lundi 18 novembre 2002

[Aletheia] Pour un petit catéchisme universel - Non à Vatican III - Saint Josemaria Escriva et la nouvelle messe - Document : Le cardinal Siri et la

Yves Chiron - Aletheia n°35 - 18 novembre 2002

. Pour un petit catéchisme universel.

. Non à Vatican III.

. Saint Josemaria Escriva et la nouvelle messe.

. Document : Le cardinal Siri et la nouvelle messe.

. Nouveautés romaines.


POUR UN PETIT CATÉCHISME UNIVERSEL

Mgr Maggiolini est évêque de Côme depuis 1989. Bien qu'il ait été l'unique évêque italien à participer à la rédaction du Catéchisme de l'Eglise Catholique — le comité de rédaction comptait 8 membres —, il reste peu connu en France. De la dizaine de livres qu'il a publiés, pas un seul n'a encore été traduit en français. D'ici quelques semaines, paraîtra, en Italie, son dernier livre, consacré à la confession.

Il y a un an, à l'occasion de la parution de Fine della nostra cristianità (Piemme, 2001, 239 pages), j'avais réalisé un entretien qui a été publié dans la Nef (B.P. 48, 78810 Feucherolles, n° 119, septembre 2001, 6 euros). Cette fois, c'est à l'occasion du dixième anniversaire de la publication du Catéchisme de l'Eglise Catholique, que je l'ai interrogé. L'entretien paraît dans l'Homme Nouveau (1 Place Saint-Sulpice, 75006 Paris, n° 1290, 17.11.2002, 3 euros). Mgr Maggiolini, interrogé sur la nécessité et l'opportunité de rédiger maintenant un petit catéchisme universel à l'intention des enfants, répond :

"J'ignore si un tel catéchisme pour enfants et adolescents serait possible. J'en vois l'utilité. Et même la nécessité, à partir du moment où beaucoup de jeunes croyants se limitent à se souvenir de "petits bouts" de la Bible, sans avoir une synthèse dans laquelle ranger les différents morceaux. Et cela, sans même connaître par cœur les formules les plus importantes, à commencer par le Notre Père et l'Ave Maria (...) je suggère seulement aux éventuels rédacteurs de ne pas se laisser engluer par des questions exaspérées de méthode, qui souvent finissent par écraser et vider le contenu de la Révélation."

NON A VATICAN III

Mgr Maggiolini publie régulièrement, deux ou trois fois par mois, et en toute liberté, des articles dans le quotidien italien Il Giornale. Alors que la célébration du 40e anniversaire du concile Vatican II, est l'occasion pour certains, dans l'Eglise, de suggérer ou de réclamer un "Vatican III", l'évêque de Côme, dans un article publié le 18 octobre dernier, évoque le "fondement d'argile" d'un hypothétique Vatican III.

L'enseignement véritable du concile Vatican II, explique Mgr Maggiolini, reste encore largement méconnu ou travesti. Qui plus est, on peut s'interroger sur les fruits de Vatican II : où sont les conversions ? les grands saints ? Les vocations sacerdotales et religieuses ? A-t-on enregistré un nouvel élan pour les missions ? "On dira, peut-être, qu'il y a eu Padre Pio et Mère Teresa de Calcutta. Mais ces saints n'ont pas fleuri à partir de Vatican II. On objectera peut-être encore qu'il est trop tôt pour voir les saints post-conciliaires. Mais l'histoire ne s'accélère-t-elle pas ?".

Mgr Maggiolini, avec quelque malice, ajoute : "A voix basse, je voudrais soumettre un doute aux impatients désireux d'un nouveau Concile. Attention : plutôt que d'une plus grande ouverture — mais que signifie ce mot ? —, peut-être que les chrétiens les plus sérieux et les évêques les plus lucides, les plus perspicaces et les plus travailleurs, demandent des positions plus précises, des propositions plus solides, une identité plus claire, des énoncés doctrinaux moins délayés et ainsi de suite."

SAINT JOSEMARIA ET LA NOUVELLE MESSE

A plusieurs reprises déjà, j'ai évoqué, ici, la question de la célébration du Nouvel Ordo Missae par saint Josemaria Escriva de Balaguer. Un témoignage circonstancié existe, celui de Mgr Javier Echevarria, Prélat de l'Opus Dei. Membre de l'Opus Dei depuis 1948, il a été le secrétaire particulier de saint Josemaria Escriva à partir de 1952 et il est resté aux côtés du fondateur de l'Opus Dei jusqu'à la mort de celui-ci, en 1975. Dans un ouvrage de souvenirs sur le fondateur, Memoria del Beato Josemaria Escriva (Leonardo international, 2001), il se souvient "de l'effort que lui a coûté le changement [d'ordo]". "Mais il ne voulait accepter aucune exception ; chaque jour il me demandait de le corriger toutes les fois qu'il se trompait dans le respect des nouvelles rubriques il était décidé à manifester son amour pour la liturgie à travers le nouveau rite."

Il refusa qu'on sollicita pour lui le privilège, concédé aux prêtres âgés, de conserver l'ancien Ordo : "par esprit d'obéissance envers les normes ecclésiastiques, il interdit qu'on en fasse pour lui la demande."

Un jour, don Alvaro del Portillo, qui devait succéder ensuite à Mgr Escriva à la tête de l'Opus Dei, se trouvait à parler de la nouvelle messe avec Mgr Bugnini. La situation du fondateur de l'Opus Dei fut évoquée. Le maître d'œuvre de la réforme liturgique, bien que son interlocuteur n'en sollicita pas l'autorisation, accorda à Mgr Escriva de "célébrer comme avant". Mgr Escriva "en fut très content", "mais à partir de ce moment il voulut qu'à sa messe assiste seulement celui qui la servait, et personne d'autre".

Si le fondateur de l'Opus Dei est donc revenu à la messe traditionnelle, à une date qui reste à déterminer, et ne l'a plus abandonnée, le N.O.M. a été de règle dans toutes les maisons de la prélature.

Document -LE CARDINAL SIRI ET LA NOUVELLE MESSE

Le cardinal Siri fut archevêque de Gênes de 1946 à 1987. Selon les classifications — pas toujours pertinentes — des historiens, il aurait été un représentant éminent de l'aile "conservatrice" de l'Eglise. Mais, au concile Vatican II, par exemple, même s'il a suivi de près les travaux et les interventions du Cœtus internationalis, où il comptait plusieurs amis, il n'en a jamais été membre.

Nous traduisons et publions, avec l'accord de son destinataire — dont on comprendra qu'il souhaite garder l'anonymat —, la lettre que lui adressait le cardinal Siri en 1982, Ce religieux, qui voulait continuer à célébrer la messe traditionnelle, faisait part de son drame intérieur au cardinal Siri et sollicitait d'être accueilli dans son diocèse. Voici la réponse que lui fit le cardinal archevêque de Gênes. Elle illustre, comme la réaction de saint Josemaria Escriva citée plus haut, l'esprit d'obéissance qui a eu cours dans l'Eglise, dans les années 60/80, et qui a permis la diffusion si rapide de la réforme liturgique.

Gênes, 6 septembre 1982

Révérend Père,

je reçois votre lettre et je ressens profondément l'ampleur de votre drame intérieur. Je souhaiterais pouvoir vous aider à la résoudre.

En ce qui concerne votre répugnance à accepter le Nouvel Ordo. Je vous invite à raisonner patiemment (après avoir prié). Le Nouvel Ordo ne peut être frappé d'hérésie.

Le pouvoir avec lequel saint Pie V a fixé sa réforme liturgique est celui-là même dont a usé Paul VI. Avoir réformé l'Ordo implique sa substitution à l'ancien. Nous devons obéir.

Il y a des questions bien plus graves dans l'Eglise : celle-ci n'a aucune importance. Libérez-vous de ce complexe et ne permettez pas qu'il détruise votre vocation. Que Dieu vous aide !

Quant à votre désir d'être éventuellement accueilli dans mon diocèse, je crois que c'est impossible : mon clergé est excellent, mais il n'est pas exempt de méfiance envers ceux qui ne sont pas originaires du diocèse. Je ne veux demander à personne le sacrifice de se sentir un intrus !

Peut-être une connaissance directe pourrait suggérer quelque idée meilleure.

En attendant je prie pour vous, de tout coeur !

