lundi 28 décembre 2009

[Aletheia n°149] Natuzza Evolo (1924-2009) - "Il n’y a aucune raison pour que Pie XII ne devienne pas saint" dit Serge Klarsfeld - Réabonnement - par Yves Chiron

Aletheia n°149 - 28 décembre 2009

Natuzza Evolo (1924-2009)

Natuzza Evolo est née le 23 août 1924 à Paravati, en Calabre, dans le diocèse de Mileto. Quelques mois avant sa naissance, son père a dû émigrer en Argentine pour faire vivre la famille. Sa mère se livrait, de manière intermittente, à la prostitution. Natuzza n’a pu aller à l’école. Elle ne saura jamais ni lire ni écrire et ne parlera que le dialecte calabrais.

Depuis l’enfance, elle a été gratifiée de la présence sensible de son ange gardien. À l’âge de huit ans, en 1932, elle a eu une première vision de saint François de Paule. En 1935, elle connaît sa première bilocation : elle « visite » son père en Argentine.

À l’âge de quatorze ans, elle a été placée comme domestique chez un avocat, Silvio Colloca. À partir de juin 1939, elle a commencé à voir des défunts et à converser avec eux. À l’âge de seize ans, en 1940, elle a connu, pour la première fois, le phénomène, rare, de l’hémographie mystique. C’était le jour où elle a reçu le sacrement de confirmation dans la cathédrale de Mileto. Après la communion, elle a découvert, sur son vêtement, à hauteur de l’épaule, une croix de sang, d’environ 5 cm de haut. Le phénomène se répètera des centaines de fois pendant son existence : au cours d’extases ou de bilocations, le sang suintait de différents endroits de son corps (les joues, le front, les mains, la poitrine, les genoux). Sur ses vêtements, ou sur le mouchoir ou le linge où était recueilli son sang, des phrases, en différentes langues (italien, français, anglais, grec, latin, araméen), ou des dessins, apparaissaient, toujours dans une thématique spirituelle.

Après que différentes congrégations religieuses aient refusé de l’admettre comme novice, Nattuza se maria en 1944 avec un garçon de son village, Pasquale Nicolace, qui était menuisier. Elle avait posé comme condition que son futur mari s’engage à respecter sa vocation particulière. De cette union, naîtront cinq enfants.

Quelque temps après son mariage, la Vierge Marie lui apparut et lui annonça qu’un jour seraient construites « une grande église qui sera dédiée au Cœur immaculé de Marie refuge des âmes et une maison pour soulager les jeunes, les personnes âgées et tous ceux qui se trouvent dans le besoin ».

Toute sa vie, Mamma Natuzza, comme elle sera surnommée, fut favorisée de phénomènes mystiques extraordinaires : extases, visions de Jésus, de la Vierge Marie, de saint François de Paule et d’autres saints, stigmates, fragrances miraculeuses, bilocation.

Plus de cinquante cas de bilocation ont été attestés pendant sa vie. « Ce n’est jamais moi qui provoque la bilocation, a expliqué Natuzza. Des défunts ou des anges se présentent à moi et me conduisent dans des lieux où ma présence est nécessaire. Je vois parfaitement tout ce qui se trouve autour de moi. Je peux le décrire, je peux parler et être utile aux personnes que je trouve. Je peux ouvrir et fermer les portes, je peux agir. Je suis ici, chez moi, je parle avec les miens et je me sens en même temps dans un autre lieu où je parle et j’agis de la même façon. La bilocation, ce n’est pas comme un film que l’on voit au cinéma ou à la télévision. Je me trouve vraiment au milieu de l’endroit que je visite. Je reste dans cet endroit le temps nécessaire pour l’accomplissement de ma mission, quelques secondes ou quelques minutes. Je suis bien consciente que mon corps physique se trouve à Paravati (ou en quelque autre lieu, mais différent de celui que je visite). »

À partir de 1958, elle a été stigmatisée de manière visible et sur une longue durée (même si, depuis longtemps, elle connaissait des douleurs répétant la Passion du Christ). Les stigmates étaient visibles pendant le Carême et jusqu’au Vendredi Saint. Une particularité est à signaler : ses plaies n’étaient pas situées dans la paume des mains et dans la plante des pieds, comme chez la plupart des stigmatisés (et comme dans la représentation traditionnelle de la crucifixion), mais aux poignets et au-dessus des pieds. Ce qui correspond davantage à la technique historique de la crucifixion chez les Romains, et à l’image du Saint-Suaire.

Natuzza Evolo est étonnante par la variété et l’abondance des phénomènes extraordinaires qui ont caractérisé sa vie mystique, elle a été exemplaire aussi par sa discrétion et sa charité envers tous. Sa familiarité avec les défunts (on la surnommait « la radio de l’autre monde ») était autant connue que les autres grâces dont elle était favorisée. Pendant des décennies, elle a reçu chez elle, quatre soirs par semaine, des fidèles qui venaient demander des « nouvelles » de leurs défunts et solliciter des conseils spirituels.

Des groupes de prière se sont constitués spontanément à Paravati, puis dans le diocèse et dans toute l’Italie. Ces groupes de prière, organisés à partir de 1994 sous le nom de Cénacles du Cœur immaculé de Marie refuge des âmes, ont vu leurs statuts approuvés canoniquement par Mgr Cortese, évêque de Mileto, le 22 février 1999.

Dans les dernières années de sa vie, Natuzza Evolo a pu voir également le début de la construction des édifices qu’avait demandés la Vierge Marie dans son apparition de 1944. Le 30 mai 2006, la première pierre de l’église dédiée au Cœur Immaculé de Marie refuge des âmes a été posée.

Natuzza est décédée le 1er novembre dernier, à l’âge de 85 ans. Ses funérailles ont été célébrées par l’évêque du diocèse de Mileto, où elle a passé toute sa vie. Cinq autres évêques et plus de cent prêtres ont participé à la cérémonie.

Comme pour le Padre Pio, plusieurs médecins et de spécialistes ont examiné, à différentes époques, Natuzza Evolo.

Les contradicteurs et les explications rationalistes n’ont pas manqué non plus. La première est venue du P. Agostino Gemelli, célèbre franciscain, qui avait été médecin, spécialiste de neuro-psychologie, avant de devenir religieux et un des fondateurs de l’université catholique de Milan. En 1940, après le premier cas d’hémographie mystique, l’évêque de Mileto envoya le vêtement marqué du signe de la croix au P. Gemelli, accompagné d’un petit dossier sur Nattuza. Sans avoir rencontré la mystique, le P. Gemelli avait conclu à l’ « hystérie ».

C’est le même P. Gemelli qui avait été, vingt ans auparavant, un des principaux adversaires de Padre Pio. Il l’avait rencontré quelques instants, le 18 avril 1920, dans un couloir du couvent de San Giovanni Rotondo. Il avait rédigé ensuite un rapport pour le Saint-Office, sans avoir examiné les stigmates du saint capucin, et dans un article, publié à deux reprises en 1924, il l’avait rangé, sans le nommer, parmi les « stigmatisés hystériques » qui se procurent des stigmates « artificiellement, pour ainsi dire sans qu’ils s’en rendent compte ».

Le P. Gemelli repétait donc, pour Natuzza Evolo, un diagnostic établi à distance et une explication rationaliste.

En 1949, c’est un autre médecin, le professeur Annibale Puca, membre de la Société italienne de psychiatrie, qui portera un diagnostic semblable dans un article : Interpretazioni miracolistiche in un caso d’istérismo con sudore e grafia ematica, paru dans la revue Il Lavoro neuropsichiatrico (IV, 1949), la revue de l’Hôpital psychiatrique de la Province de Rome et de la Clinique des maladies nerveuses et mentales de l’Université de Rome. Il expliquait les « sueurs de sang » et l’hémographie mystique par une « vasodilatation segmentale » due à une « concentration émotive » portée à son plus haut degré d’intensité par une « hétéro-suggestion hypnotique ».

Plus récemment, deux ethno-sociologues, Maricia Boggio et Luigi-Maria Lombardi Satriani, ont cherché à expliquer les phénomènes observables chez Nattuza en référence aux traditions et croyances magiques de la culture populaire calabraise : Natuzza Evolo : il dolore e la parola (Rome, Armando editore, 2006).



"Il n’y a aucune raison pour que Pie XII ne devienne pas saint" dit Serge Klarsfeld[1]
Le feu vert de Benoît XVI à la béatification du pape Pie XII suscite de nombreuses protestations au sein des communautés juives. Une décision qui “ne choque absolument pas“ l’historien Serge Klarsfeld, fondateur de l’association “Les fils et filles des déportés juifs de France“.

Que pensez-vous de la prochaine béatification de Pie XII ?

Serge Klarsfeld : C’est une affaire interne à l’Église ! Je pourrais presque dire que cette décision me laisse assez indifférent. Il n’y a aucune raison pour que Pie XII ne devienne pas saint ! En revanche, une chose me heurte davantage : la publication des lettres antisémites de Céline dans La Pléiade, chez Gallimard. Même si Louis-Ferdinand Céline est considéré comme un génie littéraire, je trouve cela choquant. Et puis, si l’on parle beaucoup de Pie XII, pourquoi ne regarde-t-on pas aussi le général de Gaulle ? Il est considéré comme un saint en France ! Eh bien, lors de l’été 1942, après la rafle du Vel’ d’hiv’, le général de Gaulle n’a pas élevé la voix. Pourtant, par la suite, de nombreuses autres rafles ont suivi, menées uniquement par des uniformes français et organisées par l’administration préfectorale ! Le général de Gaulle n’a pas élevé la voix pour avertir par exemple : “Fonctionnaires, si vous arrêtez les juifs, vous serez arrêtés et traduits en justice !“.

Quel est votre jugement sur la position de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale?

