samedi 7 juillet 2007

[Aletheia n°111] Benoit XVI poursuit la "réforme de la réforme" - par Yves Chiron

Aletheia n°111 - 7 juillet 2007

BENOÎT XVI POURSUIT LA «RÉFORME DE LA RÉFORME» - par Yves Chiron
Le Motu proprio Summorum pontificum qui paraît ce jour, était attendu depuis plus d’un an. Il en avait même été question dès le lendemain de la rencontre entre Mgr Fellay, Supérieur général de la FSSPX, et Benoît XVI, en août 2005.
Le Motu proprio est bref et directif, composé de douze articles qui disent en substance :
• le Missel promulgué par Paul VI est « l’expression ordinaire » du rite latin, tandis que le Missel promulgué par saint Pie V (dans son édition de 1962) en est « l’expression extraordinaire ».
•  tout prêtre peut célébrer selon le rite traditionnel, sans qu’il ait « besoin d’aucune autorisation ».
• tout « groupe stable de fidèles » attachés au rite traditionnel [il n’est question d’aucun nombre minimum dans le document] peut en faire la demande au curé de la paroisse.
• si ce groupe de fidèles « n’obtient pas du curé ce qu’ils lui ont demandé, ils en informeront l’Evêque diocésain », celui-ci « est instamment prié d’exaucer leur désir » [souligné par nous].
• les autres sacrements (baptême, mariage, pénitence, onction des malades pour les prêtres, et confirmation pour les évêques) peuvent être célébrés aussi selon le rite traditionnel.
• ces normes remplacent celles précédemment établies (indult de 1984 et motu proprio de 1988) et devront être observées « à compter du 14 septembre de cette année, nonobstant toutes choses contraires ».
Dans la phase préparatoire de ce Motu proprio, trois épiscopats principalement – français, anglais et allemands –, par la voix de représentants autorisés, ont dit leur crainte ou leur refus d’une telle libéralisation de la messe traditionnelle. Dans quelle mesure leurs réactions ont-elles infléchi le Motu proprio qui était en préparation ? C’est, pour le moment, impossible à déterminer de manière précise. En revanche, on peut considérer que ce sont ces réactions qui ont incité Benoît XVI  à rédiger une lettre aux évêques pour accompagner, expliquer et justifier le Motu proprio.
Ces réactions n’ont pas dû surprendre Benoît XVI, lui qui écrivait il y a quatre ans à propos d’une autorisation inconditionnelle de la messe traditionnelle : « Trop forte est encore chez beaucoup de catholiques – endoctrinés depuis des années – l’aversion pour la liturgie traditionnelle, qu’ils qualifient de manière méprisante de “pré-conciliaire”, et aussi, d’un autre côté, beaucoup d’évêques montreraient une opposition déterminée à une autorisation générale.[1] »
La Lette aux évêques qui accompagne le Motu proprio et le commente est d’un ton très personnel. Benoît XVI rappelle que le Missel traditionnel « n’a jamais été juridiquement abrogé » et qu’ « en principe, il est toujours resté autorisé ». On remarquera le « en principe » qui est un discret hommage à la vérité historique.
Au risque de me répéter, il faut rappeler que ce Motu proprio n’est qu’une étape du grand œuvre de Benoît XVI en matière liturgique. Il y a plus d’un an, j’écrivais ici : « Les traditionalistes qui croient que Benoît XVI pourrait être le Pape qui restaurera, dans toute l’Eglise, la messe traditionnelle, se trompent. Benoît XVI, sans mépriser l’ancien rite, est déterminé, sans doute, à favoriser plus largement son usage. Mais aussi, il estime, en historien et en théologien, que l’évolution de la liturgie, multiséculaire, doit se poursuivre, dans le sens d’une rectification du rite nouveau, et même par l’intégration de l’ancien et du nouveau. »
Le Motu proprio rendu public aujourd’hui ne dément pas cette analyse.
Dans l’immédiat, l’Eglise admet deux formes du rite romain : le rite romain sous sa « forme ordinaire » (celui issu de la réforme liturgique post-conciliaire) et le rite romain sous « une forme extraordinaire », le rite d’avant la réforme. À long terme, Benoît XVI croit possible et souhaitable une unification des deux formes.
