lundi 21 février 2005

[Aletheia n°71] La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et l'œcuménisme - et autres textes - par Yves Chiron

Aletheia n°71 - 21 février 2005

Il y a un an, la FSSPX rendait publique une étude critique consacrée à “ l’œcuménisme, initié officiellement par Vatican II et promu par Jean-Paul II ”[1]. Cette étude s’inscrivait dans une suite de publications où la FSSPX, de manière collective et officielle, entend exposer ses critiques des réformes et des enseignements de l’Eglise depuis le concile Vatican II. Cette série d’exposés doctrinaux a commencé en mars 2001 avec Le Problème de la réforme liturgique. La messe de Vatican II et de Paul VI. Ont suivi les symposiums et publications sur le concile Vatican II.

Par cette série d’études doctrinales, on peut estimer que la FSSPX entend montrer qu’elle n’est pas disposée à trouver seulement un accord pratique avec les autorités du Saint-Siège pour “ régulariser ” sa situation dans l’Eglise. Elle souhaite aussi obtenir du Saint-Siège des “ clarifications doctrinales ”.Avec Le problème de la réforme liturgique, la FSSPX réclamait la “ modification ” ou l’ “ abrogation ” de l’Ordo Missæ de 1969 (op. cit., p. 7) ; avec De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse, la FSSPX réclame que le Saint-Siège “ renonce clairement à cette utopie [l’œcuménisme] ” (p. 4).

Les fidèles qui ont lu, ou qui liront, la dernière étude doctrinale de la FSSPX, se doivent de lire la réponse, en plus de cent pages, que lui ont faite un Père bénédictin du Barroux et un prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre[2].

Le P. Basile Valuet met en cause la méthode d’argumentation de la FSSPX. Premièrement, “ la FSPX amalgame des réalités différentes, ce qui lui fait élaborer des pseudo-syllogismes, où le moyen terme change de sens d’une prémisse à l’autre, ce qui interdit de conclure ”. Deuxièmement, dans sa remise en cause doctrinale de l’œcuménisme du Saint-Siège, la FSSPX cite comme ayant la même valeur et la même autorité l’enseignement du Magistère (sans distinguer les “ divers niveaux d’engagement ”) et les conceptions d’auteurs privés (articles ou conférences de cardinaux).

Le P. Basile Valuet relève aussi des citations sorties de leur contexte et des contresens. Par exemple, sur l’ “ ignorance invincible ” et la bonne foi tels que les entendait Pie IX (op. cit., p. 30-31). L’abbé Lugmayr, lui, attire l’attention sur l’emploi de citations tronquées ou encore sur l’absence de toute référence à l’importante déclaration Dominus Iesus (6 août 2000) sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise.

Hormis ces critiques méthodologiques, la critique de fond faite par le P. Basile Valuet consiste à démontrer qu’en matière d’œcuménisme le magistère de Vatican II ne contredit pas le magistère antérieur, “ il en précise la pensée et l’expression ” (op. cit., p. 28). Pour ce faire, plutôt que de critiquer pas à pas le document de la FSSPX, le P. Basile Valuet relit les enseignements du Magistère, depuis Boniface VIII, sur le salut par l’appartenance à l’Eglise. Et, en parallèle, il cite et critique les analyses qu’en a fait la FSSPX dans son étude.

On ne résumera pas ici, plus avant, les démonstrations du P. Basile Valuet ni celles de l’abbé Lugmayr. Le lecteur de bonne foi devra lire et l’acte d’accusation de la FSSPX et l’acte de défense du P. Basile Valuet et de l’abbé Lugmayr.

Le P. Basile Valuet considère la FSSPX comme composée de “ dissidents ” (op. cit., p. 90), il souhaite l’ouverture d’un “ dialogue théologique oral ” avec elle. L’avantage d’un “ dialogue théologique oral ” peut résider dans l’immédiateté de la confrontation des arguments. Par son caractère non public, il peut permettre aussi d’éviter la surenchère, dans un sens ou dans l’autre.

Mais on doit convenir que si une telle controverse, orale ou écrite, existe, c’est que l’enseignement magistériel peut prêter à équivoque. Il n’est pas obvie. On l’a bien vu avec l’anaphore d’Addaï et Mari, déclarée valide par le Saint-Siège en 2001, bien qu’elle ne contienne pas les paroles de la consécration. La FSSPX y voit la “ reconnaissance ” d’un rite d’origine non catholique. Le P. Basile Valuet, lui, estime qu’une telle reconnaissance est un “ fait dogmatique qui, de soi, concerne toute l’Eglise, et où par conséquent on serait téméraire de penser que l’infaillibilité de l’Eglise n’est pas engagée. Tout doute sur la vérité ainsi déclarée par la décision du Pontife Romain risquerait donc de s’opposer aux exigences de la foi ” (op. cit., p. 89).