Pie XII a joué un rôle déterminant contre Hitler, mais aussi dans la lutte contre le communisme en Europe de l’Est. Le Polonais Karol Wojtyla, futur Jean-Paul II, est né de la volonté de Pie XII de lancer ce mouvement de résistance. Le rôle de Pie XII a aussi été diplomatique et idéologique : il a été le rédacteur de l’encyclique de 1937 condamnant le nazisme et publiée par son prédécesseur.

Pourtant, on reproche à Pie XII son silence pendant la Shoah...

Tout cela est très difficile à apprécier. N’occultons pas que Pie XII a eu des gestes discrets et efficaces pour aider les juifs. Citons par exemple ce qui s’est passé à Rome. Un millier de juifs ont été arrêtés lors d’une rafle-surprise. Pie XII n’a pas protesté à voix haute, mais il a demandé aux établissements religieux d’ouvrir leurs portes. Résultat : des milliers de juifs ont pu être sauvés. Alors que si Pie XII avait élevé la voix, quelles auraient été les conséquences ? Est-ce que cela aurait changé les choses pour les juifs ? Probablement pas. Déjà, ses déclarations pour défendre les catholiques n’ont pas été entendues puisqu’en Pologne deux millions de catholiques ont été tués. Néanmoins, une prise de parole publique aurait sûrement amélioré la propre réputation de Pie XII aujourd’hui.

Au sein du monde juif, certains sont plus virulents que vous...

Quelques-uns, comme moi, essaient de regarder quels étaient la réalité historique et le contexte de l’époque. En revanche, d’autres ne pensent pas une seconde aux milliers de catholiques tués, mais en priorité aux rabbins et aux juifs massacrés pendant la Shoah. Mais le pape, c’est avant tout le pape des catholiques. La priorité de Pie XII était de protéger les catholiques des régimes nazi et communiste.

Alors que pensez-vous de cette polémique ?

Cette controverse ne me surprend pas. Elle me paraît assez normale dans la mesure où les archives du Vatican n’ont pas été ouvertes malgré des promesses. Il s’est quand même passé plus de 60 ans depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les archives devraient être libres d’accès pour que l’on constate, par nous-mêmes, quels ont été les gestes et la réaction de Pie XII.
Cette réaction de Serge Klarsfeld est intéressante car elle montre qu’avec le temps certains arguments des défenseurs de la mémoire de Pie XII commencent à être entendus et acceptés. Je relèverai simplement une illusion qui persiste : que les « archives » du Vatican restant à explorer contiendraient des documents qui pourraient encore révéler des documents significatifs, susceptibles de faire comprendre « les gestes et la réaction de Pie XII » pendant la Seconde Guerre mondiale.

On rappellera, simplement, qu’une grande partie des archives vaticanes concernant cette période a été publiée, à l’initiative de Paul VI, à partir de 1965 : Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde guerre mondiale, Libreria Editrice Vaticana, 1965-1981, onze tomes en 12 volumes.

Ce vaste ensemble documentaire a longtemps été méconnu ou ignoré des historiens de la période. Certes il ne contient pas toutes les archives du Vatican sur la Seconde Guerre mondiale, mais on sait que Jean-Paul II a décidé d’ouvrir aux historiens le reste de la documentation conservée sur la période.

Cette masse documentaire est encore considérable, elle n’est pas encore intégralement classée et répertoriée. Pour avoir travaillé, il y a quelques années déjà, aux Archives Secrètes Vaticanes sur les pontificats de Pie X et de Pie XI, j’ai pu constater que pour chacune de ces périodes certaines archives n’étaient pas encore communicables aux chercheurs parce que le classement n’en était pas achevé.

Sous le pontificat de Pie XI, le futur Pie XII était nonce apostolique en Allemagne puis Secrétaire d’Etat. Les archives sur cette période, rendues accessibles ces dernières années, viennent confirmer ce que l’on savait déjà d’Eugenio Pacelli : il ne fut en rien complaisant avec l’Allemagne nazie.

Concernant le pontificat-même de Pie XII, les Archives Secrètes Vaticanes ont publié deux volumes intitulés Inter arma caritas. Le premier volume est l’inventaire des archives de l’ Ufficio informazioni Vaticano per i prigioneri di guerra, institué en 1939 et qui a fonctionné jusqu’en 1947 ; le second reproduit intégralement des centaines de documents. Ces deux volumes – près de 1500 pages au total – évoquent l’aide concrète, au cas par cas, apportée aux prisonniers de guerre de tous les camps, par le Saint-Siège et ses représentants. Le sort dramatique des Juifs n’est pas absent de ces volumes. Pourtant cette publication a été ignorée par les grandes revues historiques universitaires françaises et par les historiens de la période.

On ajoutera qu’entre le moment où la Congrégation pour les Causes des saints s’est prononcée, à l’unanimité, pour reconnaître les vertus héroïques de Pie XII (8 mai 2007) et le moment où Benoît XVI a signé le décret (19 décembre 2009), il s’est passé plus de deux ans. Le pape n’a pas tergiversé pendant plus de deux ans. Il a demandé au P. dominicain Ambrosius Eszer, un des rapporteurs généraux de la Congrégation, de mener une recherche exploratoire complémentaire dans les archives vaticanes. Son travail a duré dix mois. Ce qu’il a trouvé a confirmé ce que l’on savait déjà de la charité de Pie XII et de sa sollicitude pour les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Y.C.

Bulletin de réabonnement

Avec ce numéro 149, s’achève la dixième année de parution d’Aletheia. Quinze fois, cette année,  librement, sans souci de plaire ni crainte de déplaire, ont été publiées des informations et analyses au service de la Vérité et de l’Eglise. Et ce, dans un format plus que modeste.

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Note

[1] Propos recueillis par Ségolène Gros de Larquier et publiés dans Le Point le 24 décembre 2009.

dimanche 29 novembre 2009

[Aletheia n°148] Louis XVI peut-il être canonisé? - Episcopi vagantes - par Yves Chiron

