mercredi 15 mars 2006

[Aletheia n°90] Souvenirs sur Soeur Lucie de Fatima - Mgr Ricard Cardinal - Rome et la FSSPX

Yves Chiron - Aletheia n°90 - 15 mars 2006
Souvenirs sur Soeur Lucie de Fatima

De Fatima, nous arrive un réconfortant petit livre consacré à Sœur Lucie, la dernière des trois voyants de Fatima.
Lucia Rosa Santos, après avoir passé vingt-sept années dans la congrégation des Sœurs de Sainte Dorothée, était entrée au Carmel Santa Teresa de Coimbra à l’âge de quarante-et-un ans, le 25 mars 1948. Elle y reçut le nom de Sœur Marie Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé, et passa près de cinquante-sept années dans ce monastère, où elle est morte, il y a un peu plus d’un an.
Selon la tradition et les constitutions de l’Ordre du Carmel, un “ profil biographique ” de la religieuse décédée a été rédigé. Mère Marie Céline de Jésus Crucifié, qui est Prieure du Carmel Santa Teresa, a écrit ce “ profil biographique ”, en lui donnant, certes, une ampleur inaccoutumée. Ce petit livre est d’autant plus précieux que Mère Marie Céline a partagé la vie religieuse de Sœur Lucie depuis des décennies et qu’elle resta proche d’elle jusqu’en ses derniers instants. À partir de 2000/2001, c’est Mère Marie Céline qui ouvrait le courrier innombrable qui parvenait à Sœur Lucie et qui répondait, en son nom, aux correspondants.
De ces pages, se dégage d’abord l’image d’une religieuse qui a cherché avant tout à être fidèle à ses vœux solennels et à la règle de son ordre : “ En tant que carmélite, elle mena exactement la même vie que les autres Sœurs, mettant en pratique la devise : “Extérieurement, comme les autres ; intérieurement, comme aucune !“ […] Elle fut toujours et en tout amie de la perfection. Elle n’aimait pas perdre son temps. ”
Ce portrait biographique, riche en anecdotes savoureuses, n’est pas une hagiographie mièvre. Dans les différentes fonctions qu’elle a occupées au monastère, Sœur Lucie fut une religieuse exigeante envers elle-même autant qu’elle était exigeante envers les autres : “ Elle accomplissait ses devoirs avec exactitude et diligence. On pourrait penser que pour avoir été favorisée par le Ciel d’expériences aussi extraordinaires, elle vivait en marge de la vie courante ou hors de ce monde…Mais non ! En tant que carmélite, elle observait à fond la Rège. […] Elle n’avait aucune dispense et elle n’était pas moins fidèle que les autres dans l’accomplissement de ses charges. ”
Par bien des côtés, la personnalité et le caractère de Sœur Lucie rappellent ceux de saint Bernadette Soubirous, la voyante de Lourdes. Même tranquille certitude dans l’affirmation de ce qui a été “ vu ” et même mémoire sans faille quant aux faits surnaturels. Et aussi un caractère affirmé qui ne va pas sans un sort sens de l’humour.
Dans ce petit livre, sont rapportés de nombreux souvenirs de Sœur Lucie sur la période des apparitions et sur les autres périodes de sa vie religieuse. Sont rapportés également des jugements importants de la voyante de Fatima. Je m’attarderai uniquement à un fait controversé : la révélation du 3e secret de Fatima.
Le 3e secret de Fatima
La révélation du 3e secret de Fatima – ou, plus exactement de la troisième partie du secret de Fatima – faite par le Saint-Siège, en 2000, a suscité des controverses qui sont loin d’êtres apaisées. Dans plusieurs milieux, le texte publié et/ou son interprétation ont été contestés. Je ne rappellerai que quelques-unes de ces contestations, dont une très récente :
• Quelques semaines après la divulgation du texte, et son interprétation par le Vatican, l’abbé Fabrice Delestre, de la Fraternité Saint-Pie X, consacre un numéro entier du Bulletin Saint Jean Eudes (Nouvelles de Chrétienté), n° 56, de juin-juillet 2000, pour démontrer que “ le 26 juin dernier nous fut présenté un troisième secret tronqué, volontairement amputé de sa première partie constituée de paroles de Notre-Dame qui seules permettent l’interprétation correcte et authentique de la vision que l’on nous a présentée. ” “ Il est évident que le Vatican nous cache l’essentiel ” concluait l’abbé Delestre.