Nonobstant cette appréciation du P. Basile Valuet, on remarquera que cette acceptation de l’anaphore d’Addaï et de Mari par le Conseil Pontifical pour l’Unité des chrétiens a donné lieu à une controverse qui a dépassé les limites du petit monde traditionaliste. C’est au sein même du Vatican, qu’une revue de théologie prestigieuse, Divinitas, a consacré, récemment, tout un numéro spécial, près de 300 pages, au sujet[3]. Sous la direction de Mgr Gherardini, théologiens, exégètes et historiens ont confronté leurs points de vue contradictoires, en douze études.

Cette question de l’anaphore d’Addaï et de Mari renvoie au problème plus général de l’univocité de nombre des textes magistériels et des décisions disciplinaires depuis le concile Vatican II ; en matière d’œcuménisme comme en d’autres domaines. On se ralliera volontiers au jugement de l’abbé Bernard Lucien : “ La crise de l’Eglise tient sans doute à un manque d’intervention vigoureuse de l’autorité magistérielle, et parfois même, de la part de certains membres de l'Eglise enseignante, à des affirmations ou à des attitudes proprement scandaleuses, voire hétérodoxes… Mais elle tient aussi, très profondément, au mépris de la vérité doctrinale, à l’absence d’amour de la vérité, répandus de façon endémique dans le peuple de Dieu, à tous les échelons. (…) il abonde tout autant parmi les “traditionalistes“, toutes obédiences confondues, que chez ceux qui acceptent sans réserves Vatican II ou le Nouvel Ordo Missæ. Sans nous aveugler sur ce qui se passe alentour, n’oublions pas aussi de balayer devant note porte ”[4].

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Nouveautés romaines

. Inter Arma Caritas. L’Ufficio Informazioni Vaticano per i prigionieri di guerra istituito da Pio XII (1939-1947), Città del Vaticano, Archivio Segreto Vaticano, 2004, deux volumes, 1.472 pages.

Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Pie XII décida de créer un “ Bureau d’informations ” destiné à mettre en relations, principalement postales, les prisonniers de guerre ou les internés civils et leur famille. Ce Bureau fut placé sous la dépendance de la IIe section de la Secrétairerie d’Etat, dirigée par Mgr Montini (le futur Paul VI). Mgr Evreinoff fut chargé d’organiser et de diriger ce nouvel organisme pontifical. Au fil des mois et des années, des millions de demandes de renseignements vont parvenir au Vatican, en provenance du monde entier. Le Bureau d’informations comptera plus de 800 employés et fonctionnera jusqu’en 1947, c’est dire s’il s’est encore soucié du sort des prisonniers de guerre et des internés civils une fois la IIe Guerre mondiale terminée.

Le Bureau a mis à contribution tout son personnel diplomatique en Europe et ailleurs (nonces, délégués apostoliques) mais aussi, de manière générale, les évêques des pays ou des régions concernées, les autorités locales des ordres religieux, les aumôniers des camps, les grands organismes caritatifs (notamment la Croix-Rouge), et les gouvernements eux-mêmes. Ceux-ci, généralement, acceptèrent de répondre aux demandes de renseignements du Saint-Siège, mais, souvent aussi, le sollicitèrent pour ses ressortissants.

L’immense activité de ce Bureau d’informations était déjà connue par diverses publications, notamment la grande série des Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre Mondiale. Mais il manquait un inventaire systématique des fonds disponibles aux Archives Secrètes Vaticanes. C’est chose faite avec cette belle publication réalisée sous la direction de Mgr Sergio Pagano.

Un premier volume contient l’inventaire complet du fonds conservé : 2.349 références, soit 556 cartons d’archives, 108 registres et 1.685 grosses enveloppes. Un second volume contient un large choix de documents ; près de six cents, tous publiés intégralement : des lettres de prisonniers, des lettres d’officiels (ecclésiastiques ou civils) demandant ou donnant des renseignements sur des internés, des rapports émanant des représentants diplomatiques du Saint-Siège (47 au total, en provenance de tous les pays en guerre et concernant les différents époques de la guerre). Un index des noms, des personnes et des lieux, de près de trois cents pages, permet une recherche rapide.

Il s’agit là d’une documentation exceptionnelle dont on espère qu’elle sera plus vite connue et utilisée par les historiens que ne l’ont été les douze volumes des Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale, publiés à partir de 1965 et aujourd’hui pourtant encore ignorés de certains d’historiens qui écrivent sur la période.