Aletheia n°148 - 29 novembre 2009 

Louis XVI peut-il être canonisé ? par Yves Chiron
L’abbé Edgeworth de Firmont, qui a assisté Louis XVI dans ses dernières heures et au pied de la guillotine, a laissé un témoignage émouvant et authentique sur cet épisode dramatique de notre histoire[1]. Il a montré comment Louis XVI avait accepté sa mort prochaine dans un esprit chrétien. Le roi condamné s’est préparé, comme tout bon chrétien doit le faire, à comparaître devant son juge, Jésus-Christ.
Pour l’abbé de Firmont, qui fut le dernier confident et le dernier confesseur de Louis XVI, la mort du roi n’est pas sans ressemblance avec la Passion du Christ. Il était persuadé que Louis XVI allait recevoir une immédiate « récompense », c’est-à-dire que son âme irait en Paradis.
Il ne faisait aucun doute pour lui, et pour de nombreux Français, prêtres, religieux, religieuses ou laïcs de cette époque, que Louis XVI mourait en authentique martyr chrétien. Cette certitude fut ensuite affirmée par le pape Pie VI.
L’allocution de Pie VI
Le 17 juin 1793, soit cinq mois après la mort du roi, le Pape prononce, en consistoire, une longue allocution tout entière consacrée à Louis XVI.
Il fait référence explicitement aux conditions posées par Benoît XIV dans son célèbre traité sur la béatification et la canonisation et il montre qu’on peut considérer Louis XVI comme un authentique martyr. Il donnait trois raisons essentielles :
• la cause de sa mort est bien la haine de la foi catholique ;
• le roi a accepté sa mort non seulement avec courage, mais dans un esprit de foi et de sacrifice ;
• si dans sa vie privée ou publique, le roi défunt a commis des fautes, il les a regrettées, il s’en est confessé et elles ont été amplement lavées par le sang du martyr.
Cette magnifique allocution du pape, écrite dans l’émotion du moment, a été connue de l’Europe entière par de nombreuses traductions et éditions[2].
Mais, le pape Pie VI n’a pas proclamé Louis XVI comme « martyr » ; il n’a pas voulu contourner les procédures canoniques habituelles.
Or la cause de béatification de Louis XVI n’a jamais été ouverte, malgré les tentatives qui ont été faites.
La réponse de la Congrégation des Rites
Au début de la Restauration, soit un peu plus de vingt ans après la mort de Louis XVI, la mémoire du roi-martyr restait vive. En 1816, sur la proposition de Sosthène de La Rochefoucauld, la Chambre des Députés a voté une loi qui faisait du 21 janvier un jour de deuil national.
En 1820, la duchesse d’Angoulême, c’est-à-dire Marie-Thérèse, la fille survivante de Louis XVI et de Marie-Antoinette, fit part au nonce du pape à Paris de son désir de voir introduite la cause en béatification de son père. Le nonce, Mgr Macchi, en référa au cardinal Consalvi, secrétaire d’Etat de Pie VII.
Le cardinal fit examiner la requête par la Congrégation des Rites chargée, à l’époque, des causes de béatification et de canonisation. Il en résulta un long mémoire, en italien, qui a été envoyé au nonce à Paris en septembre 1820[3].
La Congrégation des Rites rappelait diverses notions théologiques et quelques principes canoniques. Était rappelée la définition du martyre donnée par saint Augustin : « ce n’est point le supplice, mais la cause du supplice qui constitue le véritable martyre ».
En d’autres termes, ce n’est pas la façon dont le chrétien est mort qui en fait un martyr mais la raison pour laquelle il a été mis à mort. Tout chrétien innocent mis à mort n’est pas pour autant un martyr. Pour qu’il y ait  martyr, il faut non seulement que le persécuteur ait agi en haine de la foi mais aussi que la victime soit morte pour conserver intacte cette foi, ait préféré la mort plutôt que de renier la foi.
En 1820, donc, la Congrégation des Rites a estimé qu’il n’était pas possible de démontrer irréfutablement que la mort de Louis XVI réunissait ces conditions. Le mémoire dit : « comment pourra-t-on démontrer qu’il fut immolé par les impies en haine de la foi, et non pas pour des motifs temporels ».
La Congrégation des Rites donnait deux raisons :
• la Révolution a sacrifié Louis XVI d’abord pour « affermir […] la République naissante » ;
• même si Louis XVI avait accepté « tous les principes irréligieux et tous les décrets abominables » de la Révolution, il aurait été mis à mort.
La Congrégation des Rites rappelait aussi que la procédure en vue d’une béatification doit être engagée par le diocèse où est mort Louis XVI, c’est-à-dire par l’archevêque de Paris. Le Procès diocésain consistera essentiellement en une audition de témoins pour recueillir, sous serment, toutes données factuelles permettant de reconstituer la chronologie de l’événement et d’établir la preuve du martyre au sens traditionnel.
Si les preuves sont jugées suffisantes, alors la cause pourra être introduite à Rome auprès de la Congrégation des Rites. Même si les causes du martyre étaient reconnues comme telles, il fallait encore, à l’époque, que deux miracles soient reconnus pour que le martyr soit proclamé bienheureux et deux autres pour qu’il soit proclamé comme saint.
En précisant ces étapes d’une procédure possible, la Congrégation des Rites ne faisait que rappeler les règles canoniques alors en usage.
La prudence des archevêques de Paris
Le moins qu’on puisse dire est que ce mémoire de 1820 était peu encourageant ; il estimait que l’issue d’une éventuelle procédure était « très incertaine ».
L’archevêque de Paris en fonction en 1820, Alexandre de Talleyrand de Périgord (oncle du célèbre Talleyrand, l’évêque défroqué), n’osa pas s’engager dans une entreprise que la Congrégation des Rites estimait « pour le moins douteuse ».
Son successeur, Mgr de Quelen, archevêque de 1821 à 1836, n’ouvrit pas non plus d’information.
Les divisions et les difficultés politiques de la Restauration ont contribué à rendre un éventuel procès canonique de plus en plus délicat. Après la Révolution de 1830, la monarchie de Juillet a supprimé, en 1833, le jour de deuil national voté dix-sept ans plus tôt.
Au XIXe et au XXe siècle, plusieurs mémoires ont été publiés, par des particuliers, pour inciter à l’introduction de la cause de béatification et de canonisation de Louis XVI.
L’image et l’idée de Louis XVI « roi martyr » ont perduré jusqu’à aujourd’hui. En 1943, le marquis de La Franquerie publiait un petit livre avec ce titre[4]. L’ouvrage était préfacé par l’archevêque d’Avignon, Mgr de La Villerabel, qui souhaitait, clairement, la béatification de Louis XVI comme martyr.
À partir de 1950, et pendant un demi-siècle, Paul et Pierrette Girault de Coursac ont publié de nombreux ouvrages pour réhabiliter la mémoire de Louis XVI. Leur premier livre s’intitulait, Le roi stigmatisé, publié en 1950. En 1976, ils faisaient paraître Louis XVI roi martyr ?, le point d’interrogation n’était là que pour ne pas préjuger de la décision de l’Eglise.
En 1992, les deux auteurs ont adressé au Saint-Siège un mémoire pour demander l’ouverture de la cause de béatification de Louis XVI. Le cardinal Felici, alors préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, leur a répondu : « Cette congrégation reçoit quelquefois des lettres postulatoires en faveur de cette cause, mais, selon les dispositions juridiques actuelles, elle ne travaille que sur une documentation envoyée par les ordinaires des lieux où sont morts les Serviteurs de Dieu. En cette matière, les évêques sont les premiers juges de l’opportunité d’une cause… »[5].
 Finalement, jusqu’à ce jour, aucune procédure canonique n’a jamais été engagée. L’initiative ne pourrait en venir, aujourd’hui, que du cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris, puisque c’est dans ce diocèse qu’est mort Louis XVI.
Déjà, en 1820, la Congrégation des Rites estimait qu’il y aurait lieu de « s’interroger, avant d’esquisser le moindre pas, sur le fait de savoir s’il convient, dans les circonstances actuelles, d’ouvrir une cause qui ne manquera pas de susciter quelque tapage ».
Aujourd’hui, on voit mal l’archevêque de Paris courir le risque d’un « tapage » médiatico-politique.
L’Institut du Bon Pasteur et diverses associations ont organisé, le 21 mars dernier, un colloque consacré à Louis XVI. Les Actes de ce colloque ont été publiés sous le titre Faut-il canoniser Louis XVI ; ils sont disponibles à l’Institut du Bon Pasteur (12 rue Saint-Joseph, 75002 Paris).
Je publie ici une version révisée et corrigée de ma communication à ce colloque.

EPISCOPI VAGANTES
En 1961, le pasteur anglican Henry Brandreth, recteur d’une des églises anglicanes de Paris, recensait quelque 200 episcopi vagantes dans le monde, c’est-à-dire des personnes qui prétendaient avoir reçu une consécration épiscopale sans être pourtant en communion avec une des Églises historiques (Église catholique, Communion anglicane, orthodoxes)[6].
Aujourd’hui, même en se limitant aux seuls episcopi vagantes qui se réclament de l’Église catholique, on dépasse très largement ce chiffre.
Celui qui signe  ”MRJV”[7] avait publié, en mars 2007, un Organigramme des successions épiscopales thucistes et leurs différents liens, que j’avais recensé ici. Aujourd’hui, il publie une nouvelle version du même travail, dans une édition plus claire (avec flèches et courbes), corrigée et complétée[8].
Cela nous vaut un long organigramme (29 cm de haut sur 2,18 m de large), où sont présentées les différentes successions épiscopales parallèles : « thucistes », « palmariennes », « guérardiennes » et autres.
Deux regrets : que Mgr Lefebvre et les évêques qu’il a consacrés illicitement en 1988 figurent encore dans cet organigramme alors que ceux-ci ont bénéficié d’une levée d’excommunication. Deuxième regret : qu’un index des noms ne vienne pas compléter l’organigramme, il rendrait le document plus aisément consultable.
Parmi les successions épiscopales qui se forment, on relèvera celle de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie V (dissidence de la Fraternité Saint-Pie X, née aux Etats-Unis) : après la consécration épiscopale de Clarence James Kelly en 1993, il y a eu celle de Joseph Santay en 2007.
Les choses se compliquent lorsque l’évêque consacré, par souci de légitimité ou pour des raisons plus bassement clientélistes, cherche à se faire consacrer à nouveau par un autre évêque illégitime. Ainsi Hugues-Georges de Willmott-Newman a été consacré évêque onze fois ! Il a lui-même sacré d’autres évêques. MRJV signale quatre évêques consacrés par Willmott-Newman, en fait il y en a eu vingt entre 1944 à 1966.
Sur cet organigramme figure, parfois, le nom des prêtres ordonnés par ces episcopi vagantes. Si l’auteur avait voulu indiquer toutes les ordinations sacerdotales effectuées par ces episcopi vagantes, il lui aurait fallu mentionner des centaines de noms. Pourquoi avoir retenu certaines ordinations et pas d’autres ? Ainsi pourquoi mentionner « T. Cazal » (en fait, Thomas Cazalas) ordonné par l’évêque guérardien Mc Kenna et ne pas mentionner Michel Adriantsarafara ordonné par un autre évêque guérardien, Geert Stuyver ? Pourquoi mentionner encore l’ordination d’un prêtre – dont je ne citerai par le nom – ordonné de manière illicite par Mgr Ngo Dinh Thuc en 1981 mais qui, depuis, a fait régulariser sa situation canonique ?
La complexité du réseau des episcopi vagantes, la multiplicité des affiliations, le caractère souvent secret des consécrations et reconsécrations épiscopales, sans parler des prétentions infondées, rendent difficile l’information exacte et exhaustive.
Tel qu’il est, le travail de MRJV rendra néanmoins de grands services aux chercheurs et aux curieux. Il devrait aussi éclairer les fidèles catholiques qui s’interrogent sur la légitimité voire la validité de telle messe, de telle confirmation ou de telle ordination sacerdotale célébrées par tel ou tel « évêque ». 

[1] Les pages de l’abbé de Firmont ont été publiées par M.V. Woodgate, Le dernier confident de Louis XVI. L’abbé Edgeworth de Firmont, Téqui, 1992.
[2] Dernière édition intégrale dans Yves Chiron, Edmund Burke et la Révolution française, Téqui, 1987, p. 155-173.
[3] Mémoire publié en version originale et en traduction par Philippe Boutry, « ”Le Roi martyr”. La cause de Louis XVI devant la Cour de Rome (1820) », Revue d’Histoire de l’Eglise de France, n° 196, janvier-juin 1990, p. 57-71.
[4] Louis XVI, le roi-martyr, 1943 ; réédité en 1974 aux éditions Résiac.
[5] Lettre du cardinal Felici à Paul et Pierrette Girault de Coursac, le 5 juin 1992. Cf. Yves Chiron, Enquête sur les canonisations, Perrin, 1998, p. 239-241.
[6] Henry R.T. Brandreth, Episcopi vagantes and the Anglican Church, Londres, S.P.C.K., 1961 (1ère édition 1947).
[7] Il s’agit de Monsieur R. J. Veyron, qui se présente comme « chercheur indépendant ».
[8] À commander à MRJV 11 rue Ambroise Fredeau 31500 Toulouse.

samedi 28 novembre 2009

Livres d'Yves Chiron + livres autour de Charles Maurras

Yves Chiron a écrit quelques livres, disponibles en librairie. Ils peuvent aussi être commandés directement auprès de l'auteur, la liste en est disponible ici au format PDF. Les ouvrages qui ont fait l'objet de traductions sont signalés pour information, mais ces traductions ne sont pas disponibles auprès de l'auteur.