• Pendant l’été 2005, dans un numéro spécial de près de 450 pages de leur revue, Le Sel de la Terre, les religieux d’Avrillé, ont traité du message de Fatima, de la consécration de la Russie (non accomplie selon eux), et du troisième secret (objet, selon eux, d’une “ neutralisation ” de la part du Saint-Siège). Sans résumer l’article consacré à cette troisième partie du secret, article déjà présenté ici, nous en rappellerons une des conclusions : “ Matériellement, tout aurait été livré. Mais s’il n’y a pas occultation matérielle, il y a eu occultation formelle : tout a été fait pour fausser le sens de Fatima – au moment même où on le livrait intégralement au public. Le secret n’a pas été amputé, mais neutralisé, vidé de son contenu. ”
• En ce mois de mars 2006, Mgr Williamson, un des quatre évêques de la FSSPX, affirme dans sa lettre mensuelle : “ …la troisième partie du secret de Fatima, ce ”Troisième secret” dont tout le monde catholique attendait la publication par l’Eglise en l’année fixée pour cela par Notre Dame, 1960, n’a toujours pas été révélée (le supposé ”Troisième Secret de Fatima” rendu public par Rome en 2000 est sûrement autre chose que le texte attendu en 1960). Mais les meilleurs experts de Fatima considèrent que les paroles ”Au Portugal se conservera toujours le dogme de la foi”, constituent de fait le début du vrai Troisième secret, parce que Sœur Lucie y ajouta une fois par écrit ”etc.”, comme si elle avait voulu signaler que c’est là qu’il fallait insérer la suite du Troisième Secret. ”
Sœur Lucie avait eu connaissance de ce genre de critiques et d’accusations – car il s’agit bien d’une mise en cause de l’honnêteté du Saint-Siège –, publiées principalement en France et aux Etats-Unis. Mère Marie Céline rapporte la réponse qu’elle fit à l’envoyé spécial du Saint-Siège qui voulait obtenir “ confirmation qu’il n’y avait rien d’autre à révéler ”. Elle rapporte aussi ses réactions sur les polémiques relatives à l’authenticité du texte révélé par le Saint-Siège :
“ Je lui ai dit un jour : ”Sœur Lucie, certains prétendent qu’il y a un autre secret !”. Ce à quoi elle me répondit : ”Alors, s’ils le connaissent, qu’ils le disent ! Moi, je ne sais rien de plus ! …Il y a des gens qui ne sont jamais contents ! Que l’on cesse d’en tenir compte ! ” ”.
Dans ce livre de mémoire, de pitié, empreint de cette simplicité des âmes contemplatives, il y a d’autres confidences, notamment sur la Sainte Vierge qui, jusqu’à la fin, s’est manifestée visiblement à Sœur Lucie.
Mère Marie Céline de Jésus Crucifié, ocd
Sœur Lucie. Souvenirs sur sa vie
Un volume de 46 pages, disponible au prix de 4 euros (franco de port) auprès d’Aletheia


Mgr Ricard Cardinal
Au consistoire du 24 mars prochain, Mgr Jean-Paul Ricard, archevêque de Bordeaux, sera créé cardinal par Benoît XVI. Depuis plus d’un quart de siècle, déjà, Mgr Ricard s’est toujours montré très bienveillant à mon égard. Même si l’on peut ne pas être d’accord avec toutes les déclarations publiques du Président de la Conférence épiscopale française, l’hommage que lui rend l’association “ Pour la paix liturgique dans le diocèse de Nanterre” est un acte de justice trop rare pour ne pas être reproduit.
La Lettre de Paix liturgique
Numéro 51 – 2 mars 2006
Benoit XVI honore un Père !
Quelle ne fut pas notre immense joie en apprenant que Monseigneur Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, président de la Conférence des évêques de France et membre de la Commission Ecclesia Dei avait été créé cardinal par notre Saint Père Benoît XVI le 22 février dernier ! Oui, c’est une grande joie pour toute l’Eglise de France ! C’est de tout cœur que nous adressons nos plus chaleureuses félicitations à Monseigneur Ricard, qui depuis toujours s’est comporté comme un Père pour chacune des brebis du troupeau qui lui était confiée, n’en excluant aucune, fût-elle attachée à la liturgie traditionnelle de l’Eglise… C’est ce Père aujourd’hui que nous venons féliciter avec une profonde reconnaissance pour l’admirable travail d’apaisement et d’édification de la paix liturgique qu’il a toujours mené avec beaucoup de charité et de courage pastoral. On se souvient qu’évêque de Montpellier (1996-2001), Monseigneur Ricard fit tout ce qu’il put pour que les fidèles de son diocèse attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise soient considérés comme tous les autres fidèles. Non seulement, il conforta le choix de son prédécesseur qui avait fait appel à l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre pour célébrer la messe traditionnelle à Montpellier en déclarant publiquement à leur endroit qu’ils constituaient “ une opportune diversité ” mais aussi, tenant compte des réalités géographiques de son diocèse et acceptant d’écouter en vérité la forte demande des fidèles, il étendit le ministère de ces prêtres traditionnels en leur confiant un autre ministère à Béziers (à environ 70 km de Montpellier).