In Christo

Giuseppe Card. SIRI

NOUVEAUTÉS ROMAINES

. Sœur Margherita Marchione, religieuse américaine d'origine italienne, de la congrégation des Soeurs Philippines, a publié ces dernières années, aux Etats-Unis et en Italie, plusieurs ouvrages pour défendre la mémoire de Pie XII. Elle vient de publier deux nouveaux livres :

- Pio XII attraverso le immagini, Libreria Editrice Vaticana, 214 pages grand format. Un album biographique, avec de très nombreux documents et photographies, dont certains inédits ;

- Il Silenzio di Pio XII. Papa Pacelli di fronte al Nazismo e alla persecuzione degli Ebrei : accuse, controversie e verità storica, Sperling & Kupfer, Milan, 309 pages. En douze chapitres très structurés, sœur Margherita Marchione fait le point sur la controverse —qui dure depuis quarante ans maintenant — et cite de nombreux témoignages et documents. Au-delà de l'attitude et de l'action de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale, auxquelles l'essentiel du livre est consacré, l'auteur veut mettre aussi en lumière la sainteté de Pie XII. A cet égard, elle cite notamment, une vision de Padre Pio, le jour-même de la mort de Pie XII. Padre Pio, le 9 octobre 1958, comme on le lit dans son Diario (encore inédit pour ces années) et comme il en a fait la confidence à plusieurs personnes (parmi lesquelles, une des soeurs de Pie XII), a eu "la claire vision" de la mort du pape et de son entrée au Ciel.

. Une édition du Compendio del Catechismo di San Pio X (en 152 questions et réponses) vient de paraître aux éditions Il Pozzo di Giacobbe. Ce très élégant petit volume de 45 pages est vendu à un prix très raisonnable —1,20 euro —, qui le rend accessible à toutes les familles italiennes.

. Sœur Lucie de Fatima a fait paraître à la Libreria Editrice Vaticana Gli Appelli del Messagio di Fatima (309 pages). Il s'agit non pas d'un nouveau récit des apparitions de 1917 mais d'un commentaire spirituel de ces apparitions et du message qui y fut donné. Sœur Lucie considère que la recommandation faite par la Sainte Vierge lors de l'apparition du 13 octobre 1917 : "N'offensez plus Dieu Notre-Seigneur qui est déjà tant offensé" est l'appel central du message de Fatima.,

L'ouvrage, rédigé en portugais il y a plusieurs années déjà, a été entièrement écrit par soeur Lucie, avertit l'évêque de Leiria-Fatima dans une préface. Il ajoute : "il est nécessaire de toujours distinguer, pour ne pas avoir de désillusions, entre la Sœur Lucie voyante, instrument de Dieu, et la Sœur Lucie interprète, avec sa propre intelligence, et avec son coeur, certainement noble et généreux."

La distinction vaut aussi, nous semble-t-il, pour des questions qui ont alimenté des controverses ces dernières années : la consécration de la Russie et le contenu du troisième secret de Fatima.

On lira avec intérêt le dernier numéro des Amis du Monastère (n° 104, Monastère Sainte-Madeleine, 84330 Le Barroux). Le TRP Dom Gérard y évoque, dans son traditionnel éditorial d'ouverture, la fondation que réalise son monastère dans le diocèse d'Agen. Dans un second article, pages 4 et 5, intitulé "Vous n'avez pas encore résisté jusqu'au sang" (Héb 12,4), Dom Gérard, avec une belle vigueur, exprime "l'intransigeance" nécessaire face à certaines situations dans l'Eglise. Il écrit notamment :

"Les martyrs anglais du XVIe siècle, et les martyrs chinois du XXe, ont tous versé leur sang pour avoir refusé d'entrer, les uns dans une église anglicane, les autres dans une église patriotique, et vous voudriez nous voir entrer dans ce magma informe qu'on appelle "œcuménisme" ou "dialogue inter-religieux" ? Il est temps que le vent se lève et balaye ces mensonges doucereux déguisés sous les oripeaux de la tolérance".

vendredi 18 octobre 2002

[Aletheia] Revue des revues

Yves Chiron - Aletheia n°34 - 18 octobre 2002

Revue des revues

. Oremus (11 avenue Chauchard, 78000 Versailles), n° 13, septembre 2002, ce numéro 3 euros.

Ce numéro d' Oremus, "Bulletin d'information consacré à la liturgie catholique latine traditionnelle", est très précieux car il fait, quatorze ans après la publication du motu proprio Ecclesia Dei afflicta, un bilan chiffré de son application en France, "un des pays où la messe traditionnelle est certainement la plus répandue".

Sur 93 diocèses de France métropolitaine, 51, seulement, offrent aux fidèles, de manière hebdomadaire, une messe traditionnelle. Il faut lire les autres statistiques détaillées qui font un point précis de la situation. Par exemple, dans plus d'un diocèse français sur trois (35 %), la messe traditionnelle n'est même pas célébrée une fois par mois.

Si l'on prend en compte les lieux de culte où la messe traditionnelle est célébrée sans autorisation de l'évêque du diocèse — il s'agit essentiellement des églises, chapelles et prieurés de la Fraternité Saint-Pie X—, on atteint des chiffres beaucoup plus élevés : aux 82 messes traditionnelles "Ecclesia Dei" célébrées chaque dimanche en France, s'ajoutent 164 autres messes dominicales traditionnelles grâce, essentiellement, à la FSSPX.

. Présent (5 rue d'Amboise, 75002 Paris), numéros des 16 et 17 octobre 2002, 1,50 euros le numéro (abonnement d'un an : 301,85 euros).

En écho à ce numéro d'Oremus, Jean Madiran, dans deux numéros successifs de Présent, a scruté "Quarante ans d'évolution conciliaire". Il fait remarquer que les "apports positifs du Magistère", indéniables (les encycliques Veritatis splendor et Fides et ratio, par exemple), "n'ont cependant donné aucun coup d'arrêt ; ni même aucun coup de frein". En France, du moins, et en matière liturgique, du moins.

Évoquant les lieux de culte traditionnel, et aussi, ce qui n'est pas accessoire mais lié, les écoles et le catéchisme, Jean Madiran note :

"quoi que l'on puisse penser de certaines tactiques risquées, de certains propos largement excessifs ou de certaines situations délicates de la FSSPX, c'est bien ici et pour cela que nous n'esquivons pas la nécessité d'en prendre acte : face à l'évolution conciliaire, la FSSPX a raison sur le fond. Elle n'est pas la seule. Sociologiquement, c'est elle qui a le poids principal."

. Kephas (8 bis, boulevard Bessonneau, 49100 Angers), n° 3, juillet-septembre 2002, ce numéro 15 euros.

La revue, dirigée par M. l'abbé Le Pivain, contient d'intéressants échos sur un colloque consacré au cardinal Charles Journet à Fribourg en avril dernier. On lit aussi, entre autres choses, une étude historique sur Joseph II et le joséphisme par l'abbé Vincent Richard et un article de Denis Sureau consacré à l'essai, très intéressant mais peu remarqué, de William Cavanaugh, Eucharistie et mondialisation (Ad Solem, 2001).

Cav anaugh appartient au courant anglo-saxon de la Radical Orthodoxy, courant d'idées qui devrait attirer davantage l'attention des traditionalistes français. Dans Eucharistie et mondialisation, Cavanaugh analyse le phénomène actuel de la mondialisation comme l'aboutissement de la sécularisation et aussi, thèse assez iconoclaste, comme l'aboutissement de la création des états-nations à l'époque moderne. Contre le mythe de l' "État sauveur", le jeune théologien américain revendique pour l'Eglise la nécessité de se poser en corps social alternatif et de refuser la distinction spirituel/temporel. Cavanaugh est aux antipodes de la pensée du Maritain seconde manière.

Au coeur de la thèse hardie de Cavanaugh, il y a une considération sur le rôle social de l'Eucharistie : "l'urgence, aujourd'hui, n'est pas de se ménager un moyen pour influencer le pouvoir laïc par le biais de la société mais plutôt de restaurer une pratique liturgique capable de redonner aux chrétiens la conscience de la dimension politique de la foi, et par là de produire des hommes de pouvoir dont le langage sera un langage de paix et de vérité."

. Le Sel de la Terre (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé), n° 42, automne 2002, ce numéro 14 euros.

Il ne passe pas de numéro de cette revue, depuis plusieurs années, dans lequel je ne sois pas épinglé, stigmatisé ou injurié. Dans ce numéro encore, dans trois articles différents, les Révérends Pères d'Avrillé me cherchent querelle pour des articles parus dans Présent ou dans Alètheia, à propos d'Evola, à propos de l'Opus Dei et à propos de Kephas et des éditions Ad Solem. Dans ce dernier article, où est mis en cause principalement Yves Daoudal, on ressort la vieille calembredaine d'une supposée "école de l'ésotérisme chrétien", à laquelle Daoudal et moi appartiendrions.