Il est proposé, par ailleurs, en premier lieu, des livres, neufs ou anciens, de Charles Maurras. Puis, des ouvrages sur Charles Maurras et sur l’Action française et des ouvrages d’auteurs de l’école d’Action française. Et, accessoirement, des ouvrages et revues sur divers sujets. Cette initiative n’est pas une entreprise commerciale. Tous les bénéfices contribuent au financement des Éditions BCM dans le cadre de l’Association Anthinéa. - En voici la liste au format PDF.

dimanche 1 novembre 2009

Xavier Soleil - Mes Partis pris (deuxième série) - Préface de Samuel Martin

Vient de paraître:
Xavier Soleil - Mes Partis pris (deuxième série) - Préface de Samuel Martin

Autant de bibliothèques que de lettrés : une fois inventoriés les titres de la culture courante ; une fois définie la part des lectures propres à une génération ; une fois, en quelque sorte, circonscrits les communs, chaque bibliothèque est unique par son corps principal, ses ailes, ses greniers, ses débarras et son jardin d’été… Entrer dans une bibliothèque autre, c’est, derrière les aspects séduisants ou déroutants, c’est, intimidé ou à l’aise, découvrir un monde organisé autrement, des perspectives nouvelles et des points de vue différents.

La bibliothèque de Xavier Soleil, telle qu’elle apparaît dans les pages qui suivent, montre avec force que la littérature est liée à la Cité, à ses dimensions religieuses, politiques et sociales. Par ce lien qu’on oublie parfois à l’usage, ou qu’on minimise pour privilégier la littérature comme évasion, des noms se trouvent rapprochés : Balzac, Béhaine, Le Play ; Rebell, Benjamin, Maurras.
Que des auteurs connaissent un temps de purgatoire, que d’autres ne restent appréciés que par un premier cercle, situation normale dans le cadre de l’histoire de la littérature. Mais les quelques noms cités ci-dessus, en majorité obscurs, le sont non par le jeu du temps mais parce qu’ils ne sont pas admis dans le domaine de l’histoire littéraire officielle : ils restent sous le boisseau par incompatibilité politique avec le système dominant. Ecrivains « interdits » - Drumont -, écrivains délaissés par lâcheté et facilité - Barrès -, parce qu’ils ont pris parti dans bien autre chose que des disputes de chapelles littéraires : dans la querelle politique des Anciens et des Modernes, lors de l’Affaire, lors de l’Epuration, etc., ils habitent l’enfer où la Démocratie laïque et obligatoire les maintient.

Parler d’un écrivain qu’on apprécie sans communiquer l’envie de le lire, serait un échec. On se convaincra de la réussite de Xavier Soleil à transmettre ses goûts et ses idées en lisant les études rassemblées ici, qui suggèreront à chacun d’augmenter sa bibliothèque de quelques noms et titres.

Samuel Martin

Bon de commande

Mes Partis pris ( deuxième série)
26 euros (+ 3 euros de contribution aux frais de port).

Du même auteur, chez le même éditeur

Mes Partis pris (2007)
23 euros (+ 3 euros de participation aux frais de port)

Histoire d’une Société de René Béhaine, pages choisies présentées par Xavier Soleil avec une lettre de Michel Déon de l’Académie française
28 euros (+ 3 euros de participation aux frais de port).
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Commande à adresser aux Editions Nivoit - 5 rue du Berry - 36250 Niherne, en précisant ses nom, prénom, et adresse de livraison. Chèque à l’ordre des Editions Nivoit.

jeudi 29 octobre 2009

[Aletheia n°147] Benoît XVI en dialogue avec les « trois cercles concentriques » - par Yves Chiron

Aletheia n°147 - 29 octobre 2009 
Benoît XVI en dialogue avec les « trois cercles concentriques » - par Yves Chiron 
Paul VI, dans sa première encyclique, Ecclesiam suam (6 août 1964), avait fait la théorie du « dialogue » que l’Église doit engager avec tous les hommes pour mener à bien sa mission : annoncer l’Évangile et conduire, ceux qui le veulent, au salut. « L’Église du Christ Jésus a été voulue par son Fondateur comme mère aimante de tous les hommes et dispensatrice du salut » disait le Pape aux premières lignes de son encyclique.
Paul VI décrivait ce dialogue, nécessaire et toujours inachevé, « comme autant de cercles concentriques autour du centre où la main de Dieu Nous a placé ».
Le premier cercle, le plus éloigné, « immense cercle » disait Paul VI, est celui de « l’humanité comme telle, le monde », marqué largement par l’athéisme ou par l’indifférence à l’égard de la religion (c’est-à-dire de la relation avec Dieu).
Le deuxième cercle, « autre cercle immense », mais « moins éloigné » du Siège de Pierre, est celui « des hommes qui adorent le Dieu unique et souverain ». Paul VI faisait référence explicitement aux religions juive, musulmane et aussi « aux fidèles des grandes religions afro-asiatiques ». Il faut rappeler que Paul VI récusait le relativisme et l’indifférentisme en matière de dialogue inter-religieux : « Nous ne pouvons évidemment partager ces différentes expressions religieuses comme si elles s’équivalaient toutes, chacune à sa manière, et comme si elles dispensaient leurs fidèles de chercher si Dieu lui-même n’a pas révélé la forme exempte d’erreur, parfaite et définitive, sous laquelle il veut être connu, aimé et servi ».
Le troisième cercle, « le plus voisin de Nous », est celui du dialogue « oecuménique » avec les « frères chrétiens, encore séparés de nous ». Paul VI y fondait de grands espoirs et avait la conviction que l’Église catholique était à un moment favorable pour « recomposer l’unique bercail du Christ ».
Paul VI n’oubliait pas le dialogue ad intra, même s’il n’en faisait pas un quatrième cercle : les contestataires catholiques. Le Pape ne nommait personne, mais il visait à la fois, – d’autres discours de cette période le montrent –, ceux qu’on appelait alors les « progressistes » et les « intégristes ». Mais, pour « ce dialogue de famille », disait-il, il attendait d’abord une « obéissance en forme de dialogue ». Cette obéissance devait s’exprimer par « l’observation des normes canoniques » et « la soumission respectueuse au gouvernement du supérieur légitime ».
Quelques mois après cette encyclique, la constitution conciliaire Lumen Gentium (promulguée le 21 novembre 1964), distinguait elle aussi, mais de manière différente, une hiérarchie de ceux à qui s’adresse l’Église : « en premier lieu » les fidèles catholiques ; puis les chrétiens non-catholiques et, enfin, tous « ceux qui n’ont pas encore reçu l’Évangile » : les Juifs, les Musulmans et les membres des autres religions « qui cherchent encore dans les ombres et sous des images un Dieu qu’ils ignorent » (LG, § 14-16).
Dans sa volonté de dialogue en vue d’établir ou de rétablir l’unité du peuple de Dieu, Benoît XVI est l’héritier à la fois de la théorie des cercles concentriques de Paul VI et de la distinction, en partie différente, établie par Lumen Gentium. Il l’a dit à plusieurs reprises. En 2006, par exemple, faisant le bilan de son voyage apostolique en Turquie, il évoque « trois ”cercles concentriques” » : « Dans le cercle plus intérieur, le successeur de Pierre confirme dans la foi les catholiques ; dans le cercle médian les autres chrétiens ; dans le cercle le plus extérieur il s’adresse aux non chrétiens et à toute l’humanité » (audience générale du 6 décembre 2006).
Benoît XVI ne cesse de « dialoguer » en vue de l’unité du peuple de Dieu. Le dialogue avec « le cercle le plus extérieur » a été marqué, notamment, par des discours et des initiatives en direction du monde musulman. L’année 2006 fut, à cet égard, emblématique : le discours de Ratisbonne (le 12 septembre 2006 mais il ne concernait qu’en partie l’Islam) et surtout la rencontre de Castelgandolfo (le 25 septembre suivant) et le voyage apostolique en Turquie (du 28 novembre au 1er décembre de la même année). Bien sûr, le dialogue avec l’Islam ne s’est pas arrêté en 2006. En témoigne, par exemple, le Forum catholique-musulman, organisé au Vatican les 4-6 novembre 2008, et marqué, le dernier jour, par un discours de Benoît XVI.
Le dialogue en vue de l’unité avec « le cercle médian », c’est-à-dire avec les chrétiens non-catholiques, prend, avec Benoît XVI, deux directions dominantes : avec les orthodoxes et avec les anglicans. On n’y insistera pas ici. La publication prochaine d’une constitution apostolique pour fixer le cadre canonique et les conditions d’un retour à l’unité catholique des anglicans sera un des événements ecclésiaux de 2009.
Cette publication va intervenir au moment où commence le dialogue doctrinal avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, c’est-à-dire, pour reprendre la distinction de Benoît XVI, le dialogue avec un des éléments du « cercle le plus intérieur ».
Quel objectif ?
Je ne répèterai pas ce qui a déjà été dit sur cette première rencontre doctrinale, qui a eu lieu le 26 octobre dernier. Je ne relève que trois points.
• Sept thèmes principaux de discussion ont été retenus :
– la notion de Tradition,
– l’autorité et les formulations du missel de Paul VI,
– l’interprétation du Concile Vatican II,
– l’unité de l’Église et l’oecuménisme,
– le dialogue avec les religions non-chrétiennes,
– la question de la liberté religieuse.
• Encore une fois, on voit que ce n’est pas le concile Vatican II tout entier que rejette la FSSPX. Mgr Fellay le disait clairement, il y a quelques mois, dans une lettre au cardinal Castrillón Hoyos, alors président de la commission Ecclesia Dei : « Nous ne refusons pas le concile en bloc. Ce qui est repris du Magistère constant de l’Église nous l’acceptons, mais nous refusons les nouveautés – et surtout un certain esprit – qui sont contraires au Magistère de l’Église » (lettre, inédite, du 15 décembre 2008).
• La durée de ces discussions doctrinales n’est pas fixée : « plusieurs années » estime Mgr de Galaretta, un des trois représentants de la FSSPX au sein de la Commission, « pas beaucoup plus d’une année » espère-t-on du côté romain.
Un point très important reste encore à déterminer, le plus important peut-être. Si un accord doctrinal est trouvé, quelle forme prendra-t-il ? Prendra-t-il simplement la forme d’une déclaration commune des deux parties, comme il en existe plusieurs avec la Commission internationale anglicane catholique (ARCIC), avec la Commission mixte catholique-romaine et évangélique luthérienne, et avec d’autres commissions ? Ou cela aboutira-t-il à un acte magistériel, solennel et contraignant pour la foi ?
C’est justement parce que le but final des discussions Saint-Siège-FSSPX n’est pas défini, qu’un théologien romain, éminent, qui avait été pressenti pour être un des représentants du Saint-Siège dans la Commission, a refusé. Je tiens cette information de l’intéressé (cf. Aletheia n° 140, 8.4.2009).

samedi 5 septembre 2009

[Aletheia n°146] Un livre de Gérard Leclerc sur les « lefebvristes » - par Yves Chiron

Aletheia n°146 - 5 septembre 2009

Un livre de Gérard Leclerc sur les « lefebvristes » - par Yves Chiron

Gérard Leclerc, éditorialiste à France catholique, collaborateur de l’hebdomadaire Famille chrétienne, un des fondateurs, en 1971, de la Nouvelle Action Française (dissidence de l’Action française), et collaborateur, depuis cette date, du bi-mensuel Royaliste, publie un « Dossier » consacré à Rome et les lefebvristes[1].