Ainsi, depuis de nombreuses années et grâce notamment à l’extrême bienveillance de Monseigneur Ricard, les prêtres de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre présents à Montpellier peuvent exercer leur ministère auprès des fidèles traditionnels dans un climat de paix et de communion diocésaine. C’est en effet dans un climat pacifié que ces jeunes prêtres peuvent célébrer la messe mais aussi tous les autres sacrements et développer les œuvres telles que le scoutisme ou l’enseignement catholique en tenant compte de leur charisme traditionnel propre. Monseigneur Ricard ne manqua pas de manifester de diverses manières sa sollicitude pastorale vis-à-vis des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle : confirmations, bénédictions de promesses de louveteaux, rencontres… Cette belle et dynamique réalité ecclésiale n’aurait pas été possible sans l’amour du Père commun du diocèse pour ses fidèles diocésains.
Après les années montpelliéraines, Monseigneur Jean-Pierre Ricard fut nommé archevêque de Bordeaux et Bazas le 21 décembre 2001. Alors que, dans ce diocèse, les demandes anciennes et nombreuses de familles visant à obtenir la célébration de messes traditionnelles avaient toujours été malheureusement ignorées, Monseigneur Ricard laissa encore une fois parler son cœur de Père et décida là aussi de réintégrer les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle à la vie de son diocèse. Pour cela il confia une église, la chapelle du Christ Rédempteur de Talence (périphérie de Bordeaux) à la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre qui sut très rapidement développer une belle et paisible communauté. Aujourd’hui, cette chapelle accueille de nombreuses familles qui sont heureuses de pouvoir vivre leur foi au rythme de la liturgie traditionnelle de l’Eglise en communion avec leur pasteur. À Bordeaux comme à Montpellier, Monseigneur Ricard a permis à toutes ces familles d’avoir non seulement la possibilité d’assister à la messe dans l’antique liturgie mais aussi d’y recevoir les autres sacrements. Au mois de juin dernier, Monseigneur Ricard venait à la chapelle du Christ Rédempteur en personne pour conférer le sacrement de confirmation à de nombreux jeunes gens. Les œuvres telles que le catéchisme ou les groupes scouts sont aussi développées à Bordeaux en tenant compte de la sensibilité traditionnelle des familles. Cette communauté traditionnelle de Bordeaux est un magnifique exemple d’intégration diocésaine réussie. En sus de cet apostolat confié à la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre, Monseigneur Ricard a également confié un autre ministère traditionnel à l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, à Auros (situé à environ 55 km de Bordeaux). En accueillant deux communautés traditionnelles dans son diocèse, Monseigneur Ricard a répondu comme l’y appelle le Saint-Père, de manière “ large et généreuse ” aux besoins spirituels des familles attachées à la liturgie traditionnelle de l’Eglise. Quel bel exemple de Père qui sait laisser parler son cœur ! Voilà un comportement de Père aimant qui refuse de vexer les sensibilités. Et pour couronner le tout, lorsque, fin 2005, l'abbé de Mentque de la Fraternité Saint Pierre a exprimé son souhait d'intégrer le diocèse, Mgr Ricard lui a confié un ministère à l'église Saint-Bruno, qui inclut la célébration de la messe de saint Pie V en semaine et le dimanche à 9 h 45. La charité et le courage pastoral de Monseigneur Ricard aujourd’hui récompensés par Benoît XVI ne se sont pas réduits aux seules limites géographiques de son diocèse. On se souvient que, le 25 août 2004, Mgr Ricard conférait le sacrement de l’ordre dans l’ancien rituel au monastère bénédictin du Barroux. Là encore quel bel exemple de respect !
On se souvient encore des paroles fortes de Monseigneur Ricard publiées dans une interview de la Croix du 25 août 2005 :
“ On pourra peut-être envisager des possibilités plus larges, pour ceux qui le souhaitent, de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V. Il doit y avoir place, dans l´Eglise, pour une large palette de sensibilités, et celle qui se manifeste par le désir de célébrer l´Eucharistie selon ce rituel ancien peut sans doute être encore mieux accueillie qu´elle ne l´est déjà. ” Merci Monseigneur Ricard pour votre courage pastoral et pour votre amour de Père.