. Harold H. Tittmann, Il Vaticano di Pio XII. Uno sguardo dall’interno, Milan, Casa Editrice Corbaccio, 2005, 231 pages.

Tittmann, diplomate américain, fut chargé d’affaires auprès du Saint-Siège pendant la Seconde Guerre mondiale, comme assistant de Myron Taylor, représentant personnel du président Roosevelt auprès de Pie XII. L’action et les jugements de Taylor sont connus, à travers sa correspondance, depuis l’étude d’Ennio Di Nolfo, publiée en 1978. Voici maintenant, préparée le fils d’Harold Tittmann, l’édition des souvenirs du chargé d’affaires américain. Un témoignage important, équilibré, sur le rôle et l’action de Pie XII entre 1939 et 1944.

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Anonymat et bonnes intentions ?

Le n° 69 d’Aletheia était une mise en perspective historique de la crise qui secoue la FSSPX. Y était soulevée aussi l’hypothèse d’une réforme des statuts de la FFSPX qui pourrait avoir lieu lors de son Chapitre général qui se tiendra en 2006. Ce dernier point était formulé comme une hypothèse, historique aussi, et non comme un souhait ; encore moins comme la propagation d’une rumeur. C’est bien ainsi que l’avaient compris les autorités de la FSSPX en France qui ont reproduit ce numéro sur leur site internet officiel, la Porte Latine.

Pourtant, après ce n° 69, et après le n° 70, qui était consacré au congrès sur la laïcité et à la situation de l’abbé de Tanoüarn, un prêtre de la Fraternité Saint-Pie X a cru nécessaire de me joindre au téléphone pour se livrer, “ off the record ” (selon son expression), à des commentaires sur la crise de la FSSPX. Mon interlocuteur, qui exerce certaines responsabilités au sein de la FSSPX, me suggérait de reproduire ses analyses dans cette modeste lettre, sans citer son nom.

Ses commentaires étaient contradictoires, mal informés sur plusieurs points, et mon interlocuteur portait des jugements par trop dévalorisants sur les autorités de la FSSPX et sur les deux partis en présence. Aussi je m’abstiens de reproduire ces propos, comme je m’abstiendrai à l’avenir d’évoquer à nouveau cette crise de la FSSPX.

L’anonymat est rarement une nécessité impérative, il est souvent un manque de courage intellectuel et un moyen commode d’échapper à la critique voire au procès. Le site www.les.infos.free.fr, le site le plus riche et le plus complet sur la crise en cours (reproduisant des documents de l’un et l’autre bord), en fait les frais. Il a publié, par souci d’information, un texte, anonyme, mettant en cause Bernard Callebat, un des experts en droit canonique consultés par la FSSPX lors de la crise bordelaise. La menace de poursuite judiciaire, pour diffamation, a conduit le responsable de les. infos.free.fr à suspendre son site.

Depuis plusieurs mois, pour certains, la vie des catholiques de Tradition semble se réduire aux commentaires sur la crise interne à la FSSPX. C’est injuste à l’égard de cette Fraternité Saint-Pie X qui, en France, veut, tout à la fois, recentrer ses prêtres sur leur vie communautaire et spirituelle, continuer sa critique doctrinale du Magistère depuis Vatican II et inciter les laïcs à s’engager dans les combats temporels.

Hors de la FSSPX, l’action et la réflexion se poursuivent aussi. En témoigne, par exemple, la publication d’une nouvelle revue, Oremus, dirigée par Bruno Nougayrède, de la Nef, et Loïc Mérian, fondateur du C.I.E.L. (Oremus, 24 avenue Victor Dalbiez, 66000 Perpignan, 4 euros le numéro). Le numéro 2 contient, notamment, un bilan, pour 2004, du motu proprio Ecclesia Dei. Ce bilan tient compte, pur la première fois, aussi bien des communautés Ecclesia Dei que de la FSSPX. Ce qui donne les résultats suivants : 62 % des diocèses français ont une messe traditionnelle au moins hebdomadaire ; ce chiffre monte à 84 % si l’on tient compte des messes célébrées “ sans accord ecclésial ” (i.e. par la FSSPX ou les communautés religieuses liées à elle).

