dimanche 23 novembre 2003

[Aletheia n°48] La messe pontificale de la solennité de sainte Cécile

Aletheia n°48 - 23 novembre 2003
La messe pontificale de la solennité de sainte Cécile
La messe selon le rite romain traditionnel qu’a célébrée hier, samedi 22 novembre, le cardinal Jorge Medina Estevez, à Paris, n’a pas été le pendant français de la “ messe historique ” du 24 mai célébrée à Rome par le cardinal Castrillon Hoyos (cf. Alétheia n° 43). Certes, ce fut une messe splendide, avec chant grégorien et motets baroques, en présence d’un nombre important de fidèles. Beaucoup durent rester debout sur les bas-côtés et au fond de l’église. Les monastères, congrégations et fraternités, en communion avec le Saint-Siège grâce à l’indult de 1988, avaient envoyé des représentants. À bon droit, tous pouvaient se réjouir de voir une messe selon le rite romain traditionnel être célébrée dans une église française par un cardinal ancien Préfet de la Congrégation pour le Culte divin.
Depuis l’indult de 1988, à la fois libératoire et appliqué avec tant de parcimonie, bien du chemin a été parcouru. Chaque dimanche, dans plus de la moitié des diocèses français, au moins une messe traditionnelle, selon l’indult, est célébrée. 55 % des diocèses avec une messe traditionnelle hebdomadaire, cela signifie aussi 45 % sans messe traditionnelle hebdomadaire (et même 35 % des diocèses sans messe traditionnelle du tout). Si l’on prend en compte les prieurés et les chapelles desservies par la Fraternité Saint-Pie X, les données statistiques sont, bien sûr, très différentes.
La restauration de plein droit de la messe traditionnelle dans tous les diocèses, et dans toute l’Eglise, n’est pas encore acquise. Et c’est de ce point de vue que la messe du 22 novembre n’a pas été un événement historique.
Après la procession d’entrée, Mgr Chauvet, vicaire général du diocèse de Paris, a accueilli le cardinal Medina par un petit discours. Il apprenait aux fidèles que le cardinal Lustiger avait “ invité ” le cardinal Medina à venir célébrer la solennité de sainte Cécile à l’occasion du centenaire du motu proprio Tra le sollecitudini , motu proprio sur la musique sacrée pris par saint Pie X dès le début de son pontificat. Mgr Chauvet rappelait aussi que la messe traditionnelle était célébrée habituellement, par la libéralité de l’archevêque de Paris, dans deux paroisses (Saint-Eugène Sainte-Cécile et Sainte-Odile) et une chapelle (celle des Pères de Saint-Vincent-de-Paul). Il rappelait encore que chaque dimanche, à la cathédrale Notre-Dame de Paris, est célébrée une messe en grégorien, selon le rite de Paul VI.
En revanche, Mgr Chauvet n’eut pas un mot sur les catholiques traditionnels qui vont chercher leur nourriture spirituelle dans les prieurés et les chapelles de la FSSPX. Il remercia l’association Una Voce, co-organisatrice de cette journée et de cette messe, mais oubliait de remercier le C.I.E.L. (Centre International d’Etudes Liturgiques), autre organisateur, sinon le principal, de cette journée et de cette messe. Rappelons que le C.I.E.L. organisait, en lien avec ces cérémonies, un colloque international de liturgie qui avait commencé le 20 novembre.
Beaucoup espéraient que le cardinal Medina donnerait, comme l’avait fait le cardinal Castrillon de Hoyos à Rome en mai, quelque parole de réconfort voire de réhabilitation de la messe traditionnelle. Il n’en a rien été pendant cette messe. Dans son sermon de vingt minutes, le cardinal a fait un commentaire, d’une belle élévation, sur le motu proprio de saint Pie X. Il a mis en évidence le lien entre le rite romain et le chant grégorien. Il a souhaité que le chant grégorien et la musique sacrée puissent “ revitaliser ” les “ églises cathédrales et paroissiales ”. Son sermon s’est terminé par une inquiétude sur “ la vague de sécularisation ” qui submerge les sociétés, et qui risque de submerger l’Eglise, et dont un des “ fruits vénéneux ” est la “ disparition du sens du sacré, donc du sens de Dieu ”.
La controverse
À l’entrée de l’église Saint-Eugène, avant la messe, des fidèles avaient distribué un tract édité par “ le clergé de St-Nicolas du Chardonnet ”. Ce tract est intitulé : “ NON à la messe d’un jour, OUI à la doctrine et à la messe de toujours ”.
Faisant allusion à la messe du 24 mai et à celle qui allait se célébrer ce 22 novembre, “ le clergé de St-Nicolas de Chardonnet ” estimait : “ Ces faits purement ponctuels posés par des prélats qui, quotidiennement, célèbrent la nouvelle messe de Paul VI ne sont pas des signes suffisants d’une volonté de permettre la messe tridentine à tout prêtre de l’Eglise catholique, sans restriction aucune, encore moins des signes de volonté de restaurer l’Eglise par la doctrine et la messe de toujours. ”
Le feuillet de controverse se termine par une prise de position qui rappelle que la FSSPX ne demande pas (ou plus) seulement la liberté totale de célébration de la messe traditionnelle mais aussi une révision doctrinale : il faut “ que les discours en faveur de l’ancien rite soient accompagnés d’une réelle volonté de remettre en cause les faux principes du concile Vatican II. Tout autre action — qui ne remonte pas à la source du problème — est vouée à l’échec. ”
On peut donc dire que cette sainte messe de la solennité de sainte Cécile, magnifique exemple d’une liturgie sacrée, n’aura guère contribué à l’apaisement et à la réconciliation qui restent à venir.
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. La paroisse Saint-Eugène Sainte-Cécile (4 rue du Conservatoire, 75009 Paris) a réalisé un enregistrement vidéo de cette messe du 22 novembre. Ce DVD est en vente, en souscription, au pris de 18 ¤ + 2 ¤ de port.
. Le C.I.E.L. (11 avenue Chauchard, 78000 Versailles) publie Saint Pie X, aux sources de la participation liturgique, un volume de 130 pages (12 ¤ + 2 ¤ de port), où l’on trouvera le texte intégral du motu proprio sur la musique sacrée, des documents et des études historiques et la conférence “ Liturgie et participation ” prononcée le 22 novembre, dans l’après-midi, par le cardinal Medina.