L'historienne Annie Kriegel, à propos des agissements de certains auteurs et responsables de la communauté israélite, avait dénoncé " une insupportable police juive de la pensée ". Faudrait-il donc parler aussi d' "une insupportable police avrilloise [ou avrillesque, comme on dit burlesque] de la pensée" ?

Combien de fois faudra-t-il répéter, comme je l'ai écrit ici-même, il y a plusieurs mois déjà : "Il y a dans l'oeuvre de Guénon, malgré quelques vues justes sur la crise de la civilisation moderne, trop d'impasses, d'illusions et de dérives qui rendent le plus grand nombre de ses pages inacceptables pour un catholique. Je donnerai volontiers tous les livres de René Guénon pour une seule page lumineuse de Jean Madiran."

Je pourrais dire exactement la même chose de Julius Evola, à propos duquel la revue Le Sel de la Terre publie, d'ailleurs, un article fort intéressant. Cet article, dû au professeur italien Paolo Taufer, et dont la suite paraîtra dans le prochain numéro de la revue, met opportunément en lumière la philosophie idéaliste qui est à la base de la pensée d'Evola et dévoile le ressort inquiétant des recherches initiatiques qu'il a menées par différentes voies. Assurément, Julius Evola n'est pas un maître catholique.

. AVE (Kapittelweg 11, 1216 HR Hilversum, Nederland), n° 7, septembre 2002, envoi gratuit.

AVE (Niieuwsbrief over Actuele VErschijningen), malheureusement accessible aux seuls lecteurs néerlandophones, est la meilleure revue existante consacrée aux apparitions mariales contemporaines. Dans la fidélité à l'enseignement traditionnel de l'Eglise sur ce sujet, chaque numéro trimestriel comprend des articles solides. Le dernier numéro paru contient, notamment, la lettre de l'évêque de Harlem, en date du 31 mai 2002, sur "Notre-Dame de tous les Peuples" (Amsterdam) ; une étude critique de Mark Waterinckx sur San Damiano et le décret de l'évêque de Wollongong, en date du 16 juin 2002, sur le voyant William Kamm, appelé "Little Pebble" (Australie).

mercredi 9 octobre 2002

[Aletheia] L'abbé Aulagnier - L’abbé Sulmont, Jean Madiran et la Croix - La Lettre à nos frères prêtres

Yves Chiron - Aletheia n°33 - 9 octobre 2002

L’abbé Aulagnier

Présent, dans son édition du 19 septembre dernier, a donné, discrètement, l’information suivante:

“Journaliste, créateur et directeur de plusieurs publications estimées, écrivain ecclésiastique d’une grande notoriété, notamment pour son livre paru en décembre 2000 : La Tradition sans peur (en collaboration avec l’abbé Guillaume de Tanoüarn, préfacé par l’abbé Philippe Laguérie), l’abbé Paul Aulagnier vient, pour une raison jusqu’ici inconnue, d’être frappé d’une nouvelle sanction par ses supérieurs de la FSSPX. Il est envoyé à Québec comme aumônier d’une maison de retraite pour personnes âgées ; et surtout il a l’interdiction d’écrire. Cette interdiction-là est sans doute pour un écrivain, même ecclésiastique, la plus grave sanction possible.”

Je ne commenterai pas cet entrefilet. Je renverrai au dernier livre publié par M. l’abbé Aulagnier, La Tradition sans peur. Il est toujours disponible aux Éditions Servir, 15 rue d’Estrées, 75007 Paris, 350 pages, 20 euros franco de port. L’abbé Aulagnier y exprimait des vues audacieuses et libres, tant sur la crise actuelle de l’Eglise que sur l’action de la FSSPX ( cf. Alètheia, n° 7, 5 janvier 2001).

Je ne rappellerai pas le rôle éminent qu’a eu l’abbé Aulagnier dans le combat de la Tradition : un des premiers membres de la Fraternité créée par Mgr Lefebvre, il a été durant dix-huit ans supérieur du district de France, période pendant laquelle il a fondé la revue Fideliter et il a présidé à la création de nombreux prieurés et de plusieurs écoles à travers la France. Puis il fut deuxième assistant du supérieur général de la FSSPX.

Je préfère renvoyer à l’image des premiers temps, héroïques, de la FSSPX ; image que rapporte le dernier biographe de Mgr Lefebvre : “En cette année 1972-1973, la Fraternité n’a d’apostolat qu’en Grande-Bretagne et en Californie, si l’on met à part l’humble aumônerie que l’abbé Aulagnier assure en France à l’école de filles de Mademoiselle Luce Quenette à Malvières, un village perdu que l’aumônier, un jour d’hiver, n’atteindra qu’en chaussant des skis” (p. 475).

Cette biographie de Mgr Lefebvre, écrite par Mgr Bernard Tissier de Mallerais, publiée par les éditions Clovis (B.P. 88, 91152 Etampes cedex, 719 pages, 24 euros), est la plus volumineuse qui ait été consacrée au fondateur de la FSSPX.

L’abbé Sulmont, Jean Madiran et la Croix

L’abbé Philippe Sulmont, le bien connu curé de Domqueur, attaché indéfectiblement au rite traditionnel et que les évêques successifs de son diocèse ont laissé en fonction, a adressé, le 3 septembre 2002, une lettre à Noël Copin. Celui-ci, ancien directeur de la Croix, avait publié, la veille, dans ce journal, un éloge du concile Vatican II, le qualifiant de “prophétique”.

L’abbé Sulmont lui écrivit alors : “Ce concile est en contradiction avec l’Evangile et toute la Tradition. (...) En fait, le bilan du concile est catastrophique”. Il citait aussi un extrait du dernier livre de Jean Madiran, La Révolution copernicienne dans l’Eglise (cf. Alètheia, n° 31, 3 septembre 2002).

Les verts propos de l’abbé Sulmont — et sans doute aussi l’annonce qu’ils seraient répandus dans son bulletin paroissial “répandu à 4000 exemplaires” — ont fait réagir Noël Copin.

Dans un article paru dans la Croix le 30 septembre dernier, Noël Copin fait allusion à la lettre de l’abbé Sulmont (sans le nommer, ni citer le bulletin où la lettre a paru) et il cite le nom de Jean Madiran (sans faire référence à son livre). On passera sur le procédé.

On s’ébahit, en revanche, de voir le nom de Jean Madiran et — presque —les références d’un de ses livres cités dans la Croix. C’est, sans doute, bien la première fois, depuis un quart de siècle au moins, qu’un livre de Madiran est — presque — recensé dans la Croix.

Les lecteurs curieux peuvent obtenir auprès d’Alètheia copie de la lettre ouverte de l’abbé Sulmont et de l’article-réponse de Noël Copin, en envoyant un timbre.

La Lettre à nos frères prêtres

L’abbé de La Rocque a repris la direction de la Lettre à nos frères prêtres, la “Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France”. L’adresse de cette publication est désormais : 2245 avenue des Platanes, 31380 Gragnague. On peut s’y abonner pour 7,5 euros (4 numéros par an).

Le dernier numéro paru contient de nombreux témoignages circonstanciés sur la façon dont les évêques de Nîmes et de Poitiers “entendent recadrer leur clergé”. Ce sont des faits à connaître. Mais on aimerait aussi que les initiatives en sens inverse, d’autres évêques de France, soient signalées aussi.

Le même numéro contient le texte d’une supplique qui a été adressée à Jean-Paul II, en 2001, pour demander que la célébration de la messe selon le rite traditionnel soit autorisée “sans clause restrictive”. Cette supplique a été signée par 250 prêtres incardinés dans les diocèses de France. C’est peu et c’est beaucoup à la fois. Mais, “organisée dans la discrétion, cette démarche s’est propagée au moyen du bouche à oreille et n’a touchée sur quatre cents prêtres”.

250 sur 400, c’est donc déjà beaucoup. Si l’on avait ajouté les prêtres religieux et les prêtres de la FSSPX, on aurait facilement doublé le nombre des signataires.

