vendredi 31 décembre 2004
[Aletheia n°68] Bons points et coups de règle
dimanche 12 décembre 2004
[Aletheia n°67] Mgr Rey : "On ne peut être catholique et franc-maçon"
lundi 29 novembre 2004
[Aletheia n°66] Jean Madiran interpelle les évêques de France
dimanche 21 novembre 2004
[Aletheia n°65] Mises au point sur Fatima - Vient de paraître...
lundi 25 octobre 2004
[Aletheia n°64] Une lettre inédite d’Etienne Gilson sur Teilhard de Chardin et sur la crise de l’Eglise - et autres textes
Aletheia n°64 - 25 octobre 2004
Une lettre inédite d’Etienne Gilson sur Teilhard de Chardin et sur la crise de l’Eglise
En 1967, Etienne Gilson publiait, aux éditions Vrin, Les Tribulations de Sophie, un ouvrage de 167 pages qui rassemblait diverses études consacrées, entre autres, à l’ “ Actualité de saint Thomas d’Aquin ”, au “ cas Teilhard de Chardin ” et aussi des “ Divagations au milieu des ruines ”, les ruines dont il est question étant “ les ruines que l’après-concile accumule autour de nous ” (p. 162).
Cette même année 1967, Etienne Gilson acceptait que la revue Itinéraires de Jean Madiran publie une nouvelle édition de Christianisme et philosophie, ouvrage paru pour la première fois en 1936[1].Pour cette réédition dans cinq numéros de la revue de Jean Madiran, Etienne Gilson avait rédigé un nouvel “ Avant-propos ” où il expliquait pourquoi lui, chrétien réputé de gauche, il acceptait de paraître dans une revue apparemment éloignée de ses vues temporelles. Etienne Gilson voulait qu’on interprète la publication d’un de ses ouvrages dans la revue de Jean Madiran comme “ une volonté d’union sur l’unique nécessaire en un temps où plusieurs de ceux qui en ont la garde semblent le perdre de vue et paraissent même vouloir nous en détourner. ” Il écrivait aussi : “ On ne peut rien faire d’utile pour l’Eglise à moins de s’établir d’abord dans un climat de foi commune, de grâce et d’amitié. ”
Etienne Gilson a eu un sens aigu de la crise de l’Eglise. Dans la préface aux Tribulations de Sophie, datée du 30 avril 1967, il estimait : “ Le désordre envahit aujourd’hui la chrétienté ; il ne cessera que lorsque la dogmatique aura retrouvé son primat naturel sur la pratique. ”
Deux ans après la parution des Tribulations de Sophie, un prêtre, religieux marianiste, le P. Boulet écrivait à Etienne Gilson pour s’étonner de sa “ modération ” et de son “ indulgence ” à l’égard de Teilhard de Chardin[2]. Le philosophe lui répondit par une lettre, intéressante, que nous publions pour la première fois, avec l’autorisation bienveillante de son destinataire[3].
Etienne Gilson exprime, sans fard, son sentiment sur l’œuvre de Teilhard de Chardin et sur la crise que traverse l’Eglise.
89 – Vermenton
12 mai 1969Monsieur l’abbé
Votre lettre m’a beaucoup amusé, car je reçois d’ordinaire des protestations indignées contre les mauvais traitements que j’ai fait subir au pauvre P. Teilhard, alors que vous me reprochez le contraire.
Mon excuse pour tant de modération est que je sens pour son œuvre une détestation si profonde, une révulsion si exaspérée que je dois me pencher en sens contraire pour ne pas laisser la violence prendre le dessus.