Son essai, rapide – moins de cent pages – veut « prendre la mesure des désaccords, des possibles rapprochements, sans sous-estimer la difficulté d’un plein accord ».

Selon Gérard Leclerc, l’explication principale de la crise « lefebvriste » (qualificatif qu’il préfère à celui de traditionaliste) tient à une sorte de déficience théologique de Mgr Lefebvre et de ses partisans (p. 72, p. 76, etc.). Selon lui, Mgr Lefebvre « n’admit jamais qu’on pût distinguer des aspects positifs dans la recherche exégétique et doctrinale contemporaine. Tout ce qui échappe aux catégories de la scolastique telle qu’il l’a apprise est entaché d’erreur. Il n’y a pas de demi-mesures concevables » (p. 30). En écrivant cela, Gérard Leclerc reprend, de manière irréfléchie, la vulgate anti-lefebvriste d’un prélat d’Écône intellectuellement obtus. Des dizaines de faits montrent le contraire.

Par exemple, l’exégèse du Nouveau Testament a été enseignée au séminaire d’Écône, à partir de 1972, et pendant trois ans, par le P. Ceslas Spicq, dominicain, un des plus grands exégètes du XXe siècle.

Dans le petit livre de Gérard Leclerc, les approximations et les affirmations inexactes ne manquent pas[2]:

. Paul VI aurait « voulu arrêter la logique de la rupture » avec Mgr Lefebvre en le recevant au Vatican (p. 15 et p. 60). Il est avéré que Paul VI n’a reçu Mgr Lefebvre que sur l’insistance de certains membres de son entourage et avec la volonté d’obtenir sa pleine soumission à son autorité, à Vatican II et à la réforme liturgique.

. Mgr Lefebvre se serait engagé « pour les quatre ans que durera le Concile, dans une opposition irrémissible à l’élaboration des différents documents qui formeront le corpus de Vatican II » (p. 36). Il aurait manifesté une « incompréhension radicale […] à l’égard du travail conciliaire. Toutes les données théologiques, patristiques et scripturaires semblent lui échapper » (p. 37). Là encore, Gérard Leclerc ajoute l’erreur à la généralisation. Mgr Lefebvre n’a pas rejeté tout le travail accompli au concile et rejeté tous ses documents. Il est bien connu, par exemple, qu’il estimait très réussi le décret du concile Vatican II sur le ministère et la vie des prêtres, Presbyterorum ordinis, décret qui est loin de s’en tenir aux catégories de la scolastique et qui s’appuie, justement, sur de nombreuses données « patristiques et scripturaires ».

. Et encore, comment Gérard Leclerc peut-il citer longuement l’assertion simpliste du P. Chenu : « La théologie de Billot était totalement ignorante et insoucieuse de l’historicité de l’économie chrétienne, sans familiarité avec les sources scripturaires, élaborée hors de l’expérience pastorale de l’Église, et plus encore du peuple chrétien » (p. 74). Gérard Leclerc se contente d’ajouter : « Cette appréciation extrêmement sévère devrait sans doute être modérée ».

Le jugement du célèbre théologien dominicain sur son aîné n’est pas à son honneur ; il jetait le discrédit, de façon plus qu’outrée, sur l’œuvre considérable du grand théologien jésuite Louis Billot (1846-1931). Tout au contraire de ce qu’affirmait le P. Chenu, le cardinal Billot a, longuement, et à plusieurs reprises, scruté « l’historicité de l’économie chrétienne ». En témoigne encore la publication récente de certaines de ses pages[3].

Si l’on réussit à passer outre ces excès et ces erreurs, on relèvera quelques points intéressants dans les analyses de Gérard Leclerc. Sur la question liturgique, par exemple : « Il est certain que depuis les années 70, la question liturgique a beaucoup évolué. Tout d’abord, nombre d’abus qui avaient accompagné les premiers temps de la réforme se sont atténués […] Nous ne sommes plus dans la situation de blocage du pontificat de Paul VI. Le rite tridentin a reçu un statut officiel […] Les tendances iconoclastes qui avaient abouti à l’éclatement de l’espace sacré sont à reconsidérer et il est permis de revenir sur l’ensemble des réformes imposées » (p. 70-72).


Rectification

Contrairement à ce que j’ai écrit dans le précédent numéro d’Aletheia (n° 145, 6 août 2009), Mgr Fellay a bien célébré, en août 2000, une messe selon le rite traditionnel dans la basilique Sainte-Marie Majeure. Monsieur l’abbé Grégoire Celier, actuel rédacteur en chef de la Lettre à nos frères prêtres, craint que mon erreur factuelle, imprimée dans le n° 145, porte « atteinte […] à la réputation de Monsieur l’abbé de La Rocque et de la Lettre à nos frères prêtres ». Il me prie de préciser : « en dehors et en plus du pèlerinage jubilaire, Mgr Fellay a bien célébré, le 15 août de cette même année [2000], une messe chantée en la basilique Sainte-Marie Majeure ».

Pour résumer cet épisode de l’histoire de la FSSPX et du pèlerinage du Jubilé, on peut donc dire qu’aucun prêtre de la FSSPX, ni son supérieur général, ni aucun des prêtres « amis » qui accompagnaient le pèlerinage jubilaire, n’ont obtenu l’autorisation de célébrer la messe dans les basiliques majeures. Mgr Fellay lui-même l’a regretté dans son homélie prononcée lors de la messe célébrée en plein air, sur le Colle Oppio : « comme vous le voyez, il ne nous a pas été permis de célébrer dans les basiliques ».

Comment et pourquoi ce qui n’a pas été possible, ce qui n’a « pas été permis », les 8, 9 et 10 août 2000, l’a été cinq jours plus tard, une fois les pèlerins partis ? C’est une question qui reste irrésolue pour le profane. Mgr Fellay doit posséder la réponse.

On remarquera que ni Fideliter, ni La Tradizione cattolica (la revue officielle du district italien de la FSSPX) n’ont évoqué cette messe du 15 août dans leur compte-rendu du pèlerinage jubilaire.

Un des prêtres qui a été un des prédicateurs de ce pèlerinage jubilaire me précise dans une lettre : « je ne suis pas au courant [de cette] messe du 15 août de Mgr Fellay à Sainte-Marie Majeure, mais ça ne devait pas être la messe officielle du pèlerinage… achevé. […] ça ne pouvait ni devait être comme supérieur de la Fraternité St Pie X, organisatrice principale du pèlerinage, et peut-être alors ”concédée” pour quelque motif de charité. »

Y.C.


NOTES

[1] Ouvrage publié aux éditions Salvator, 95 pages.

[2] Sans parler des dérapages d’une plume trop rapide. Par exemple, Gérard Leclerc écrit que, dans la fameuse déclaration du 21 novembre 1974, Mgr Lefebvre opposait « la Rome éternelle et la Rome temporelle, influencée par les idées du monde moderne » (p. 56). Mgr Lefebvre opposait, en fait, « la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité » à « la Rome de tendance moderniste et néo-protestante ».

[3] Louis Billot, Prophéties de l’Histoire, Éditions de L’Homme Nouveau, 2007, 127 pages.

jeudi 6 août 2009

[Aletheia n°145] Le statut canonique de la Fraternité Saint-Pie X, de ses évêques et de ses prêtres - par Yves Chiron

Aletheia n°145 - 6 août 2009

Le statut canonique de la Fraternité Saint-Pie X, de ses évêques et de ses prêtres - par Yves Chiron

La note de la Secrétairerie d’État, en date du 4 février 2009, qui a suivi la levée de l’excommunication des quatre évêques de la FSPX, précisait :

La levée de l’excommunication a libéré les quatre évêques d’une peine canonique gravissime, mais elle n’a pas changé la situation juridique de la Fraternité Saint-Pie X, qui, au moment présent, ne jouit d’aucune reconnaissance canonique dans l’Église catholique. Les quatre évêques, bien que libérés de l’excommunication, n’ont pas de fonction canonique dans l’Église et n’exercent pas de ministère licite en son sein.

Le 10 mars suivant, dans sa Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la levée de l’excommunication, Benoît XVI expliquait les raisons doctrinales de la situation canonique actuelle de la FSSPX :

La levée de l’excommunication était une mesure de la discipline ecclésiastique : les personnes étaient libérées du poids de conscience que constitue la punition ecclésiastique la plus grave. Il faut distinguer ce niveau disciplinaire du domaine doctrinal. Le fait que la Fraternité Saint-Pie X n’ait pas de position canonique dans l’Église, ne se base pas en fin de compte sur des raisons disciplinaires mais doctrinales. Tant que la Fraternité n’a pas une position canonique dans l’Église, ses ministres non plus n'exercent pas de ministères légitimes dans l'Église [...]. tant que les questions concernant la doctrine ne sont pas éclaircies, la Fraternité n’a aucun statut canonique dans l’Église, et ses ministres – même s’ils ont été libérés de la punition ecclésiastique – n'exercent de façon légitime aucun ministère dans l'Église.