L’abbé de La Rocque fait remarquer que cinquante-quatre des signataires “ont été ordonnés dans les dix dernières années, dont vingt-sept depuis les JMJ parisiennes...”. On a envie de prolonger l’analyse : comment ces prêtres français, indépendants de la FSSPX, formés et ordonnés dans le nouveau rite, sont-ils restés attachés à la messe traditionnelle ? Le manichéisme n’est donc pas de mise dans l’analyse de la situation de l’Eglise.

lundi 16 septembre 2002

[Aletheia] Avertissement du Pape aux théologiens - Une interview de Mgr Fellay - Le cas Rosmini

Yves Chiron - Aletheia n°32 - 16 septembre 2002

Avertissement du Pape aux théologiens

Le jeudi 5 septembre, Jean-Paul II a reçu à Castel Gandolfo un groupe d'évêques brésiliens en visite ad limina. Il leur a recommandé plus de vigilance dans les admissions au séminaire. Il a aussi, longuement, évoqué la situation actuelle de la théologie en exprimant ses préoccupations et en faisant une mise en garde claire et vigoureuse. Le pape a précisé dans son discours que ses préoccupations et sa mise en garde ne concernaient pas seulement les théologiens brésiliens mais ceux d' “autres parties du monde”.

Certains journaux italiens, notamment Il Giornale dans son édition du 6 septembre, ont longuement rendu compte de cette exhortation. Comme aucun journal français, à ma connaissance, n’en a fait autant, je crois utile d’en reproduire des extraits, traduits de l’italien, en attendant - on l’espère - la publication intégrale dans la Documentation catholique.

Jean-Paul II a exprimé sa “profonde tristesse et ses préoccupations” pour le caractère inadéquat de l’enseignement de la théologie dans certains instituts de théologie et séminaires. Cette inadéquation “est due, a dit le pape, à une préparation insuffisante ou à des positions en désaccord avec l’enseignement de l’Eglise”.

Le pape s’inquiète de certaines tendances de la théologie catholique qui se laissent “conditionner par la mentalité et la sensibilité de l’homme moderne”.

“Dans les facultés ou instituts de théologie de diverses parties du monde, et aussi au Brésil, une vision mutilée de l’Eglise se répand, selon une idéologie qui perd de vue le point essentiel : que l’Eglise est une participation au mystère de Dieu incarné.”

“Les évêques, a déclaré aussi le pape, ont le devoir de veiller à ce que la théologie ne se réduise pas une vision purement humaine de l’Eglise et des hommes eux-mêmes.”

“Les efforts, certainement légitimes et nécessaires, d’unir (unire) le message chrétien à la mentalité et à la sensibilité de l’homme moderne, et d’exposer la vérité de la foi avec des instruments connexes à la philosophie moderne, aux sciences positives, ou en partant de l’homme contemporain et de la société, peuvent, s’ils ne sont pas adéquatement contrôlés, menacer la nature-même de la théologie et le contenu de la foi.”

Une interview de Mgr Fellay

Le dernier numéro de la revue Fideliter (B.P. 88, 91152 Etampes Cedex, 7,50 euros le numéro), n° 149, septembre-octobre 2002, contient le compte-rendu d’un long entretien avec Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.

Mgr Fellay passe en revue la situation de la FSSPX (“désormais presque 450 prêtres et plus de 60 frères”), le vieillissement relatif de ses effectifs (“la moyenne d’âge reste juste en dessous des 40 ans”), le développement des études doctrinales réalisées par des prêtres de la FSSPX.

Mgr Fellay évoque aussi longuement l’accord intervenu entre les prêtres de Campos et Rome. Il dit ne pas partager “l’analyse optimiste de l’abbé Aulagnier” (cf. Aletheia n° 29) et redoute, dans les dix ans à venir, de voir des “nuages noirs s’amonceler” sur Campos. Il estime : “On ne peut pas affirmer que la concession faite par Rome vis-à-vis de Campos représente un réel changement, disons une faveur, un regard de bienveillance de Rome sur la Tradition.”

Le Supérieur général de la FSSPX fait le point sur l’état de ses relations avec le Saint-Siège. Il évoque enfin la biographie de Mgr Lefebvre, rédigée par Mgr Tissier de Mallerais, publiée par les éditions Clovis et qui sera mise en vente à partir du 6 octobre prochain.

A son interlocuteur - l’abbé Grégoire Celier, directeur de la revue et des éditions Clovis - qui l’interroge sur la liberté prise par l’auteur de cette biographie, Mgr Fellay assure : “ la Fraternité n’entend pas imposer à ses membres un carcan sur des points historiques librement discutables, comme si on obligeait à voir toutes choses avec des œillères.”

Le cas Rosmini

En juillet 2001, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié une “Note sur la validité des décrets doctrinaux concernant la pensée et les oeuvres du P. Antonio Rosmini Serbati”. Pie IX, en 1849, avait inscrit à l’Index deux des ouvrages de Rosmini (1797-1855). Léon XIII, en 1887, avait condamné 40 propositions, tirées principalement des oeuvres posthumes de Rosmini. La Note de 2001 affirme, après “un examen approfondi”, que “les sujets de préoccupation et les difficultés doctrinales qui ont déterminé la promulgation des Quarante Propositions n’ont plus lieu d’être”.

Cette Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a scandalisé certains qui voient là un nouveau reniement de la “Rome moderniste”.

Sans juger, ici, du cas Rosmini, on peut renvoyer, pour une information plus complète sur le sujet, à une étude publiée par un religieux membre de l’Institut de Charité, congrégation fondée par Rosmini. Précisons que ce prêtre est très proche des milieux traditionalistes. Le P. Bellwood veut défendre le fondateur de l’Institut auquel il appartient.

Son étude, La “Question rosminienne”, qui compte 40 pages, sera envoyée gracieusement aux lecteurs d’Aletheia, qui en feront la demande en joignant une enveloppe timbrée à 0,69 euros. S’adresser directement à l’auteur :

Rév. Père Robert Bellwood
Notre-Dame du Rafflay
44690 Château-Thebaud

mardi 3 septembre 2002

[Aletheia] Deux livres de Jean Madiran

Yves Chiron - Aletheia n°31 - 3 septembre 2002

Deux livres de Jean Madiran

Lire un livre ou un article de Jean Madiran provoque toujours la sensation d’entrer en relation avec un esprit délié, à l'acribie exceptionnelle. Certains ont lancé, jadis, des mots d'ordre pour que "leurs" fidèles se désabonnent d'Itinéraires, d'autres, ailleurs, plus tard, pour d'autres raisons, ont lancé des mots d'ordre de "ne plus lire Présent". On n'épiloguera pas sur les effets de ces deux campagnes. On constatera, simplement, que de tels mots d'ordre témoignent, par contrepoint, de l'influence, redoutée, de Jean Madiran et de l'acuité de ses analyses.

Un premier livre, Une Civilisation blessée au coeur, a été imprimé en mai 2002 ; le second, La Révolution copernicienne de l'Eglise, en juin suivant. Le premier s'intéresse au temporel, à la lumière de la loi naturelle ; le second s'intéresse, et s'interroge, sur l'Eglise, à la lumière de la Tradition. L'ensemble forme un diptyque, en sept chapitres de part et d'autre, et chaque livre compte exactement le même nombre de pages.

Mais, d'un livre à l'autre, l'argumentation procède différemment.

Dans Une Civilisation blessée au coeur - quel beau titre ! -, chaque "chronique" est suivie d'une "didactique", à la lumière de la loi naturelle qui est devenue si "étrangère au monde contemporain".

Dans La Révolution copernicienne dans l'Eglise, les analyses s'articulent autour d'une question essentielle : "Sous des angles différents, d'une manière plus ou moins superficielle ou approfondie, c'est toujours la même question qui est en question dans l'Eglise : l'”évolution conciliaire” qui a été provoquée par Vatican II est-elle conforme, est-elle contraire à la doctrine antérieure des papes et des conciles ?".

On ne résumera pas ces deux livres.

De La Civilisation blessée au coeur, on retiendra, entre autres choses, le rappel de "la survivance médiatico-culturelle, en Europe, de conditionnements intellectuels issus du marxisme-léninisme" (p. 22). On sera attentif au constat que "l’athéisme tient l’Etat, la justice, l’éducation publique, les spectacles et les médias" (p. 57). Notre civilisation, "blessée au coeur", est à l’agonie, parce que, selon l’expression de Soljenitsyne rappelée par Madiran, elle s’est enfermée dans "la prétention dramatique de vouloir réaliser le bien de l’homme en se passant de Dieu". On relèvera encore le chapitre très subtil sur l’ "aphobie", une inconscience disait Aristote, un péché disait saint Thomas d’Aquin.

La Révolution copernicienne dans l’Eglise ne devrait pas plaire aux esprits manichéens et aux amateurs d’axiomes simplistes. On sera attentif aux recensions qui paraîtront ici et là, ou qui, justement, ne paraîtront pas.