Une autre raison est que ces détestations totales sont généralement le signe d’une présence réelle, de quelque chose qui est là et demande qu’on lui fasse droit. J’ai remarqué cela dans les arts : Stravinsky et Picasso n’auraient pas provoqué, jadis et naguère, des réactions si violentes si l’un et l’autre n’avaient été quelqu’un. Mon horreur morbide pour Hegel me fait craindre de manquer un bien que je n’ai pas la perspicacité de découvrir. Et justement, Teilhard… que j’abomine, me revenait hier à la mémoire en relisant Darwin, The Descent of Man. Il m’est soudain venu à l’esprit : au moins, Teilhard aurait écrit “The Ascent of Man “. Que l’évolution, si elle est plus que simple changement, soit une montée plutôt qu’une descente, que le singe soit monté vers l’homme plutôt que l’homme ne soit descendu du singe, lui du moins l’aura vu. Il faut lui en savoir gré.
Et puis, j’ai eu des violences, je les ai toutes regrettées tôt ou tard.
Ou simplement, je deviens vieux. Plus exactement, je le suis devenu ; il est très vrai, comme vous le dites, que les esprits qui trouvent dans Teilhard de quoi justifier leur sentiment d’être chrétiens se font illusion. Mais j’en connais personnellement au moins deux. Ce sont des “ scientifiques ” ; hors de leurs spécialités, ils raisonnent comme des enfants, mais j’en suis venu à me demander si ces enfants-là aussi ne sont pas de ceux que Jésus veut qu’on laisse venir à lui ? Je ne sais pas. Aussi suis-je d’autant moins exigeant pour les autres que je le suis plus pour moi-même. On ne peut attendre que l’Eglise ne se compose que de saints Thomas d’Aquin… La contestation actuelle qu’évoque la fin de votre lettre ne me semble pas due à Teilhard, même en partie, car lui fait partie des symptômes de ce cancer généralisé. Des fous demandent aujourd’hui la réhabilitation de Luther, et je ne serais pas autrement surpris qu’on introduisît la cause de sa béatification en Cour de Rome. Alors le pauvre Teilhard, avec son optimisme larmoyant, fera figure d’un petit François d’Assise en comparaison avec l’apôtre du Pecca fortiter. Je crains que nous ne voyions pire à brève échéance.
Mais je vous remercie de votre aimable lettre ; nous ne sommes pas seuls à souffrir de ce qui se passe et je reconnais que des réactions plus violentes que les miennes sont sans doute bienfaisantes, nécessaires même. Il y en a d’ailleurs. Il y en a même de parfaitement objectives et équilibrées, je plaide donc coupable. Teilhard a désormais d’éminents avocats dans la Commission romaine e théologiens : nous n’en sommes pas, nous autres laïcs, à exiger la rigueur théologique, en un temps où notre hiérarchie s’amuse à fronder le pauvre pape Paul VI, qu’ils ont littéralement crucifié.
Et prions Dieu que tous nous veuille absoudre ![4]
Avec mes remerciements, veuillez agréer l’assurance de mes sentiments respectueusement dévoués.
Etienne Gilson
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La controverse sur l’anaphore de Addaï et Mari
L’anaphore de Addai et Mari, en usage chez les Nestoriens, est une anaphore qui a la particularité de ne pas comporter de récit de l’Institution. Une “ Note ” du Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, publiée le 20 juillet 2001, a autorisé comme “ valide ” l’utilisation d’une telle anaphore dans la liturgie catholique. Cette décision a suscité une controverse publique, en même temps qu’elle rencontrait de vives critiques dans certains milieux romains.
Divinitas, revue internationale de recherche et de critique théologique publiée au Vatican sous la direction de Mgr Gherardini, publie un numéro spécial de 296 pages entièrement consacré à ce sujet[5]. Le fait même est significatif du non-monolithisme qui règne désormais au Vatican.
La perspective des études publiées est scientifique et doctrinale mais les douze articles historiques, théologiques ou liturgiques laissent s’exprimer des avis très divergents sur la question.
Après une traduction intégrale en italien de l’anaphore et la publication de la note du Conseil pour l’Unité des Chrétiens, on trouve les articles suivants :
A. Gurati, A proposito degli “Orientamenti“.
Yves Chiron, La réception de l’Anaphore de Addaï et Mari en France.
Enrico Maza, Che cos’è l’anafora eucaristica ?
Bonifacio Honings, Addai e Mari : l’anaphora della Chiesa d’Oriente.
