit des hérésies dites “gnostiques”. Chez celles-ci, la gnose proviendrait d’une élaboration d’une notion traditionnelle dans la pensée religieuse grecque (païenne). Tout ceci est démenti par les textes et par les faits. (...) Lorsque les théologiens chrétiens d’Alexandrie, comme Clément ou Origène, proposeront une “gnose” chrétienne, quoi qu’il en soit de leurs rapports avec les “gnostiques” en question, ce n’est nullement à ceux-ci qu’ils en emprunteront la notion et le terme. Ils ne feront en cela que se conformer à l’usage et poursuivre la tradition dans l’Eglise de ceux-là mêmes qui s’étaient le plus énergiquement opposés à ces hérétiques, comme saint Irénée en particulier.