La pleine communion de la FSSPX avec le Saint-Siège n’a pas encore été retrouvée. La levée de l’excommunication a été, de la part de Benoît XVI, un geste de miséricorde et le début d’un processus dont le but n’est pas encore atteint : « inviter encore une fois les quatre Évêques au retour » (Lettre du 12 mars 2009).

La FSPX reste, aujourd’hui encore, dans une situation canonique anormale, ou anomique si l’on veut. Cette position a été rappelée, à quelques jours des ordinations prévues à Écône, par un communiqué du Saint-Siège, le 17 juin dernier, qui concluait : Ces ordinations doivent donc être considérées également comme illégitimes.

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Un article de L’Année canonique

L’Année canonique est la principale revue française de droit canonique. Elle est publiée sous les auspices de la Société internationale de droit canonique et de législations religieuses comparées et de la Faculté de droit canonique de Paris. Son dernier numéro contient un article de Philippe Toxé, doyen honoraire de cette Faculté, consacré à « La levée des excommunications de quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X »[1]. Cet article de treize pages procède de manière méthodique : il analyse d’abord le décret de remise de peine du 21 janvier, puis il en montre la portée.

On ne reprendra pas toutes les analyses de l’auteur, qui s’en tient strictement au plan canonique. Il rappelle que le décret du 21 janvier 2009 « ne concerne que les fidèles pour qui il est porté, et que la peine mentionnée. Il ne faut donc pas lui faire produire des effets juridiques au-delà ou lui demander de résoudre d’autres questions ».

Les évêques de la FSSPX, s’ils sont relevés de l’excommunication, ne sont pas encore en communion complète avec le Saint-Siège : « ces quatre évêques n’ont pas de mission canonique, n’ayant ni office ecclésiastique de nature épiscopale, comme un office diocésain, ni titre in partibus. Ce n’est que dans la mesure où ils recevront un tel titre ou office qui manifestera leur mission canonique en communion avec le siège apostolique qu’ils seront membres du collège épiscopal de l’Église catholique. »

Sans même parler du statut canonique de la FSSPX en général, la situation canonique des prêtres de la FSSPX reste, elle aussi, non résolue. Le décret du 21 janvier n’a pas modifié leur statut personnel : « Salvo meliori iudicio, il semble raisonnable de penser que le plus grand nombre de ces clercs a encouru deux censures : l’excommunication latae sententiae dès lors qu’ils ont adhéré au schisme et la suspense a divinis ipso facto, dès lors qu’ils ont été ordonnés sans dimissoriales d’un ordinaire légitime ».

Cette suspense ne les empêche pas de recevoir les sacrements, « mais leur interdit d’exercer le pouvoir d’ordre et de juridiction ». Leur statut personnel reste à déterminer et leur situation canonique est encore en attente de régularisation.

Ce que ne dit pas l’article, ce sont les accommodements avec le droit canon qui ont été trouvés, avant le décret du 21 janvier, et encore plus depuis le décret du 21 janvier.

Tout le monde se souvient du pèlerinage que la FSSPX, ses quatre évêques en tête, a pu faire dans les basiliques majeures de Rome à l’occasion du Jubilé de l’an 2000. L’abbé de La Rocque écrivait ensuite dans la Lettre à nos frères prêtres (n° 7, sept. 2000) : « Le quinze août de l’an deux mille, en la fête de l’Assomption de la Très sainte Vierge Marie, notre Supérieur Général, Son Excellence Monseigneur Bernard Fellay, put célébrer une messe chantée en la Basilique Sainte-Marie-Majeure ».

L’information était fausse. Mgr Fellay n’avait pas obtenu de pouvoir célébrer la messe dans la basilique. C’est en plein air, sur le Colle Oppio, qu’il a dû la célébrer. En revanche, en cette année jubilaire, nombre de sanctuaires et d’églises se sont ouverts, en France et ailleurs, aux prêtres de la FSSPX. Depuis, au cas par cas, selon la générosité des curés, recteurs et évêques diocésains, des permissions ont été accordées et sont accordées, en nombre toujours plus grand, pour des messes de pèlerinage, ou des mariages ou d’autres cérémonies religieuses. Avec, parfois, des restrictions ou des vexations.

Outre les solutions institutionnelles et canoniques encore à trouver pour la FSSPX, ses évêques et ses prêtres, il reste encore, bien souvent, une conversion des cœurs, de part et d’autre, à opérer.

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NOTE

[1] Le numéro où paraît l’article est le 49, année 2007. Comme toutes les revues scientifiques ou universitaires, L’Année canonique paraît en retard. Ce tome XLIX (566 pages) a été imprimé en juin 2009 pour les éditions Letouzey et Ané (87 boulevard Raspail, 75006 Paris).

vendredi 31 juillet 2009

"Une opinion sur l’Action Française" (Berto) et "Pourquoi Pie XI a-t-il condamné l’Action française?" (Chiron/Poulat)

Vient de paraître :


Abbé V.-A. Berto

Une opinion sur l’Action Française

L’abbé Victor Berto (1900-1968), docteur en philosophie et docteur en théologie fut tour à tour vicaire de paroisse, professeur de séminaire, fondateur d’œuvres pour l’enfance (les Foyers Notre-Dame de Joie) et de la fraternité des Dominicaines du Saint-Esprit. Il fut aussi un des fondateurs de La Pensée catholique et le théologien de Mgr Lefebvre au concile Vatican II. En avril 1968, il publia, dans Itinéraires, un important article, « Une opinion sur l’Action française ». Cette analyse catholique, trop peu connue, même des historiens de l’Action française, méritait d’être rééditée.

Éditions BCM, 26 pages, 5 euros
ISBN 978-2-918361-00-8


Yves Chiron – Émile Poulat

Pourquoi Pie XI a-t-il condamné l’Action française ?

La condamnation de l’Action française, en 1926, a provoqué une crise majeure dans l’Église de France. Cette condamnation a été interprétée par Maurras et l’Action française comme une condamnation politique tandis que les libéraux et les démocrates-chrétiens y ont vu une légitimation de leur opposition au mouvement monarchiste. Yves Chiron, par une lecture critique, puis Émile Poulat, par une étude inédite et qui va aux principes, montrent ce qui était en cause : la sécularisation du politique.

Yves Chiron, directeur du Dictionnaire de biographie française, auteur d’une Vie de Maurras (1999) et de diverses études sur le fondateur de l’Action française. Il a publié aussi la biographie de plusieurs papes, notamment Pie XI (Perrin, 2004).

Émile Poulat, directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences sociales. Il a publié plus d’une trentaine d’ouvrages, notamment Intégrisme et catholicisme intégral (1969), Une Église ébranlée. 1939-1978 (1980), L’Église, c’est un monde (1986), France chrétienne, France laïque avec Danièle Masson (2008).

Éditions BCM, 70 pages, 11 euros
ISBN 978-2-918361-01-5


Pour commander « Une opinion sur l’Action française » (5 euros port compris) ou « Pourquoi Pie XII a-t-il condamné l’Action française ? » (11 euros port compris), adresser un chèque à « Association Anthinéa », 16 rue du Berry – 36250 NIHERNE – France, en précisant ses nom, prénom, adresse.

vendredi 10 juillet 2009

[Aletheia n°144] Évangéliser la mondialisation ? - par Yves Chiron

Aletheia n°144 - 10 juillet 2009
La première encyclique de Benoît XVI consacrée aux questions sociales, attendue depuis plus de deux ans, a été promulguée le 29 juin dernier et publiée peu de jours après. Intitulée Caritas in veritate, l’encyclique surprend d’abord par sa longueur. Elle compte beaucoup plus de pages que les encycliques sociales qui l’ont précédée.
Si l’on s’en tient aux encycliques considérées comme les plus importantes dans ce domaine, du moins celles auxquelles Benoît XVI fait référence, on peut établir la comparaison suivante :

  • Léon XIII, Rerum novarum (1891) : env. 84.000 signes (ou caractères).


  • Pie XI, Quadragesimo anno (1931) : env. 145.000 signes.


  • Paul VI, Populorum Progressio (1967) : env. 72.000 signes.


  • Jean-Paul II, Sollicitudo rei socialis (1987) : env. 145.000 signes.


  • Benoît XVI, Caritas in veritate (2009) : env. 210.000 signes.