Il l’écrivait, il y a quatre ans, au  Professeur Barth dans la lettre déjà citée :  « je crois que dans l’avenir l’Eglise romaine devra avoir à nouveau un seul rite ; l’existence de deux rites officiels est dans la pratique difficilement “gérable” pour les évêques et les prêtres. Le rite romain de l’avenir devrait être un seul rite, célébré en latin ou en langue populaire, mais entièrement fondé dans la tradition du rite ancien; il pourrait intégrer quelques nouveaux éléments, qui ont fait leurs preuves, comme de nouvelles Fêtes, quelques nouvelles Préfaces dans la messe, un Lectionnaire élargi – un plus grand choix qu’avant, mais pas trop - une Oratio fidelium, c’est-à-dire une litanie de prières d’intercession après l’Oremus de l’Offertoire, où jadis il avait sa place.[2] »
Dans la Lettre aux évêques qui accompagnent le Motu proprio, le propos est moins direct mais l’intention reste la même :
• « les deux Formes d’usage du Rite Romain peuvent s’enrichir réciproquement : dans l’ancien Missel pourront être et devront insérés les nouveaux saints, et quelques-unes des nouvelles préfaces ».
• « dans la célébration de la Messe selon le Missel de Paul VI, pourra être manifestée de façon plus forte que cela ne l’a été souvent fait jusqu’à présent, cette sacralité qui attire de nombreuses personnes vers le rite ancien. »
• aucun prêtre ne peut « par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté. »
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« SUBSISTIT IN » - UNE RÉPONSE À LA FSSPX
De sources bien informées (protestante puis épiscopale), on apprend que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi va publier, de façon imminente, une Déclaration sur l’expression « subsistit in ».Rien n’a transpiré dans la presse jusqu’ici, mais il nous a été dit que cette Déclaration, qui devait être publiée ce samedi, en même temps que le Motu proprio, a finalement été reportée au mardi 10 juillet. Ce numéro d’Aletheia sera déjà parvenu à ses destinataires lorsque le document sera rendu public. Si la Déclaration ne paraît pas à la date indiquée, c’est que les sources indiquées étaient imprécisément informées.
Sans donc en connaître encore le contenu exact, on voit d’emblée son importance. La querelle, ou l’interprétation si l’on veut, du « subsistit in » est un des points majeurs de la critique traditionaliste du concile Vatican II.
C’est dans la constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen Gentium (1964), que l’expression se rencontre : « Cette Eglise [« l’unique Eglise du Christ”] comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Eglise catholique qu’elle se trouve [subsistit in, dit le texte latin], gouvernée par le Successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures, éléments qui, appartenant proprement par don de Dieu à l’Eglise du Christ, appellent par eux-mêmes l’unité catholique » (LG, n° 8).
Pour la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X et les communautés qui sont proches d’elle, cette proposition « entendue dans le sens que l’Eglise du Christ sur terre n’est pas identique à l’Eglise catholique, mais qu’elle s’étend en dehors d’elle, même de manière imparfaite, est fausse, hérétique ou proche de l’hérésie.[3] »
Inversement, des théologiens progressistes se sont réjouis de cette expression « subsistit in ».
Le P. Gregory Baum y voyait l’affirmation qu’ « il n’y a aucune identité absolue »[4] entre l’Eglise du Christ et l’Eglise catholique.
Le P. Leonardo Boff, s’appuyant lui aussi sur l’expression subsistit in, a estimé que l’Eglise catholique « ne peut prétendre être la seule à s’identifier à l’Eglise du Christ, parce que celle-ci peut exister également dans d’autres Eglises chrétiennes »[5].
Durant le pontificat de Jean-Paul II, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sous l’autorité du cardinal Ratzinger, a réfuté, à deux reprises déjà, ces fausses interprétations du subsistit in :
• Le 11 mars 1985, dans une Notification contre le livre du P. Leonardo Boff, Eglise : charisme et pouvoir, la Congrégation a estimé que celui-ci soutient « une thèse exactement contraire à la signification authentique du texte conciliaire ».