On sera pleinement d’accord avec Jean Madiran quand il fait remarquer : "Le concile Vatican II n’est pas l’origine du désastre spirituel. Il est une cause seconde. Il en a d’abord été le fruit, passant les promesses des fleurs ; et ensuite il a tout aggravé, parce qu’il conférait une autorité officielle - et même le monopole de l’autorité officielle - aux hommes et aux idées de la décomposition" (p. 67), "Les Chenu, les Teilhard, les Congar (etc.) ne sont pas nés de Vatican II, c’est l’inverse : c’est Vatican II qui procède de leurs utopie" (p. 69).

Il faut être attentif, parallèlement, à ce que dit Madiran de ce même concile : Vatican II a été interprété et appliqué par ceux-là même qui en avaient élaboré les textes et les avaient signés. Ce n’est même pas seulement le caractère, disparate, des textes et leur autorité, incertaine, qui posent problème. C’est "l’intention" qui a présidé au concile qui est en cause, "une intention viciée" dit Jean Madiran (p. 62-63), énoncée dans le célèbre discours de Jean XXIII, le jour de l’ouverture du concile, le 11 octobre 1962 (p. 63-66).

On sera d’accord encore avec la conclusion de Jean Madiran : "On n’en sortira pas tant que Vatican II, concile pastoral, ni infaillible ni irréformable, demeurera en attente de son sort définitif. Seule l’Eglise pourra le déterminer. Elle commencera peut-être par essayer de le purger de cette intention mauvaise [...] Elle pourra aussi le rectifier, le réformer ou l’abolir ; ou bien l’oublier ? Ce n’est pas à nous d’en décider. Simple laïc du rang, simple militant de l’Eglise enseignée, notre rôle était de refuser l’inacceptable. Nous l’avons fait de toutes nos forces. Nous ne cesserons pas."

Jean Madiran n’est pas inattentif à un phénomène aussi massif que celui des JMJ (qui témoignent, dit-il, des "aspirations" et des "insuffisances" de la nouvelle génération). Il s’interroge aussi sur la conversion de la Russie, promise à Fatima (p. 96-101). Il l’estime encore à venir mais il prévient en même temps : "Cela ne se produira pas forcément comme le rigoureux enchaînement d’une suite de théorèmes dans la géométrie euclidienne", il n’est pas exclu que la conversion de la Russie soit "longuement laborieuse". Il y a des précédents historiques.

  • Une Civilisation blessée au coeur, Éditions Sainte-Madeleine (84330 Le Barroux), 109 pages, 13 euros.

  • La Révolution copernicienne dans l’Eglise, Consep (BP 30107, 75327 Paris cedex 07), 109 pages, 18 euros.

- La revue Kephas a changé d'adresse : 8 bis boulevard Bessonneau, 49100 Angers, tél : 02 41 86 48 86. Le n° 2, 155 pages, 15 euros, reproduit l’important discours de Jean-Paul II sur l’Europe chrétienne. On trouve aussi, entre autres, un article de Judith Cabaud sur Eugenio Zolli, rabbin converti, et Pie XII et un article du père de Laubier sur les diocèses catholiques aujourd’hui en Russie.

- Dans le dernier numéro de Pacte (23 rue des Bernardins, 75005 Paris, n° 67, le numéro 2,50 euros), on lira avec profit l’intéressant éditorial de l’abbé de Tanoüarn sur la "nouvelle religion" de Vatican II. L’expression est juste si on limite le mot "religion" à son sens étymologique. Citant la fameuse expression de Paul VI “l’Eglise a pris une nouvelle conscience d’elle-même”, l’abbé de Tanoüarn commente : "Cette nouvelle conscience transforme les rapports entre l’Eglise et le monde et donne au chrétien une nouvelle identité, une nouvelle manière d’être lui-même devant Dieu et devant les hommes. C’est en ce sens - et en ce sens seulement, mais ce n’est pas rien -, c’est en s’en tenant à cette perspective qu’on peut soutenir l’idée que Vatican II inaugure une nouvelle religion, une nouvelle manière d’entrer en relation avec Dieu et avec ses semblables." On rejoint là l’"intention" nouvelle discernée par Jean Madiran dans la Révolution copernicienne.

vendredi 16 août 2002

[Aletheia] Une biographie du père André

Yves Chiron - Aletheia n°30 - 16 août 2002

Une biographie du père André

Le traditionalisme - ou la résistance à certaines évolutions de l'Eglise confrontée à la modernité - a commencé bien avant le concile Vatican II, même si ce dernier événement lui a donné de nouvelles raisons de résister. Ce traditionalisme fait l'objet d'études historiques de plus en plus nombreuses. Il y a eu plusieurs travaux universitaires et thèses consacrés à la Pensée Catholique, à Itinéraires, à la Cité Catholique, à Saint-Nicolas-du-Chardonnet (même si certaines de ces études n'ont pas été pas à la hauteur de leurs ambitions). Il y a eu des biographies ou des tentatives de biographie consacrées à des personnalités du mouvement traditionaliste : Mgr Lefebvre (de nombreux ouvrages, en attendant la grande biographie annoncée par Mgr Tissier de Mallerais aux éditions Clovis), Mgr de Castro Mayer (David Allen White, The Mouth ou the lion, Kansas City, Angelus Press, 1997), Dom Gérard (Marc Dem, Dom Gérard et l'aventure monastique, Plon, 1988), le RP Eugène de Villeurbanne, etc.

Peu de temps après sa mort, le père Michel André (1915-2000) trouve son premier biographe. Claude Mouton-Raimbault, qui a publié de nombreux ouvrages consacrés à Claire Ferchaud et à son message, consacre au père André un ouvrage abondant, fervent, utile même s'il laisse insatisfait sur certains points.

Un premier reproche que l'on pourrait faire à l'auteur, qui s'appuie sur une documentation d'archives abondantes, est de très rarement citer ses sources et de ne pas en avoir établi une nomenclature à la fin de son ouvrage. A un tel ouvrage, il manque aussi un index des noms.

On sera d'accord également avec le père Thomas-M. de Bazelaire qui, dans une recension de l'ouvrage, écrit : "un lecteur exigeant pourra regretter que l'auteur n'ait utilisé presque exclusivement que les carnets et la correspondance de son héros. Aussi cette biographie se résume trop en un portrait du Père André par le Père André. De ce fait, elle manque nécessairement de recul et donc d'objectivité. Pourquoi, par exemple, Claude Mouton-Raimbault n'a-t-il pas pris le soin d'interroger Edmond Samson, un des principaux collaborateurs du missionnaire en Argentine, maintenant prêtre dans le diocèse du Mans ?" (Sedes Sapientiae, n° 79, p. 57-58).

Auraient pu être interrogées d'autres personnes qui ont connu le père André à différents moments de son existence. Auraient pu être consultées aussi les archives des Pères du Saint-Esprit, congrégation à laquelle le père André appartenait, et interrogés les diocèses dans lesquels il a oeuvré tant d'années, notamment celui de San Rafaël en Argentine.

Dans les relations qu'eut le père André avec le Saint-Siège, l'utilisation des sources est unilatérale et donc elle fausse la perspective historique. Le père André a adressé des lettres et suppliques à Paul VI et à Jean-Paul II à propos de la crise de la foi et de la réforme liturgique. Elles sont publiées intégralement par Claude Mouton-Raimbault, et c'est heureux, mais il n'en est pas de même pour les réponses reçues.

Dans d'autres cas encore, l'auteur est trop allusif. On aurait aimé lire, ou du moins connaître, le contenu des deux lettres "encourageantes" reçues de Mgr Pintonello que l'auteur nous dit être un "ami de Paul VI" (p. 464). On n'en saura guère plus.

Si on voit assez bien quelles furent les relations entretenues avec Mgr Lefebvre depuis 1960 (les deux religieux appartenant à la même congrégation), si l'on voit, assez clairement, comment, par ses suppliques et ses rencontres avec le cardinal Oddi, le père André a été à l'origine, avec d'autres, de l'indult sur la messe traditionnelle accordé par Jean-Paul II en 1984, sa participation à d'autres épisodes de l'histoire du traditionalisme dans les dernières décennies reste encore mal éclairée. Par exemple, les circonstances de la rédaction du célèbre Bref examen critique du NOM, présenté à Paul VI par les cardinaux Bacci et Ottaviani en 1969, attendent encore leur historien.