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Avis

. Je remercie ceux qui, en France et à l’étranger, communautés religieuses, prêtres, simples fidèles et bibliothèques contribuent, par un soutien financier, à l’impression et à l’envoi de cette modeste feuille, quinze fois l’année. La générosité régulière de certains ne peut faire oublier l’indifférence des autres. Qui plus est, chaque semaine désormais, de nouveaux lecteurs demandent à recevoir cette lettre d’informations. La liste des envois semble pouvoir s’allonger indéfiniment (et donc, les coûts de fabrication et d’envoi croître sans cesse). Aussi, sans rompre avec le principe de la gratuité qui est une des conditions de notre liberté, à partir du prochain numéro – n° 72 –, Aletheia ne sera plus envoyée, sauf demande expresse contraire, aux revues et publications qui, jusque-là, la recevaient en Service de Presse. Il sera loisible à ces revues et publications de continuer à consulter, gratuitement, Aletheia sur le site www.aletheia.free.fr.

. Les deux derniers ouvrages de Jean Madiran sont toujours disponibles à nos bureaux :

  • Maurras toujours là (Consep, 2004, 104 pages, 15 euros franco) ;

  • La Trahison des commissaires (Consep, 2004, 67 pages, 10 euros franco).

Association Nivoit, 5 rue du Berry, 36250 Niherne (France)

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NOTES

[1] Fraternité sacerdotale Saint-Pie x, De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse. 25 ans de pontificat, hors-série n° 3 de la Lettre à nos frères prêtres (2245 avenue des Platanes, 31380 Gragnague) février 2004, 45 pages, 5 euros.

[2] Articles du P. Basile Valuet, o.s.b. , “ La Fraternité Saint Pie X et l’œcuménisme ” p. 19-90 et de l’abbé Martin Lugmayr, “ Remarques concernant De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse ” p. 91-124 in Tu es Petrus (Maison Notre-Dame du Rosaire, 10 impasse de la Chapelle, 89150 Brannay), n° 96-97, 12 euros.

[3] Divinitas (Palazzo dei Canonici, 00120 Vaticano), numéro spécial 2004, “ Sull’Anafora dei Santi Apostoli Addai e Mari ”.

[4] Abbé Bernard Lucien, in Sedes Sapientiæ (53350 Chémeré-le-Roi), n° 90, hiver 2004, p. 124-125 (souligné dans le texte).

dimanche 13 février 2005

[Aletheia n°70] Le Congrès sur la laïcité et l’abbé de Tanoüarn - par Yves Chiron

Aletheia n°70 - 13 février 2005


À l’initiative des Cercles de Tradition, c’est-à-dire principalement de l’abbé de Tanoüarn, s’est tenu à Paris, au Palais de la Mutualité, le dimanche 6 février, un Congrès : “ Laïcité et Chrétienté. La Guerre des deux France. 1905-2005 ”. Ce Congrès a rencontré, paraît-il[1], un grand succès : “ un millier ” de participants selon Libération (7 février 2005) ; “ près de 1.600 personnes ” selon celui qui signe Joël Prieur dans Minute (9 février 2005), “ près de 2.000 personnes au fil de la journée ” selon l’abbé Aulagnier, toujours prompt à l’enthousiasme (Item, 8 février2005).

Il est à noter que ce succès est intervenu malgré les mises en garde des autorités de la Fraternité-Saint-Pie X et de quinze associations proches d’elle qui considéraient que cette initiative allait entretenir le “ climat de fronde ” qui secoue la Fraternité depuis plusieurs mois maintenant ; les abbés Laguérie et Héry, exclus de la FSSPX, ayant annoncé leur présence au congrès.

L’abbé Aulagnier, autre exclu de la FSSPX antérieurement, était présent lui aussi. Il note que ses deux confrères Laguérie et Héry “ ne furent pas ovationnés ni acclamés. Cette journée ne fut nullement un “meeting Laguérie“… ”.

On ajoutera que certains, qui lisent toute l’histoire humaine comme une suite de complots, avaient annoncé rien moins qu’une “ prise et occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ” par les abbés Laguérie, Héry et de Tanoüarn. Les adeptes des théories conspirationnistes avaient imaginé et diffusé plusieurs scénarios possibles. Non seulement, bien sûr, aucun de ces plans ne s’est réalisé, mais l’hypothèse n’en avait même jamais été envisagée par les organisateurs du congrès.

Ce Congrès ne fut pas la première initiative des catholiques. Jean Madiran a justement rappelé qu’avant ce congrès du 6 février, “ les réactions catholiques à la nouvelle laïcité ont été nombreuses, dynamiques, fortement argumentés ” (Présent, 12 février 2005). Il y a eu le colloque organisé par le Centre Charlier en janvier 2004 (dont les actes sont parus, en partie, dans le mensuel Reconquête), puis le pertinent livre de Rémi Fontaine, préfacé par Dom Gérard (La Laïcité dans tous ses débats, Editions de Paris, avril 2004), et aussi la XIIIe Université d’été de Renaissance catholique organisée en juillet 2004 et consacrée au “ piège de la laïcité ” (plusieurs conférenciers de juillet ont pris aussi la parole au congrès du 6 février). On ajoutera à ces initiatives, plusieurs articles de Jean Madiran parus dans Présent depuis 2002. Par ailleurs, semble-t-il, Jean Madiran prépare un ouvrage sur la laïcité.