Dans l’encyclique de Benoît XVI, les sujets traités sont plus nombreux que dans les précédentes encycliques sociales. Des sujets nouveaux ou peu abordés précédemment font l’objet de longs développements : la mondialisation ou la nécessité d’imposer des règles à la financiarisation de l’économie. Mais Caritas in veritate, par son ampleur, par son caractère plus doctrinal et plus théorique que pratique, par sa densité, n’est certainement pas une encyclique qui pourra être lue intégralement par l’homme de la rue ni même accessible facilement au fidèle de bonne volonté.
La charité dans la vérité
Composite – le plan même de l’encyclique se ressent des rédactions successives et des rédacteurs divers qui ont collaboré à sa préparation –, cette encyclique trouve sa touche la plus personnelle, la plus ratzingérienne, dans les premières pages. Benoît XVI montre les liens étroits qui doivent exister entre la charité et la vérité[1] : « Ce n’est que dans la vérité que la charité resplendit et qu’elle peut être vécue avec authenticité ».
La charité peut connaître des « dévoiements », des « pertes de sens ». « Sans vérité, la charité bascule dans le sentimentalisme. L’amour devient une coque vide susceptible d’être arbitrairement remplie. C’est le risque mortifère qu’affronte l’amour dans une culture sans vérité. Il est la proie des émotions et de l’opinion contingente des êtres humains : il devient un terme galvaudé et déformé, jusqu’à signifier son contraire. La vérité libère la charité des étroitesses de l’émotivité […] ».
Sans qu’aucune personnalité ne soit nommée ni aucune organisation citée, on relèvera cette critique qui vise un certain humanitarisme chrétien : « Un Christianisme de charité sans vérité peut facilement être confondu avec un réservoir de bons sentiments, utiles pour la coexistence sociale, mais n’ayant qu’une incidence marginale ».
L’autre principe essentiel de l’encyclique est le rappel que « l’adhésion aux valeurs du Christianisme est un élément non seulement utile, mais indispensable pour la construction d’une bonne société et d’un véritable développement humain intégral ». Plus loin, Benoît XVI plaidera pour le « droit de cité », au sens littéral, de la religion chrétienne. « L’exclusion de la religion du domaine public » empêche les véritables progrès de la société. Le Pape rappelle son discours de Sydney aux jeunes, en 2008 : « Quand Dieu est éclipsé, notre capacité de reconnaître l’ordre naturel, le but et le ”bien” commence à s’évanouir. »
L’économie doit être morale
Dans cette encyclique, comme l’a remarqué Denis Sureau, « Benoît XVI récuse le libéralisme sans pourtant jamais le nommer (pas plus qu’il ne nomme d’ailleurs le capitalisme, le socialisme et le communisme) »[2]. Le Pape conteste l’ « autonomie de l’économie ». Soustraire les questions économiques et financières à la sphère morale « conduit l’homme à abuser de l’instrument économique y compris de façon destructrice. À la longue, ces convictions ont conduit à des systèmes économiques, sociaux et politiques qui ont foulé aux pieds la liberté de la personne et des corps sociaux et qui, précisément pour cette raison, n’ont pas été en mesure d’assurer la justice qu’ils promettaient ». Hors, insiste Benoît XVI, « toute décision économique a une conséquence de caractère moral » ; l’activité économique « doit viser la recherche du bien commun ».
L’encyclique de Benoît XVI, qui se situe avec insistance dans la continuité de l’enseignement social de Paul VI (cité 78 fois), relie trois des enseignements importants de ce pape : Populorum progressio (1967), Humanae vitae (1968) et Evangelii nuntiandi (1975). Le progrès social, moral et économique des peuples va de pair avec la défense de la vie et l’évangélisation. Comme l’écrit le cardinal Barbarin en présentant l’encyclique : « C’est dans la recherche de la vérité que les hommes trouveront le moteur et le fil conducteur de leur action. Le progrès et le développement auxquels la société travaille, supposent une connaissance profonde de ”l’homme tout entier” et de la création. Il est clair qu’on doit agir avec cohérence et qu’on ne peut dissocier l’éthique sociale de celle de la vie, ou l’écologie humaine du respect de la création. »
L’unification de l’humanité est-elle possible ?
Une des convictions de cette encyclique est l’idée que « l’humanité » est « en voie d’unification ». L’idée n’est pas nouvelle, l’utopie d’un gouvernement mondial a été soutenue par de nombreux auteurs, hommes politiques et hommes d’influence. Loin de rejeter cette perspective, Benoît XVI pense que les Chrétiens et l’Eglise doivent « favoriser une orientation culturelle personnaliste et communautaire, ouverte à la transcendance, du processus d’intégration planétaire » (§ 42). Le Pape croit que l’interdépendance et l’interactivité, qui sont une des caractéristiques du monde d’aujourd’hui, peuvent devenir « une communion véritable » (§ 53). Il pense que des institutions temporelles peuvent la favoriser. Il émet un vœu : « il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale » (§ 67).
Le Pape, qui ne ménage pas ses critiques à l’encontre de la mondialisation telle qu’elle est aujourd’hui, n’en conteste pas le but. Sa vision optimiste et évolutionniste de l’avenir de l’humanité le conduit à un choix politique : le mondialisme

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[1] Le pape, dans la première partie de son encyclique, emploie le plus souvent le mot « charité » (carità) et parfois le mot « amour » (amore). La traduction officielle en français diffusée par le site officiel du Vatican n’a pas toujours respecté le texte original italien, employant souvent le mot « amour » pour traduire carità. Dans les citations faites ici, je me suis référé au texte italien.

[2] Chrétiens dans la Cité (17 rue Manessier, 94130 Nogent-sur-Marne), n° 226, juillet-août 2009.

mardi 23 juin 2009

[Aletheia n°143] Le regard de Jean Madiran sur les trente dernières années de la vie de l’Église - par Yves Chiron

Aletheia n°143 - 23 juin 2009

Quant à la messe, il y a plusieurs variétés de catholiques, et plusieurs variétés de prêtres, d’évêques et même de cardinaux :

• ceux qui n’acceptent que la messe traditionnelle. « Hors de la messe de saint Pie V, il n’y a point de salut ». La formule n’est pas littérale, mais sous une forme aussi brutale elle a eu cours et elle est encore professée ici et là. Dans la Fraternité Saint-Pie X, longtemps on a prêché (par exemple aux enfants des écoles qui partaient pour les vacances d’été) qu’il valait mieux ne pas aller à la messe le dimanche si on ne pouvait pas assister à une messe selon le rite traditionnel. Ce n’était pas un sermon d’occasion, mais un sermon répété d’année en année. Le dit-on aussi brutalement aujourd’hui ? Je n’en sais rien. En tout cas, depuis longtemps la FSSPX ne prêche plus selon la position exprimée par Mgr Lefebvre en 1970 : « Si on n’a pas le choix et si le prêtre qui célèbre la messe selon le Novus Ordo est un prêtre digne et fidèle, on ne doit pas s’abstenir d’aller à la messe »[1].

• en face, il y a ceux pour qui la messe traditionnelle est un vestige d’archéologie chrétienne. « Hors de la messe de Paul VI, il n’y a point de vie spirituelle » pourraient-ils dire. C’était la position du P. Congar, théologien tant estimé dans la deuxième moitié du XXe siècle : « J’ai aimé la messe latine que j’ai célébrée pendant près de quarante ans. Mais je ne voudrais pas y revenir. J’ai récemment assisté (et, comme prêtre, concélébré) à une messe dite de saint Pie V, célébrée pour l’enterrement d’un ami. Franchement, c’était pénible. L’assistance n’a pas dit un mot ; elle ne voyait rien et n’entendait presque rien de ce que le prêtre, dos au peuple, faisait à l’autel.[2] »

• il y a encore les adeptes d’une voie moyenne, ceux qui, sans refuser aux autres la messe traditionnelle, ont fait de l’assistance à la messe de Paul VI un critère de communion ecclésiale. Leur formule pourrait être : « Sans la messe de Paul VI, au moins une fois par an (pour la messe chrismale), point de communion pleine et entière ».

La position de Jean Madiran ne se ramène à aucune de celles-là – nomenclature non exhaustive. Aux premières pages de son Histoire de la messe interdite (fasc. 2), il écrit : « Une messe nouvelle (et facultative) ne paraît pas impossible en principe, si elle est explicitement et intégralement catholique, sans équivoque ni omission. Peut-être est-il vrai que le niveau mental de l’obscurantisme et de la barbarie modernes, fermés au spirituel et au transcendant, appelle une messe simplifiée (mais authentique) ; une messe-digest pour une Église yankee, fille plus ou moins émancipée de l’Église latine. On peut rêver à une application en ce sens de la constitution conciliaire sur la liturgie ; à ce qu’aurait pu faire Paul VI ; peut-être voulait-il le faire ; et il l’a raté. »

Dans le dernier livre de Jean Madiran, on trouvera une chronologie des faits, citations et déclarations relatifs à la « messe interdite » pour la période 1976-1989, chronologie entrecoupée de « récits » à forte saveur.

Dans les années 1970, sur le sujet de la messe, tout s’est passé comme si l’épiscopat français, à travers ses autorités, avait donné le ton aux déclarations romaines. Le communiqué du cardinal Marty, le 28 février 1977, suite à l’occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet – Il ne s’agit pas d’une querelle à propos du latin. Il ne s’agit pas d’abord de la messe selon le rite de Saint Pie V. il s’agit de la foi catholique elle-même –, est repris, presque mot pour mot, par le cardinal Poletti, vicaire de Rome, dans un communiqué en date du 5 juin suivant.

Ceux qui ne lisent pas Jean Madiran ou qui lui prêtent de mauvaises intentions, devront bien, un jour, reconnaître son honnêteté intellectuelle et son talent dans l’acribie. Ses pages sur Mgr Lefebvre – p. 41 à 105 – déplairont, en certains passages, aux « lefebvristes » et apprendront beaucoup aux autres. Jean Madiran rappelle que le combat pour la messe traditionnelle a d’abord été le fait des laïcs : « il a fallu attendre au moins deux ans pour qu’il [Mgr Lefebvre] prononce une parole semi-publique contre la messe nouvelle de Paul VI » (p. 53).

Des évêques actuels de la FSSPX, Madiran dit avec justice – au sens traditionnel du mot : « Ils n’ont pas la carrure de Mgr Lefebvre. Mais ils sont évêques. Ils ont de ce fait, dans l’Église, une présence qu’on ne peut méconnaître. Leurs propos, leur comportement, parfois ou souvent, peuvent être jugés plus ou moins regrettables. Mais leur présence maintient de façon militante un témoignage épiscopal contre la disparition du catéchisme romain et contre l’interdiction ou le mépris de la messe tridentine. Sans Mgr Lefebvre et sans ses successeurs il y aurait quand même des prêtres, des laïcs, des instituts militant pour la messe et le catéchisme traditionnels ; il y en a eu, il y en a en dehors de la FSSPX : sans évêques, ils seraient loin d’avoir le même poids » (p. 62).

Le même souci, spirituel, de justice lui fait écrire à propos de Jean-Paul II et la liturgie traditionnelle (p.107, p. 112) et à propos de la réunion d’Assise (p. 113) des pages qui ressemblent à une retractatio, du moins qui portent la marque du recul que donne le temps.