Il est étonnant encore que les sacres effectués en 1988 par Mgr Lefebvre ne soient pas évoqués comme tels par Claude Mouton-Raimbault. A plusieurs reprises, l'auteur signale, en passant, que le père André a approuvé ces sacres. Mais il ne consacre aucune page à l'événement lui-même et à ses circonstances : l'évolution de Mgr Lefebvre lui-même sur la nécessité de sacres épiscopaux pour faire "survivre" la Tradition, le protocole d'accord avec le Saint-Siège le 5 mai 1988, la réunion décisive des groupes et communautés traditionalistes au Pointet le 30 mai, puis les sacres en juin. Quelle part le père André a-t-il pris à ces différents épisodes d'un acte désormais historique ? Le lecteur n'en saura rien.

Enfin, l'auteur rapporte, sans vérification, des affirmations du père André. En 1986 (p. 472), le père André reproche au Saint-Siège d'avoir adhéré, le 24 février, au "Conseil des Églises protestantes" (le père André voulait sans doute parler du "Conseil Œcuménique des Églises) et à Jean-Paul II d'avoir qualifié, le 5 octobre à Paray-le-Monial, de "désuet" le culte au Sacré-Coeur. L'Eglise catholique n'a jamais été membre du C.OE.E., tout au plus existe-t-il un "Groupe mixte de travail". Et si l'on se reporte aux allocutions prononcées par Jean-Paul II lors de son voyage à Paray-le-Monial en 1986, on observe que, bien sûr, il encourage le culte au Sacré-Coeur. Les erreurs répétées passent pour des vérités établies. Il revient aux historiens et aux biographes de les corriger.

En revanche - et les remarques précédentes ne doivent pas dévaloriser ce beau livre - on apprendra beaucoup de choses dans ce volume, en particulier sur l'Association Noël Pinot (qui a regroupé jusqu'à 750 prêtres fidèles à la messe traditionnelle) et sur le bulletin Introïbo, qui existent toujours aujourd'hui. Et surtout on découvrira une belle figure de prêtre traditionaliste, d'un grand courage physique et moral. Claude Mouton-Raimbault n'a pas craint d'évoquer - et il a eu raison - les tentations et les découragements qu'a connus le père André, notamment les difficiles mois de fin 67-début 68 où il était tenté d'abandonner le sacerdoce.

En complément du livre, on pourra se reporter au long entretien avec Claude Mouton-Raimbault qui est paru dans le n° 299 de Lecture et Tradition. Claude Mouton-Raimbault y expose en détail quelle était la pensée du père André sur la réforme liturgique - car ce traditionaliste qui conserva toute sa vie une âme de missionnaire croyait nécessaires et utiles certaines réformes de la liturgie.

. Claude Mouton-Raimbault, Un prêtre vrai. Le Père André, Éditions de Chiré (BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil), 525 pages, 28,50 euros + port.

. Lecture et Tradition (B.P. 1, 86190 Chiré-en-Montreuil), n° 299, 3 euros

mardi 30 juillet 2002

[Aletheia] Anniversaires - Nouvelles - Revues - A propos des "Frères de Jésus" - A propos d'Alain de Benoist, de Présent et de Maurras.

Yves Chiron - Aletheia n°29 - 30 juillet 2002

Anniversaires

Nouvelles

Revues

A propos des "Frères de Jésus"

A propos d'Alain de Benoist, de Présent et de Maurras.


Anniversaires

. Le 10 août 1972, le Père Eugène de Villeurbanne, de la Province capucine de Lyon, et le Père Elzéar des Étables fondaient, à Verjon, dans l’Ain, une “communauté capucine d’observance traditionnelle”. Elle a entretenu, au fil des années, des relations de plus en plus étroites avec Mgr Lefebvre et la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. En 1988, non sans quelque réticence, cette communauté a approuvé les sacres épiscopaux accomplis par Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer.

Aujourd’hui, le Couvent Saint-François prospère dans la discrétion et l’humilité, à Morgon où il est établi depuis 1983. Une fondation à Aurenque, dans le Gers, est en préparation.

Pour célébrer le 30e anniversaire de leur fondation, les Capucins d’observance traditionnelle ont publié un modeste album photographique qui raconte l’histoire de leur fondation et montre la vie des frères au couvent. Ce petit livret peut être obtenu, contre une modeste offrande ou quelques timbres, en écrivant au Couvent Saint-François, Morgon, 69910 Villié-Morgon.

On renverra aussi à la biographie du fondateur, publiée en 1997 aux Éditions Clovis (B.P. 88, 91152 Etampes cedex) : Veilleur avant l’aube. Le père Eugène de Villeurbanne, 510 pages.

. La revue trimestrielle Sedes Sapientiae, publiée par la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, de spiritualité dominicaine, fête son 20 e anniversaire. Son numéro 80 vient de paraître. La revue se veut “un instrument de culture générale catholique, au service de l’intelligence de la foi, dans un format modeste et un prix... plus que raisonnable !”. Elle entend oeuvrer dans l’esprit de saint Thomas d’Aquin, avec ces règles de conduite : “harmonie de la foi et de la raison, piété filiale envers l’être historique de l’Eglise, adhésion et obéissance au Magistère vivant : sans le dissentiment qui s’érige en magistère parallèle, sans “la complaisance d’esprit, qui tend à faire de l’autorité, dans des matières de soi soumises à la raison et à la conscience, la règle de la vérité” (abbé Berto). Enfin respect des personnes dans la controverse, et absence de complexes par rapport aux schémas de la modernité."

Un abonnement découverte pour l'année 2002 est proposé : 18 euros pour les quatre numéros de l'année. Sedes Sapientiae, Couvent Saint-Thomas-d'Aquin, 53340 Chémeré-le-Roi.


Nouvelles

. Après un mandat de six ans comme supérieur du district de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, l'abbé Laurençon rejoint, comme professeur d'Ecriture sainte et de patristique, le séminaire de Flavigny. Il est remplacé par l'abbé Régis de Cacqueray, qui dirigeait depuis huit ans l'école Saint-Joseph des Carmes à Montréal-de-l'Aude.

. Le Saint-Siège a approuvé l'office propre de sainte Madeleine que le Père Emmanuel, du Barroux, avait préparé pour son monastère.

. Mgr Ricard, archevêque de Bordeaux et nouveau Président de la Conférence épiscopale française, a été nommé membre de la Commission Ecclesia Dei. Les traditionalistes français devraient trouver auprès de lui un accueil attentif et non prévenu.

. Le 18 août prochain, le Père Fernando Arêas Rifan, qui est le collaborateur le plus proche de Mgr Licinio Rangel, sera sacré évêque par le cardinal Castrillon Hoyos et par Mgr Rangel. Mgr Rangel, qui avait été excommunié pour avoir reçu, en 1991, sans mandat pontifical, la consécration épiscopale d'évêques sacrés par Mgr Lefebvre, accomplit lui aussi un sacre, mais cette fois en pleine communion avec le Saint-Siège. Sont démenties ainsi les craintes de ceux qui redoutaient que l'Accord intervenu entre le Saint-Siège et l'Union sacerdotale Saint-Jean-Marie-Vianney ne garantisse en rien une continuité de l'oeuvre de Mgr de Castro Mayer et de Mgr Rangel.

. Le 6 octobre prochain, aux éditions Clovis, paraîtra une biographie de Mgr Lefebvre par Mgr Tissier de Mallerais. Mgr Tissier de Mallerais est un des évêques sacrés par Mgr Lefebvre en 1988. L'ouvrage qu'il va publier est très attendu. Il comptera quelque 730 pages.

Sans encore avoir pu lire le livre, on peut déjà estimer qu'il devrait retenir l'attention par son ampleur et sa rigueur documentaire. Par exemple, à l'encontre de ce qu'ont affirmé longtemps diverses publications de la FSSPX, Mgr Tissier de Mallerais admet que Mgr Lefebvre a bien signé toutes les constitutions et déclarations du concile Vatican II, y compris celle sur la liberté religieuse. Plusieurs auteurs et publications, extérieurs à la FSSPX, avaient déjà établi ce point d'histoire.

Il semble que sur de nombreux autres points de la biographie du fondateur de la FSSPX, Mgr Tissier de Mallerais apporte des informations, des rectifications et des éclaircissements ; tout en restant fidèle à l'esprit de Mgr Lefebvre.


Revues

. Une nouvelle revue vient de paraître : Kephas. Elle est publiée par les éditions Ad Solem. Trimestrielle, elle en est à son deuxième numéro. Elle émane de la Fraternité Saint-Pierre, puisque le directeur de la publication en est l'abbé Le Pivain. Mais elle n'est pas la revue de la dite-Fraternité, qui possède sa propre revue, Tu es Petrus. Son comité de rédaction compte des prêtres, un religieux dominicain et des laïcs.