Robert F. Taft, Messa senza consacrazione ? Lo storico accordo sull’Eucaristia tra la Chiesa cattolica e la Chiesa assira d’Oriente promulgato il 26 ottobre 2001.
Cesare Giraudo, L’anaphora degli apostoli Addai e Mari : la “ gemma orientale ” della Lex orandi.
Enrico Mazza, Le récent accord entre l’Eglise Chaldéenne et l’Eglise Assyrienne d’Orient sur l’Eucharistie.
Brunero Gherardini, Le parole della Consecrazione eucaristica.
David Berger, “Forma huis sacramenti sunt verba Salvatoris ” – DieForm des Sakramentes der
Eucharistie.
Thomas Marschler, Neues und Altes zur Eucharistischen Sakramentenform.
U.M. Lang, Eucharist without Institution Narrative ? The Anaphora of Addai and Mari revisited.
Renzo Lavatori, Il contesto mariologico nella liturgia della Chiesa siro-orientale.
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Vient de paraître
. Michel de Penfentenyo, Turquie : Un national-islamisme au cœur de l’Europe ?, Éditions de L’Homme Nouveau (10 rue de Rosenwald, 75015 Paris), 2004, 32 pages, 6 euros franco.
Michel de Penfentenyo, qui a été secrétaire général de la Cité catholique, puis vice-président et directeur de l’Office, publie une brochure pour accomplir, dit-il, un “ double devoir : devoir de mémoire et devoir de lucidité ”. À l’heure où l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne est l’objet d’un large débat public dans différents pays —rappelons, pour mémoire, la position prudente et inquiète de l’épiscopat allemand et celle, négative, du cardinal Ratzinger — , Michel de Penfentenyo apporte, principalement par une évocation très détaillée du génocide arménien de 1915, des réponses aux questions suivantes : “ D’où vient la nation turque ? Quels ont été ses comportements habituels, ses traditions, son atavisme, ses caractères propres en tant que nation ? Quelle est la nature de l’islam turc ? ”.
. Paul Sernine répond à ses lecteurs, Editions du Zébu (J.B. Chaumeil, 16 rue Brézin, 75014 Paris), 2004, 32 pages, 6 euros franco.
Le livre de Paul Sernine (abbé Grégoire Celier), La Paille et le sycomore, publié il y a un an, a suscité une vive controverse. Il établissait une critique des thèses d’Etienne Couvert sur la “ gnose ”, thèse diffusée depuis vingt ans maintenant par différents livres : De la gnose à l’œcuménisme (1983), La gnose contre la foi (1989), La gnose universelle (1993), La vérité sur
les manuscrits de la mer Morte (1995), La gnose en question (2002)[6].
Les ouvrages d’Etienne Couvert — et ses thèses nouvelles, sur les origines du bouddhisme, par exemple – n’ont pas retenu l’attention des revues scientifiques ; pareillement, la controverse lancée par Paul Sernine s’est principalement limitée au milieu traditionaliste.
Dans la brochure publiée aujourd’hui, qui se présente comme un entretien avec Philippe Vilgier, Paul Sernine répond aux arguments qui lui ont été opposés par les partisans des thèses d’Etienne Couvert.
Les réponses de Paul Sernine sont d’ordre formel et factuel. Une autre réponse à Etienne Couvert et à ses partisans est parue : signée Anselme Farigoule (Un dossier sur la gnose, 40 pages), elle aborde diverses questions de fond et de méthode. Mais cette étude, pour l’instant, n’est pas diffusée dans le public.
. Bulletin Charles Maurras (16 rue du Berry, 36250 Niherne), n° 24, octobre-décembre 2004, 40 pages, 8 euros.
Ce numéro contient un dossier consacré à “ Pie XI, Maurras et l’Action Française ” dont voici le sommaire :
- Charles Maurras, Le grand deuil de l’Eglise (reproduction de l’article paru dans L’Action française le 11 février 1939).
- Yves Chiron, Pie XI et Maurras.