La Notification a précisé alors le sens à donner à l’expression : « Le Concile avait, à l’inverse, choisi le mot ”subsistit” précisément pour mettre en lumière qu’il existe une seule ”subsistance” de la véritable Eglise, alors qu’en dehors de son ensemble visible existent seulement des ”elementa Ecclesiæ” qui – étant des éléments de la même Eglise – tendent et conduisent vers l’Eglise catholique (LG 8).
• Une deuxième fois, dans la Déclaration Dominus Iesus, en date du 6 août 2000, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a réaffirmé que « l’Eglise du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Eglise catholique », en précisant : « Contraire à la signification authentique du texte conciliaire est donc l’interprétation qui tire de la formule subsistit in la thèse que l’unique Eglise du Christ pourrait aussi subsister dans des Eglises et Communautés ecclésiales non catholiques. »
En consacrant une Déclaration spécifique à cette expression controversée, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi va donc, pour la troisième fois, apporter des éclaircissements et des rectifications à propos d’une expression qui a donné lieu à des interprétations fausses.
Une Déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la liberté religieuse, autre expression controversée, serait en préparation.
Benoît XVI continue donc à œuvrer pour une juste compréhension des textes conciliaires.Son herméneutique de la continuité ne s’adresse pas exclusivement aux traditionalistes, mais dans le contexte du Motu proprio cette Déclaration attendue sur le subsistit in serait incontestablement un signe adressé à la FSSPX.
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Thomas Grimaux - Les Communautés traditionnelles en France
Le cardinal Castrillon Hoyos, qui préface ce livre, le présente ainsi : « Il veut faire connaître à nos contemporains qui sont ces communautés catholiques qui vivent selon des règles de vie précises, suivent des pratiques religieuses qui ont fait leur preuve durant des siècles, et célèbrent l’ancienne liturgie romaine comme elle était en vigueur partout jusqu’il y a quarante ans. »
Sont présentées ainsi, par des notices développées et de très nombreuses et magnifiques photographies, les 17 communautés traditionnelles françaises qui sont en communion ave le Saint-Siège : cinq communautés féminines (les Victimes du Sacré-Cœur à Marseille, les Dominicaines de Pontcalec, les Bénédictines de Jouques et du Barroux, les Chanoinesses de la Mère de Dieu), cinq communautés masculines contemplatives (les Bénédictins de Fontgombault, de Randol, de Triors, de Gaussan et du Barroux), trois communautés religieuses apostoliques (Sainte-Croix de Riaumont, les Chanoines réguliers de la Mère de Dieu et la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier) et quatre communautés de prêtres séculiers (la Fraternité Saint-Pierre, l’Institut du Christ Roi, et les tout jeunes Société des Missionnaires de Toulon et Institut du Bon Pasteur).
Même en se limitant aux communautés en communion avec le Saint-Siège, ne manque-t-il pas la très discrète Société des Prêtres Auxiliaires de l’abbé Barthe ?
En tout cas, un beau livre, utile, qui montre la diversité des charismes chez les catholiques de Tradition.

Un album de 168 pages, avec 200 photos, à commander à La Nef (2 cour des Coulons, 78810 Feucherolles), 39 euros franco de port.
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[1] Lettre du cardinal Ratzinger au Professeur Barth, le 23 juin 2003, publiée dans Aletheia n° 89, le 19 février 2006.
[2] Idem.
[3] R.P. Pierre-Marie, « L’Unité de l’Eglise » in La Tentation de l’œcuménisme, Actes du IIIe Congrès théologique de Si Si No No (avril 1998), Publications du Courrier de Rome, 1999, p. 45.
[4] P. Gregory Baum, Concilium, n° 4, avril 1965, p. 67. Gregory Baum, canadien, religieux augustin, fondateur de la revue The Ecumenist en 1962, a été expert (peritus) auprès du Secrétariat pour l’Unité des chrétiens pendant le concile Vatican II. Il a renoncé au sacerdoce en 1986 et s’est marié.
[5] P. Leonardo Boff, Eglise : charisme et pouvoir, Editions Lieu Commun, 1985, p. 138. Le P. Leonardo Boff, brésilien, religieux franciscain, a été un des chefs de file de la « théologie de la libération » dans les années 1970-1980. Il a renoncé au sacerdoce en 1992 et s’est marié.