Sur la commission cardinalice secrète qui s’est réunie entre 1982-1995, « et même au-delà », pour examiner la question de la messe traditionnelle, Jean Madiran donne quelques précisions et attend des informations.

Pour donner encore une idée de la manière, unique, qu’a Jean Madiran de poser le status quaestionnis, on citera cet extrait des pages consacrées aux sacres de 1988 dans leur rapport avec la messe traditionnelle : « Les deux thèses n’ont pas cessé d’argumenter chacune de son côté : selon l’une, sans les sacres l’interdiction aurait été maintenue beaucoup plus longtemps ; la thèse inverse estime que l’acte dit schismatique de 1988 a au contraire retardé la reconnaissance officielle du fait que la messe traditionnelle n’était pas valablement interdite : Jean-Paul II estima qu’il valait mieux y surseoir dans cette période de troubles et de tensions ; il en transmit la charge à son successeur ».


NOTES

[1] Position relevée par Jean Madiran, Histoire de la messe interdite, fasc. 2, Éditions Via Romana, 2009, p. 76. Cf. aussi la recommandation aux séminaristes de Fribourg, en 1969, p. 75.

[2] Yves Congar, La Crise dans l’Église et Mgr Lefebvre, Cerf, 1977, p. 39.

mercredi 13 mai 2009

[Aletheia n°142] En 2010, un quart des séminaristes français seront de "Forme Extraordinaire" - par Paix liturgique

Aletheia n°142 - 13 mai 2009

En 2010, un quart des séminaristes français seront de "Forme Extraordinaire" - par Paix liturgique

Cet article est paru dans le n° 176, 4 mai 2009, de Paix liturgique (1, allée du Bois Gougenot – 78290 Croissy-sur-Seine ; ou paixliturgique.com). Les intertitres sont de la rédaction.

La chute vertigineuse du nombre des séminaristes est, en France, un des aspects les plus angoissants de la crise religieuse. À la fin du Concile, en 1966-1967, ils étaient 4 536. Aujourd’hui, en 2008-2009, ils sont environ 740, soit une chute de plus de 80 %.

Pour être plus précis, ils étaient :
. en 1966 : 4 536 ;
. en 1975 : 1 297 ;
. en 1977 : 1 151 ;
. en 1996 : 1 103 ;
. en 2000 : 976 ;
. en 2005 : 784 ;
. en 2006 : 764 ;
. en 2007 : 756.

Les rentrées, qui étaient de 900 en 1966, sont tombées à 200 dans les années de l’après-Concile et de la réforme liturgique, pour amorcer une petite remontée dans les années 80 (234 en 1990) et retomber régulièrement ensuite (133 en 2007). Le nombre des séminaristes parisiens qui était remonté à 100 dans les années 80, dépasse à peine 50 aujourd’hui, de même que le nombre des séminaristes du plus prestigieux des séminaires de France, celui d’Issy-les-Moulineaux – étant précisé que les séminaristes issus de la Communauté de l’Emmanuel résistent à l’érosion, à la manière d’une « valeur refuge », et constituent, par exemple, une part importante des séminaristes formés à Paris.

Pendant le même temps, est née une autre catégorie de séminaristes, destinés à devenir des prêtres célébrant la messe traditionnelle, essentiellement dans un premier temps, pour la Fraternité Saint-Pie-X. Les chiffres des années antérieures à 1980 ne sont pas connus. En revanche, de 1980 à 1988, en vertu d’un « effet Jean-Paul II », les rentrées dans les séminaires de la Fraternité Saint-Pie-X ont connu une baisse sensible, alors que les séminaires classiques, tels ceux d’Ars, Paris, Aix-en-Provence, étaient en croissance, sans pour autant enrayer une inexorable baisse globale.

Puis, à l’époque du motu proprio de 1988, alors que se créaient des séminaires tridentins officiels, les rentrées dans les séminaires classiques ont commencé à baisser (Ars : 20 en 2007-2008 ; Aix : 9), cependant que les rentrées enregistrées dans les séminaires de la Fraternité Saint-Pie-X restaient stables. Puis, le motu proprio de 2007, avant même sa parution, produisit un nouvel effet de croissance des vocations vers l’ensemble des séminaires de rite tridentin (160 en 2007-2008 ; environ le même chiffre en 2008-2009, non compris, il va de soi, les novices des instituts religieux), le séminaire diocésain de Toulon qui accueille des séminaristes pour la forme extraordinaire bénéficiant de ce mouvement.

Pendant ce temps, les autres séminaires sont tombés au plus bas étage jamais atteint (Paris : 63 en 2007-2008 ; Lyon : 19 ; Toulouse : 9 ; Agen, Pamiers, Belfort, etc. : 0). Tous les instituts Ecclesia Dei (reconnus par Rome), mais aussi la Fraternité Saint-Pie-X, prévoient une rentrée extrêmement importante l’année prochaine.

Un sur quatre

En 2008-2009, il y a, à quelques unités près, 740 séminaristes diocésains en France pour la forme ordinaire et 160 pour la forme extraordinaire (dont 40 environ pour la Fraternité Saint-Pie-X). Certaines corrections doivent être faites dans l’une et l’autre catégories : en ce qui concerne les séminaires diocésains, la première année, dite de propédeutique, n’est pas comptée, alors qu’elle est comprise dans les chiffres des séminaires pour la forme extraordinaire ; mais les séminaristes formés dans les séminaires diocésains de France ne sont pas toujours français (par exemple, les séminaristes asiatiques formés à Ars), et un nombre non négligeable des séminaristes du diocèse de Toulon – une quinzaine sur cinquante – sont destinés à la célébration de la forme extraordinaire. Par ailleurs, de nombreux séminaristes diocésains ne cachent pas leur sympathie pour la forme extraordinaire du rite romain et disent vouloir appliquer demain dans leurs futures paroisses le Motu Proprio de Benoît XVI.

S’il est difficile de quantifier ces séminaristes qui entretiennent des relations étroites avec les communautés Ecclesia Dei et qui apprennent à célébrer la messe traditionnelle, il n’en demeure pas moins que l’émergence de ce nouveau clergé va considérablement amplifier la tendance. En d’autres termes, quasiment un séminariste français sur quatre (et même un peu plus pour les raisons ci-dessus évoquées) est aujourd’hui destiné à la célébration de la forme extraordinaire.

25 contre 1

Un séminariste français sur quatre formé pour la forme extraordinaire… tandis que le nombre de lieux de culte où est célébrée la forme extraordinaire de la messe ne représente quant à lui-même pas 1 % des paroisses… Cette proportion déjà significative de un sur quatre n’est donc pas arrivée à son paroxysme et reste en pleine croissance. Dès lors que l’immense majorité des jeunes ne connaît pas cette forme liturgique faute d’y avoir accès dans leur paroisse, la comparaison reste relative. Plus la messe traditionnelle sera célébrée, plus les jeunes la connaîtront et par suite seront dans la possibilité de choisir. Il sera très intéressant de suivre cette évolution les prochaines années. Paix liturgique y reviendra.


Pour la canonisation du bienheureux Pie IX - par Yves Chiron

Giovanni Maria Mastai Ferretti (1792-1878) est devenu le pape Pie IX en 1846.

Sa cause de béatification a été introduite le 7 décembre 1954.

Le regretté Mgr Piolanti [1911-2001], qui fut un des ultimes représentants de la théologie romaine[1], fut aussi, à partir de 1971, postulateur de la cause de Pie IX. Outre le travail historique et théologique propre à la cause, qu’il a mené avec ténacité et intelligence, il a mis en œuvre différents moyens pour mieux faire connaître Pie IX : à partir de 1972, une revue, Pio IX, qui existe toujours ; une collection « Studi Piani » à la Libreria Editrice Vaticana et d’autres initiatives.

Le décret reconnaissant les vertus héroïques de Pie IX a été publié le 6 juillet 1985, la congrégation ordinaire sur le miracle nécessaire à la béatification s’est réunie le 10 juin 1986. Ce n’est qu’après avoir surmonté divers obstacles idéologiques que la béatification a pu intervenir le 3 septembre 2000, en même temps que celle de Jean XXIII[2].

Aujourd’hui, Mgr Gherardini, qui a succédé à Mgr Piolanti comme postulateur de la cause, espère que la canonisation interviendra dès qu’un miracle, dû à l’intercession du bienheureux Pie IX, sera reconnu.

À cette intention, je glisse, dans ce numéro d’Aletheia[3], une image du bienheureux Pie IX avec, au verso, une Prière pour implorer sa glorification et obtenir des grâces.

L’obligeance de Mgr Gherardini, et de Franco Zampini du Musée Pie IX de Senigallia, me permet d’offrir, gracieusement, aux lecteurs intéressés deux livres, en français, publiés quelques années après la mort de Pie IX :

Enseignements et conseils du Souverain Pontife Pie IX aux catholiques, tirés des Brefs, Allocutions et Discours de Sa Sainteté, 1880, 320 pages.

Grâces obtenues par l’intercession depuis l’époque de sa mort, suivi d’un appendice : Les derniers moments de Pie IX, La dépouille mortelle de Pie IX, La tombe de Pie IX, 1884, 136 pages.

Pour obtenir ces deux volumes, il suffit d’adresser une demande écrite à Aletheia (les livres sont offerts, une participation, libre, aux frais d’envoi est demandée).

Rappelons qu’existent en français deux biographies du Pape de l’Immaculée Conception et du Syllabus : Pie IX, pape moderne (éditions Clovis, 1995 ; traduit en anglais, espagnol et italien) et Pie IX. Le pape des tempêtes (éditions Jean Picollec, 1999).

La brochure Pie IX et la franc-maçonnerie (éditions BCM, 2000) est disponible à nos bureaux au prix de 5 euros.


NOTES

[1] Cf. Aletheia n° 22, 17 décembre 2001.

[2] Cf. Aletheia, n° 3, 5 septembre 2000.

[3] Les lecteurs de l’édition électronique d’Aletheia peuvent obtenir cette image par une demande écrite qui comporte leur adresse postale.