- Abbé Guillaume de Tanoüarn, La grandeur de Pie XI.
- Théophane Breton, Le “Pie XI“ de Yves Chiron.
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NOTES
[1] Margaret McGrath dans Etienne Gilson.A Bibliography/Une Bibliographie, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies/Institut Pontifical d’Etudes Médiévales, 1982, p. 14, mentionne la réédition du livre en 1946 et les traductions japonaise et polonaise, mais elle ignore cette réédition de 1967 qui comportait un nouvel avant-propos et des “ retouches de détail ”.
[2] Page 97, à propos de Teilhard de Chardin, Gilson avait écrit : “ je ne vois aucun péril en la demeure… ”. Mais il avait commencé par dire : “ La pensée du P. Teilhard de Chardin ne me semble avoir jamais atteint le degré de consistance minimum requis pour qu’on puisse parler à ce propos d’une “doctrine“, c’est pourquoi je parlerai seulement du “cas“ Teilhard de Chardin. ” Il avait écrit aussi : “ …marécage doctrinal où l’on est certain de s’enliser si l’on s’y hasarde, la théologie teilhardienne est une gnose chrétienne de plus, et comme toutes les gnoses, de Marcion à nos jours, c’est une Theology-fiction. ”
[3] Le Père André Boulet est l’auteur de plusieurs études consacrées aux rapports de la science et de la foi. En 1995, il a publié Création et Rédemption, aux éditions C.L.D. ; en 2003, La Genèse au risque de la science, un ouvrage de 76 pages disponible chez l’auteur (Résidence Chaminade, 44 rue de la Santé, 75014 Paris), 5 euros franco de port.
[4] Souligné dans le texte.
[5] Divinitas, anno XLVII, Numero speciale 2004, Palazzo dei Canonici, 00120 Vaticano.
[6] Tous ces ouvrages ont été publiés, à compte d’auteur, par les Editions de Chiré, B.P. 1, 86190 Chiré-en-Montreuil.
dimanche 3 octobre 2004
[Aletheia n°63] Jacques Duquesne, lecteur du R.P. Cerbelaud
samedi 18 septembre 2004
[Aletheia n°62] Les affabulations de Golias - et autres textes
Les affabulations de Golias
La revue Golias, qui se veut “ l’empêcheur de croire en rond ”, est une sorte de Canard enchaîné qui serait bimestriel et qui se prétendrait catholique. Il n’y manque ni les caricatures et les dessins supposés humoristiques, ni les rumeurs et les ragots, ni les fausses nouvelles mêlées aux vraies, ni les titres sensationnalistes, ni l’acharnement sur les mêmes cibles — ici, les “ traditionalistes ”, les “ évêques conservateurs ” et, last but not least, le pape Jean-Paul II, vilipendé, maltraité, de numéro en numéro.
On pourrait ne prêter aucune attention aux charges à répétition de Golias. Mais la revue n’est pas sans influence et sans écho. Elle n’est pas seulement disponible sur abonnement, elle est présente dans la plupart des librairies catholiques de France et sur certaines tables de presse paroissiales. Elle se double aussi d’une maison d’éditions qui a publié plusieurs dizaines d’ouvrages.
La revue se flatte d’avoir un correspondant au Vatican, qui signe ses articles du nom de Romano Libero. Il doit s’agir là du pseudonyme non de quelque monsignore mais sans doute de quelque minutante désœuvré qui se pique de fournir à la revue française des informations inédites et des analyses décapantes ou de quelque séminariste en formation à Rome qui croit voir s’ouvrir pour lui une longue carrière de délateur masqué.
Le dernier numéro de Golias (n° 96-97, mai-août 2004) contient deux articles qui portent sa signature. Tous les deux contiennent des affabulations qui montrent que M. Romano Libero n’est pas un informateur fiable.