Il est donc exagéré de dire que jusqu’au Congrès du 6 février “ les catholiques étaient restés étrangement discrets sur le sujet ” (l’expression est de celui qui signe Joël Prieur dans Minute).

Une expulsion officielle mais non publique

Une des conséquences les plus surprenantes, pour l’observateur extérieur, de ce Congrès du 6 février est la sanction qui est en train de frapper son principal organisateur et animateur, l’abbé Guillaume de Tanoüarn. Les autorités de la FSSPX lui ont signifié, en décembre dernier, une mise à l’épreuve de trois mois. Au lendemain du Congrès du 6 février, il lui a été signifié oralement que cette mise à l’épreuve n’avait pas été jugée concluante et ne serait donc pas renouvelée. Si l’on comprend bien, l’organisation d’un Congrès sur la laïcité faite sans l’assentiment des autorités de la FSSPX, va constituer un des motifs de l’expulsion de l’abbé de Tanoüarn de la FSSPX. On se gardera bien de juger, ici, des autres motifs disciplinaires qui pourront être avancés.

Ce n’est certainement pas aux laïcs de prendre parti dans les affaires internes d’une société religieuse. En revanche, dans la mesure où il s’agit aussi d’un homme public, il est permis aux laïcs de dire leur estime. Or, l’abbé de Tanoüarn a été, sans conteste, un des prêtres les plus intellectuellement actifs de la FSSPX. Les publications qu’il dirige (Certitudes et Pacte), ses livres (La Tradition sans peur, livre d’entretiens avec l’abbé Aulagnier, paru en 2001 et Vatican II et l’Evangile, publié en 2003), les colloques et symposiums qu’il a organisés ou co-organisés, montrent une ardeur et une agilité d’esprit qui ne sont pas si répandues que cela dans la FSSPX.

La FSSPX pourra-t-elle continuer à prospérer sans l’acribie intellectuelle de l’abbé de Tanoüarn, comme elle a continué à prospérer sans l’enthousiasme et l’esprit d’initiative de l’abbé Aulagnier ? Oui, bien sûr. Elle continuera à prospérer dans ce qui a fait sa mission première : une fonction de suppléance. Dans le domaine liturgique et sacerdotal – la formation de saints prêtres –, dans le domaine liturgique – le maintien de la messe traditionnelle –, puis dans le domaine éducatif – 21 écoles privées hors-contrat dans toute la France, de la maternelle à l’enseignement universitaire.

Mais l’expulsion, prévisible, de l’abbé de Tanoüarn accentuera l’impression que les autorités de la FSSPX coupent “ les têtes qui dépassent ” (selon l’expression employée par Jean Madiran dans Présent, 10 septembre 2004). Que ces autorités ne savent pas admettre “ la cohabitation amicale d’autonomies respectueuses de leurs propres limites ” (id.).

Pourtant, encore une fois, ce qui me semble en jeu dans la crise qui traverse la Fraternité Saint-Pie X, ce n’est pas d’abord une question de personnes mais des questions de discipline et d’identité sacerdotales : quelle doit être la forme de vie des prêtres de la FSSPX, quelles formes doit prendre prioritairement leur apostolat ?

Le recentrage sur la vie communautaire et spirituelle voulue, semble-t-il, par le Supérieur du district de France de la FSSPX, a conduit à des sanctions contre quelques-uns des prêtres les plus brillants et les plus actifs. Il a jugé et il juge que la FSSPX peut se passer, se priver d’eux. Est-ce une maladresse insigne, un risque inconsidéré ou, au contraire, un acte de courage inspiré par des motifs uniquement spirituels et en vue de favoriser la sanctification de tous (prêtres et fidèles) ?

Ce n’est point au fidèle de l’extérieur à juger des actes et des intentions des uns et des autres. Mais, il est sûr que, où qu’il se trouve demain, on ne pourra qu’être attentif aux initiatives et aux écrits de l’abbé de Tanoüarn, une des plus belles intelligences qu’aura eue (qu’a encore ?) la FSSPX. Comme son cher Cajétan – le grand théologien thomiste du XVIe siècle – , il est un homme de transition.

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NOTE

[1] Invité, comme d’autres auteurs, à venir y signer mes livres, je n’ai pas eu à décider d’y aller ou pas, étant, ce jour-là, à Rome.