A l'origine du projet, il s'agissait de ressusciter la Pensée catholique, qui avait dû s'interrompre en 1996, après cinquante années de publication. Finalement, si l'esprit de la revue de l'abbé Lefèvre - "la romanité"- a été maintenu, le titre a été changé. On relèvera encore que le lien entre l'ancienne Pensée catholique et Kephas est assuré par la collaboration d'Hervé Kerbouc'h qui fut le successeur de l'abbé Lefèvre à la Pensée catholique.

Kephas, quatre numéros par an, abonnement : 50 euros. Revue Kephas, B.P. 21, 89150 Saint-Valérien.

. L'abbé Aulagnier, qui a dû abandonner D.I.C.I., qu'il avait fondée, et les Nouvelles de Chrétienté, qu'il avait ressuscitées, continue à s'exprimer dans Pour qu'Il règne, la revue de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X en Belgique (district dont l'abbé Aulagnier est toujours supérieur). Dans le n° 50 de cette revue, numéro de mai-juin, il publie un article important consacré à l'érection de l'Union sacerdotale Saint-Jean-Marie Vianney en administration apostolique. L'événement a déjà fait couler beaucoup d'encre. Le propos de l'abbé Aulagnier porte principalement sur la "facultas" accordée à cette Union sacerdotale de célébrer la messe selon le rite traditionnel. A l'encontre de voix autorisées qui, dans la FSSPX, ne voient dans cette autorisation qu'une "concession" fragile qui peut être retirée du jour au lendemain, l'abbé Aulagnier estime que cette "facultas" concédée par Rome aux prêtres de l'Union sacerdotale donne un droit qui engage pour l'avenir. Et donc : "l'exclusivité du NOM est finie (...) Demain, cette facultas le sera pour d'autres églises, pour nous... je l'espère. Et après-demain "pour tous", pour l' "ensemble des églises"."

Pour qu'Il règne, 2,5 euros le numéro (abonnement d'un an : 15 euros + 7,5 euros pour les frais d'envoi hors de Belgique). Prieuré du Christ-Roi, Rue de la Concorde 37, B- 1050 Bruxelles.


A propos des "Frères de Jésus"

. La revue Le Sel de la terre (Couvent de la Haye-aux-Bonhommes, 49240 Avrillé, 14 euros le numéro) publie, dans son numéro 41, un article du P. Emmanuel-Marie consacré aux "frères" de Jésus. Cet article n'est pas inutile. Dans sa dernière partie, il critique l'étude d'Alain de Benoist sur le sujet parue dans Nouvelle École, recensée ici il y a plus d'un an. A l'évidence, le Révérend Père n'a pas lu cette étude - comme il ignore que, depuis, elle a été éditée en volume - ; il ne la connaît que par ce qu'en a dit Alètheia.

Cette pratique - faire comme si on avait lu, alors que l'on en a une connaissance indirecte - est hélas répandue, dans le monde de la presse comme dans celui de l'édition. Mais, ici, elle se double d'une vilenie. Le P. Emmanuel-Marie, faisant référence à l'article d'Alètheia sur l'étude d'Alain de Benoist, écrit : "la critique est très réservée, se contentant de déclarer "décevante" l'étude sur les "frères de Jésus" parue dans le n° 52 de Nouvelle École."

Non, je ne me contentais pas de déclarer "décevante" l'étude d'Alain de Benoist. Après avoir parlé des très nombreuses références bibliographiques de l'étude parue dans Nouvelle École et d'un ouvrage récent qui, lui aussi, soutient la thèse de l'existence historique de frères et soeurs de Jésus, j'ajoutais : "Tout ceci, pourtant, ne doit pas impressionner le catholique fidèle" et je citais longuement un grand exégète contemporain qui avait résumé "très clairement la position catholique sur le sujet". Le Révérend Père ne dit rien de tout cela à ses lecteurs.


A propos d'Alain de Benoist, de Présent et de Maurras

Dans l'article cité ci-dessus, le Père Emmanuel-Marie reproche encore au quotidien Présent, dans son numéro du 18 mai 2002, d'avoir cité "avec une complaisance manifeste" une lettre d'Alain de Benoist pour les 20 ans de Présent. Le Révérend Père estime que dans Présent "on cherche en vain la moindre réserve sur les idées d'A. de Benoist" et il reproche au journal de le considérer "comme une autorité très recommandable".

Sans répondre au nom de Présent, dirigé par Jean Madiran, je rappellerai néanmoins au P. Emmanuel-Marie qu'il m'est arrivé à plusieurs reprises, depuis plus de quinze ans que je collabore à ce journal, de recenser des ouvrages d'Alain de Benoist et, toujours, je n'ai pas manqué de faire les réserves qui s'imposent et de manifester les désaccords qui existent, même si d'autres aspects du livre méritaient de retenir l'attention. Par exemple, il aura peut-être échappé au Révérend Père que, le 1er décembre 2001, dans la dernière recension faite d'un ouvrage d'Alain de Benoist dans Présent (la réédition de Vu de droite), j'avais relevé, pour la regretter, ce qui m'apparaît comme une caractéristique essentielle de sa pensée : "l'anomie".

Ces critiques et réserves n'empêchent pas Alain de Benoist d'apprécier Présent, journal catholique et national, et de manifester publiquement cette appréciation. Présent, qui continue à exister depuis vingt ans dans des conditions héroïques que ne connaissent peut-être pas les religieux du Couvent de la Haye-aux-Bonhommes, ne trie pas dans les encouragements qui lui sont prodigués. Catholique et national, il n'est pas le journal d'un parti ou d'une faction.

J'ajouterai que, de la même manière qu'Alain de Benoist ne méconnaît pas tout ce qui le sépare de Présent, les rédacteurs de Présent et ses lecteurs savent tout ce qui les sépare des idées d'Alain de Benoist. Son appui à un journal qui n'est pas de ses idées n'en a que plus d'éclat.

Le Père Emmanuel-Marie, encore, reproche au Bulletin Charles Maurras d'avoir édité une bibliographie de Charles Maurras et de l'Action française établie par Alain de Benoist et d'en faire "un éloge très flatteur". Le Révérend Père n'a pas lu l'ouvrage. S'il l'avait lu, il aurait constaté que cet ouvrage, qui s'en tient à une bibliographie exhaustive, ne saurait encourir la moindre réserve de la part d'un catholique. La bibliographie est une science ingrate mais ô combien utile. Alain de Benoist a fait la preuve, par d'autres publications de ce genre, qu'il maîtrisait cette science bibliographique. Pourquoi les Éditions BCM auraient-elles repoussé cette compétence qu'on mettait au service d'un homme que saint Pie X a qualifié de "beau défenseur de la foi" ?

Minute a consacré à cette Bibliographie de Maurras par Alain de Benoist une recension très élogieuse. Probablement, elle aussi aura échappé au Révérend Père. Je crois savoir que son auteur est un éminent prêtre de la FSSPX, directeur de publications fort estimées...

mardi 16 avril 2002

[Aletheia n°28] Mgr Brincard et la franc-maçonnerie - et autres textes

Aletheia n°28 - 16 avril 2002
  • Mgr Brincard et la franc-maçonnerie

  • Les évêques de France et la franc-maçonnerie

  • À propos du RP Vieira

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Mgr Brincard : “ Il faut combattre la franc-maçonnerie ”

Mgr Henri Brincard, évêque du Puy-en-Velay, a été interrogé sur la franc-maçonnerie par la radio RCF-Le Puy. Ses réponses s'affichent aussi sur le site internet du diocèse.

Au cours des dernières décennies, la Congrégation pour la doctrine de la foi a rappelé aux catholiques que l'appartenance à un mouvement maçonnique était contraire à la foi chrétienne. J’aimerais savoir pourquoi toutes ces réserves face à la franc-maçonnerie ?

Votre question est courageuse. Avant d'y répondre, je voudrais faire, en guise de préliminaire, les remarques suivantes :

1) Il arrive que des hommes soient bien meilleurs que les doctrines auxquelles ils adhèrent. Il faut s'en souvenir lorsque nous rencontrons des francs-maçons. En revanche, c'est toujours le contraire qui se produit lorsqu'il s'agit de l'Evangile. L'Evangile est plus grand que celui qui le professe. Nous comprenons dès lors pourquoi la première vertu chrétienne est celle de l'humilité.

2) Au cours d'un dialogue, il convient de rejoindre le cœur profond de son interlocuteur. Dans ce cœur, en effet, il y a des aspirations qu'une fausse doctrine ignorera. C'est encore le cas des francs-maçons.