Un premier article porte sur la dernière étude doctrinale de la Fraternité Saint-Pie X, De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse. L’article est intitulé “ Le nouveau chantage des lefebvristes sur Rome ”. Romano Libero, qui se croit bien informé, affirme tout uniment : “ Selon nos sources, ce petit livre aurait été rédigé en totalité ou en partie par Mgr Brunero Gherardini, 79 ans, ancien professeur d’ecclésiologie, un vieux théologien aigri et agressif ”.
Un deuxième article est consacré à “ Walter Kasper : bête noire des intégristes ”, avec en surtitre : “ Pourquoi les lefebvristes veulent-ils la peau du patron de l’œcuménisme au Vatican ? ”. Cette fois, Romano Libero révèle que Mgr Gherardini — une fois prénommé Brunero puis, quinze lignes plus bas, il est prénommé Antonio ! —serait “ l’ennemi le plus déterminé de Walter Kasper ” et qu’on le dit “ collaborateur de la revue pro-lefebvriste Si,si, No, No, proche de la Fraternité Saint-Pie X. ”
Toutes ces informations concernant Mgr Gherardini sont fausses. Non seulement Mgr Gherardini n’a pas écrit une seule ligne de l’étude de la FSSPX, De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse, mais il en ignorait même l’existence jusqu’à ce qu’il apprenne, par un ami français, que Golias distillait la fausse information qu’il en serait l’auteur. Pareillement, il n’a jamais écrit une seule ligne pour Si si no no, le bimensuel antimoderniste qui existe depuis trente ans maintenant.
Mgr Gherardini, qui nous honore de son amitié, a été professeur de théologie au séminaire de Prato puis à Rome, au Latran. Il est aujourd’hui consulteur de la Congrégation de la Cause des Saints, membre de l’Académie Pontificale de Saint Thomas d’Aquin et directeur de Divinitas, revue de théologie éditée au Vatican. Il a succédé aussi au regretté Mgr Piolanti comme postulateur de la cause du bienheureux Pie IX et il dirige la revue Pio IX.
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À propos de Politica hermetica
La revue Politica hermetica est une revue, annuelle, qui paraît aux éditions L’Age d’Homme. Chaque numéro consiste en la publication des actes d’un colloque international organisé par l’association du même nom et qui s’est donné pour but d’étudier l’histoire de l’ésotérisme, notamment dans ses relations avec la politique. L’association Politica hermetica a été fondée en 1985 par Victor Nguyen, le grand historien, spécialiste de l’Action Française, aujourd’hui disparu. Le premier volume de la revue (Métaphysique et politique, Guénon et Evola) est paru en 1987.
Politica Hermetica est régulièrement la cible de certains milieux catholiques. Par exemple, Christian Lagrave, dans le n° 324 (février 2004) de Lecture et Tradition ou le rédacteur anonyme de l’article “ Gnose et complot (suite) ” dans le dernier numéro du Sel de la Terre (n° 49, été 2004).
Après avoir cité les noms de certains membres du comité de rédaction et du comité scientifique (sont nommés Emile Poulat, Jean-Pierre Laurant, Jean Baubérot, Jean Borella, Pierre Chevallier, Antoine Faivre, Pierre-André Taguieff, Michel Maffesoli, Michel Michel), Christian Lagrave écrit : “ tout ce monde est, d’une part plus ou moins influencé par les idées de Julius Evola ou de René Guénon, et d’autre part souvent lié à la franc-maçonnerie ”… Christian Lagrave a l’art de passer, en une seule phrase, de l’amalgame (“ Tout ce monde ”) à l’approximation (“ plus ou moins ”, “ souvent ”).
On ne niera pas l’appartenance de certains des chercheurs cités à la franc-maçonnerie, mais l’appartenance à la franc-maçonnerie d’Emile Poulat ou de Jean Borella est une de ces fariboles qu’il est indigne de laisser croire. Curieusement, un autre membre du Comité scientifique n’est jamais cité dans ces mises en accusation : il s’agit de René Rancœur, parfait érudit, grand bibliographe, personnalité incontestée du monde savant catholique. Croit-on que René Rancœur aurait accepté de faire partie du comité scientifique d’une association et d’une revue qui auraient eu des visées ésotériques et antichrétiennes ?