Vous nous montrez concrètement ce que peut être une véritable et authentique paix liturgique vécue dans les diocèses. En considérant les familles de votre diocèse attachées à la liturgie traditionnelle comme catholiques à part entière et non pas comme des “ catholiques de seconde catégorie ”, vous avez su cicatriser les blessures et apaiser les tensions. Vous avez redonné confiance à tout un peuple ! Vous ne vous êtes pas comporté en homme de loi obsédé par la lettre mais comme un Père animé par l’esprit. Ainsi vous avez permis que toutes ces familles puissent bénéficier non seulement de la liturgie traditionnelle pour la messe mais également pour les autres sacrements. De même, le développement des œuvres telles que le catéchisme ou le scoutisme dans leurs formes traditionnelles a été possible dans vos diocèses grâce à votre charité et à votre profond respect de la sensibilité de vos brebis. On le voit bien, dès lors que l’autorité diocésaine met en place des églises avec des prêtres bien disposés et disponibles pour célébrer la messe traditionnelle et tous les sacrements chaque jour de l’année et développer une vie paroissiale, la paix et la réconciliation s’installent. Ce type de situation peut se traduire par la mise en place de chapellenie comme cela est le cas dans les diocèses de Montpellier ou de Bordeaux. Il existe aussi la magnifique expérience du diocèse de Toulon où c’est le statut de la paroisse personnelle qui a été choisi par Monseigneur Rey.
En effet, le vrai respect de la sensibilité particulière des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise doit se traduire par la possibilité pour eux de vivre leur foi dans tous ses aspects : messe, sacrements, catéchisme, scoutisme, écoles catholiques… Sans cela, la paix ne peut être qu’une paix de façade, légaliste et sans cœur. Cela, les familles attachées à la liturgie traditionnelle de l’Eglise n’en veulent pas. Elles implorent juste une application “ large et généreuse ” des mesures d’apaisement mises en place par le grand pape Jean Paul II.
Sylvie Mimpontel
Au nom de tous les délégués du mouvement pour la Paix liturgique


Rome et la FSSPX
L’abbé Aulagnier, ancien Supérieur du district de France de la FSSPX, dans le n° 82 de la.revue.item.free.fr, daté du 14 mars, estime, à juste titre, que concernant les discussions en cours entre le Saint-Siège et la FSSPX, il est plus adéquat de parler de “ réintégration ” et de “ normalisation ” que d’ “ accord ”.
Je n’évoquerai pas plus avant ces discussions et la prochaine échéance importante (le 23 mars prochain aura lieu une deuxième réunion de la Curie autour Benoît XVI à propos de la FSSPX). Je signalerai simplement les réponses, brèves mais claires, faites par Mgr Fellay au journal italien Il Tempo, réponses publiées le 12 mars dernier. Mgr Fellay, dément, comme il l’avait déjà fait dans des conférences aux Etats-Unis, avoir eu des contacts téléphoniques directs avec le Pape. Interrogé sur le statut canonique qui pourrait être accordé à la FSSPX par le Saint-Siège (statut canonique qui serait inédit), Mgr Fellay répond : “ C’est à Rome à faire des propositions ”. Enfin, interrogé sur l’opposition que manifesterait Mgr Williamson, un des 4 évêques de la FSSPX, à une réconciliation avec Rome[1], Mgr Fellay répond : “ Je ne dirais pas cela. Je dirais plutôt que sur cette question Williamson est plus pessimiste tandis que je suis plus optimiste. ”
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NOTE
[1] Le journaliste italien qui interroge Mgr Fellay fait sans doute allusion à l’interview donnée à Minute (publiée le 8 mars dernier) dans laquelle Mgr Williamson estime : “ A moins d’un grand miracle de Dieu pour rendre aux hommes de l’Eglise du concile leur sens du dogme de la foi, il ne semble pas qu’il y ait grand chose, humainement parlant, à espérer de ce pontificat. ” Et aussi : “ Ou elle [la FSSPX] prend la route héroïque des cimes et, refusant prestige et honneur, accepte d’être honnie et persécutée par le monde. (…) Ou bien elle prend la route du confort et de la facilité, en se compromettant avec le monde et l’Eglise du monde, c’est-à-dire l’Eglise conciliaire. ”