Des numéros de la revue ont été consacrés, par exemple, à la franc-maçonnerie et à l’antimaçonnisme, au théosophisme, au prophétisme politique, à la théorie du complot ou à “ Esotérisme et socialisme ”. Ces thèmes font l’objet d’études historiques, dont certaines affirmations ou analyses peuvent être discutées. Mais il est stupide de voir dans ces études successives une sorte de noir complot.
On ajoutera à ces remarques ce qu’Emile Poulat nous écrit du but et du fonctionnement de la revue et des colloques :
Il y a une fixation curieuse sur Politica hermetica, et même fantasmatique. La revue a été fondée par Victor Nguyen, dont j’ai pris le relais, parce que je connaissais bien Victor, et aussi parce que je connaissais le cardinal Pitra et son souci de retrouver la pensée symbolique des Pères contre le positivisme historique de Mgr Duchesne. Au début, les colloques ont attiré des fous et des fanatiques : il a fallu faire le ménage sans éclats. Il n’y a plus maintenant que des scholars.
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Revue des revues
. La Documentation catholique, publie une édition spéciale intitulée “ Jean-Paul II à Lourdes ”[1]. On y trouve le texte intégral des allocutions, méditations et prières prononcées par Jean-Paul lors de son pèlerinage à Lourdes les 14 et 15 août derniers. On y trouve aussi un reportage photographique en couleurs de 16 pages sur l’événement. Enfin, puisque l’occasion de ce pèlerinage papal était le 150e anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée conception, on pourra lire la reproduction intégrale de la Constitution apostolique Ineffabilis Deus, datée du 8 décembre 1854, par laquelle le bienheureux pape Pie IX a défini et proclamé ce dogme. L’édition reproduite est celle publiée en 1953, aux éditions de la Bonne Presse, avec des notes doctrinales et historiques rédigées par l’abbé Alphonse David.
. “ L’affaire de Bordeaux ” et l’exclusion de la FSSPX des abbés Laguérie et Héry ont fait couler beaucoup d’encre depuis la fin du mois d’août. La “ grande ” presse (Le Figaro, Le Monde, Libération, La Croix) lui a consacré des articles, sans comprendre d’ailleurs les enjeux et les véritables raisons d’une affaire qui semblait ne devoir intéresser, au départ, que le microcosme traditionaliste.
Des sites internet se sont même créés qui reproduisent la plus grande partie des déclarations et articles sur le sujet et un certain nombre de documents ; les deux principaux sites étant www.les.infos.free.fr et crisefraternite.com.
L’exposé le plus complet et le plus objectif (bien qu’émanant d’une des parties prenantes dans l’affaire) me semble être le dossier de huit pages que publie le n° 100 de DICI, daté du 10 septembre 2004[2]. On y trouve trois textes : “ Les faits reprochés ” par l’abbé Lorans, “ Les ouvertures faites à M. l’abbé Philippe Laguérie par les Supérieurs de la Fraternité ” par l’abbé de Cacqueray, Supérieur du district de France, et “ Réponses à des rumeurs sur la Fraternité Saint-Pie X ” par l’abbé Celier.
Certaines informations ou appréciations contenues dans ce numéro de DICI sont des allusions à décrypter. On remarquera aussi, dans ce dossier de DICI, le silence fait sur certaines personnes et sur certains points (publics ou non) de l’affaire.
Quoi qu’il en soit, la querelle “ affaire des séminaires ” devenue “ l’affaire de M. l’abbé Philippe Laguérie à Bordeaux ” – la formule est de DICI –, n’aura pas ébranlé la FSSPX. Un des protagonistes de l’affaire, à ses débuts, estimait que c’était là “ la plus grave crise qu’ait connue la Fraternité depuis ses origines ”. Il semble que l’évolution de la situation démente ce pronostic. Certes à Bordeaux comme à Paris (autour de Saint-Nicolas-du-Chardonnet), certains des fidèles attachés à la FSSPX ont pris bruyamment la défense des abbés sanctionnés et exclus mais, comme lorsque l’abbé Aulagnier a quitté la FSSPX, il n’y a pas eu de division publique au sein de la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre. Dans les prieurés, comme dans les écoles, les prêtres continuent leur apostolat et portent des jugements divers sur l’affaire.
. Le site électronique suisse “ Religioscope ” (www.religion.com), dirigé par Jean-François Mayer, spécialiste des mouvements religieux contemporains, publie un long entretien avec Emile Poulat. L’entretien– quatorze pages en version papier – porte sur le dernier livre de celui-ci, Notre laïcité publique.
Émile Poulat expose les principes thèses et analyses de son livre, mais avec une liberté de ton et de style qui offre des formulations différentes et parfois clarificatrices.
Émile Poulat demande de “ bien distinguer la laïcité institutionnelle, la laïcité qui nous gouverne, par opposition à l’idée que chacun peut s’en faire, qui est du domaine privé. ” Il estime qu’en 1905, il n’y a pas eu “ séparation ” de l’Eglise et de l’Etat. Il fait remarquer à juste titre : “ …on constate que le mot séparation qui figure dans les discours, ne figure pas dans le texte de la loi. Il figure dans le titre, sans aucune valeur légale. On s’aperçoit que, dans la réalité, il s’agit de tout autre chose. Autrement dit, la loi de 1905 que personne n’a lue, ou très peu, est largement mythique aujourd’hui. Je peux même dire que je ne connais aucun professeur de droit qui soit capable de la commenter exhaustivement à ses étudiants. Il y a des mots que nous ne comprenons plus, des articles qui nous laissent pantois. Autrement dit, il faudrait aujourd’hui une sorte d’édition critique de la loi de 1905 avec des commentaires, des gloses, un peu à la manière des exégètes dans leurs commentaires de l’Evangile. ”
Émile Poulat n’est pas loin de croire, semble-t-il, à une laïcité pacifiée aujourd’hui. Sans méconnaître qu’il existe “ une culture laïque qui est, en somme, libre exaministe et critique ”, et donc anticléricale, il pense qu’au fil du temps, ce sont les partisans d’ “ une loi de pacification ” qui l’ont emporté.
Tout en reconnaissant l’importance et le grand intérêt du travail de clarification mené par Emile Poulat dans son dernier livre, Notre laïcité publique, on restera moins optimiste sur les intentions de ceux qui, aujourd’hui, veulent faire respecter la laïcité et cherchent à l’inscrire encore davantage dans la loi, donc dans la société française. Jean Madiran, dans Présent de ce jour, met en lumière “ La force souterraine du principe de laïcité ”[3]. Il attire l’attention sur l’intention affichée du législateur comme du Président de la République, Jacques Chirac, dans la récente loi sur la laïcité : faire en sorte que “ les consciences des enfants soient protégées des influences religieuses ”.
La laïcité “ à la française ” n’est plus une guerre ouverte contre l’Eglise, elle s’accommode de l’Eglise catholique, comme des autres forces religieuses ou culturelles, elle ne discrimine pas, mais elle entend que l’Eglise catholique ne remette pas en cause les principes qui la fondent : “ Non à une loi morale qui primerait la loi civile ! ” selon la formule désormais célèbre de Jacques Chirac[4].
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NOTES
[1] La Documentation catholique, 3 rue Bayard, 75008 Paris, n° 2320, 5/19 septembre 2004, 5 euros le numéro.
[2] DICI-Presse, Etoile du Matin, 57230 Eguelshardt, 2 euros le numéro.
[3] Présent (5 rue d’Amboise, 75002 Paris), n° 5667, samedi 18 septembre 2004, 2,30 euros ce numéro.
[4] On renverra aussi aux bonnes analyses de Rémi Fontaine, La Laïcité dans tous ses débats. Christianisme et laïcise en dix cas d’école, préface de Dom Gérard, Editions de Paris (13 rue Saint-Honoré, 78000 Versailles), 116 pages, 16 euros.