3) Les origines historiques de la franc-maçonnerie sont obscures. Dans le cadre de notre émission, je ne puis m'attarder sur elles. Pour éclairer mon propos, il suffit de dire que la franc-maçonnerie, telle qu'elle apparaît au début du XVIII e siècle, ne peut revendiquer sérieusement une filiation avec certaines corporations médiévales, par exemple, avec celle des tailleurs de pierres. De telles corporations, en effet, étaient d'inspiration chrétienne. Or les constitutions d'Anderson de 1723, texte de référence pour tous les francs-maçons, ne comportent plus la moindre référence au Dieu en Jésus-Christ, révélation reçue, gardée et transmise par l'Eglise fondée sur les apôtres envoyés par le Ressuscité prêcher au monde l'Evangile du salut. Un orfèvre en la matière, Jacques Mitterrand - qu'il ne faut pas confondre avec son homonyme célèbre, François Mitterrand - l'affirme nettement dans un livre où il explique les principes fondamentaux de la franc-maçonnerie.

Et maintenant, j'en viens à la question souvent posée : “Peut-on être catholique et franc-maçon“ Je réponds clairement : non ! La déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, déclaration engageant fortement l'autorité de l’Eglise, est sans ambiguïtés sur ce point. Elle est du 26 novembre 1983, signée par le cardinal Ratzinger, préfet de cette Congrégation, et dit ceci : "On a demandé si le jugement de l'Eglise sur les associations maçonniques était changé étant donne que dans le nouveau Code de droit canonique, il n'en est pas fait mention expresse comme dans le Code antérieur. Cette Congrégation est en mesure de répondre qu'une telle circonstance est due aux critères adoptés dans la rédaction qui a été suivie aussi pour d'autres associations également passées sous silence parce qu'elles sont incluses dans des catégories plus larges. Le jugement négatif de l'Eglise sur les associations maçonniques demeure inchangé parce que leurs principes ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de l'Eglise et l'inscription à ces associations reste interdite par l'Eglise. Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion. Les autorités ecclésiastiques locales n'ont pas compétence pour se prononcer sur la nature de ces associations maçonniques par un jugement qui impliquerait une dérogation à ce qui a été affirmé ci-dessus. Le Souverain Pontife Jean-Paul II, dans l'audience accordée au cardinal Préfet, a approuvé cette déclaration.“

Cette déclaration a été précédée par une autre, non moins claire, cette fois de la conférence épiscopale allemande. Faite en 1981, elle est cependant peu connue. C'est pourquoi j'invite mes auditeurs à la lire dans la Documentation catholique (n° 1807). On y développe longuement l'incompatibilité fondamentale entre la doctrine de la maçonnerie et les enseignements de l'Evangile.

Et qu'en disent les francs-maçons ?

La franc-maçonnerie reconnaît elle-même cette incompatibilité. J'en veux pour preuve ce que dit à ce sujet Paul Gourdeau, ancien Grand Maître du Grand Orient de France. Écoutons son message : "Ce qu'il est aujourd'hui important de comprendre, c'est que le combat qui se livre actuellement conditionne l'avenir, plus encore le devenir de la société. Il repose sur l'équilibre de deux cultures : l'une fondée sur l'Evangile et l'autre sur la tradition historique d'un humanisme républicain. Et ces deux cultures sont fondamentalement opposées : ou la vérité est révélée et intangible d'un Dieu à l'origine de toutes choses ou elle trouve son fondement dans les constructions de l'Homme toujours remises en question parce que perfectibles à l'infini. De cette bataille perpétuelle recommencée avec vigueur depuis quelque temps, Malraux disait hier que le XXIe siècle serait religieux ou ne serait pas. C'est à cette affirmation, c'est à ce défi qu'il nous appartient de répondre!“ (Humanisme, n° 193, octobre 1990).

Faire dire à la franc-maçonnerie ce qu'elle n'a jamais pensé, c'est à l'évidence faire preuve d'une naïveté nourrie d'ignorance, c'est confondre sentimentalisme et générosité. Mais Gustave Le Bon ne disait-il pas déjà : "Beaucoup d'hommes sont doués de raison, très peu de bon sens".

Pourtant, certains se revendiquent d'une double appartenance : à l'Eglise et à la franc-maçonnerie ?

Je suis bien conscient que ce que je viens de dire ne plaît pas à tout le monde. Je n'ignore pas non plus qu'un illustre jésuite, le père Riquet - pour ne pas le nommer - a défendu une position différente de celle de l'Eglise. Il l'a même fait connaître dans un livre publié peu de temps avant son décès. À titre personnel, j'ai de l'estime pour le père Riquet. Je rends hommage à son courage pendant la Deuxième guerre mondiale. C'est sans doute, un religieux exemplaire sous beaucoup de rapports. Mais à propos de la franc-maçonnerie, il s'est gravement trompé, probablement abusé par des amitiés nouées en des circonstances difficiles et par une bonne dose de naïveté. À ce propos, il est salutaire de se souvenir que si instruits que nous soyons, nous demeurons fragiles, exposés à de nombreuses erreurs. Un lecteur attentif découvre sans peine que le père Riquet fait preuve de beaucoup de crédulité, par exemple, lorsqu'on affirme que le symbolisme de la franc-maçonnerie peut conduire à la découverte de Jésus-Christ ! En revenant à votre question initiale, je tiens à ajouter que les évêques, et moi le premier, nous sommes la voix de l'Eglise dans la mesure où nous agissons en communion les uns avec les autres autour du "serviteur des serviteurs" qu'est le pape. La déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la foi est une déclaration qui doit éclairer notre action pastorale.

Après tout ce que vous venez de nous dire, Père évêque, quelle attitude doit-on avoir à l'égard des francs-maçons ?

Ma réponse est celle-ci : la franc-maçonnerie constitue un défi qu'il faut relever sereinement et courageusement. Certes, il ne faut pas exagérer l'influence de la franc-maçonnerie ; il ne faut pas, non plus, la sous-estimer. L'attitude d'un catholique agissant en cohérence avec sa foi doit, me semble-t-il, être la suivante : d'abord la clairvoyance. Cela signifie connaître avec exactitude les véritables objectifs que poursuit la franc-maçonnerie. Ensuite, le désir d'approfondir sans cesse la foi chrétienne. L'ignorance est grand ennemi de la foi. Enfin, la résolution de suivre de plus en plus fidèlement Jésus-Christ. L'exemple est plus convaincant que la parole.

Et voici le mot de la fin : notre vraie force est de prendre appui sur Jésus-Christ Lui seul peut changer les cœurs. C'est pourquoi, autant il faut combattre la franc-maçonnerie en rappelant qu'elle est une forme particulièrement nocive de "gnose", autant il faut poser sur les francs-maçons un regard d'espérance, regard né d'une authentique charité, car "rien n'est impossible à Dieu" !

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Les évêques de France et la franc-maçonnerie

. Cette intervention, la plus ferme qu'on ait entendue en France de la part d'un évêque depuis des décennies, peut être perçue comme un certain changement dans l'attitude de l'épiscopat français face à la franc-maçonnerie. D'après diverses sources, la Conférence épiscopale française a abordé à plusieurs reprises ces dernières années, à huis clos, cette question. Les multiples offensives laïcistes de ces dernières années autant que l'attirance de certains catholiques pour la franc-maçonnerie (notamment celle de la GLNF) incitent nombre d'évêques de France à réagir.

L'épiscopat est, sans aucun doute, divisé sur la position à adopter et sur la forme de la réaction. Une déclaration commune en forme de -condamnation solennelle est, semble-t-il, à exclure. En revanche, il est prévu des "initiatives" et des "interventions", personnelles ou collectives, qui prendront des formes diverses.

La rencontre entre les représentants de l'épiscopat français, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur, en février dernier, pour examiner différents problèmes administratifs et juridiques qui se posent dans l'application de la loi de séparation de l’Eglise et de l'Etat de 1905, est à situer, en partie, dans cette perspective.

A côté de cette -initiative", les fortes et claires paroles prononcées par Mgr Brincard prennent place dans les "interventions" qui pourraient se multiplier. Même si elles sont loin d'être l'expression d'une position unanime des évêques de France.

. En mai 2001, un militant catholique, Michel-Constant Verspieren, a publié un ouvrage d'information critique sur la franc-maçonnerie : L’impasse maçonnique (Éditions Faver, 33 rue Jean Jaurès, 59491 Villeneuve d'Ascq, 180 pages, 15,09 euros).

Il a envoyé cet ouvrage à tous les évêques de France. Un peu moins d'un quart d'entre eux (24) ont accusé réception du livre. Cinq évêques, et un cardinal français résidant à Rome, ont envoyé des encouragement immédiats.

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À propos du RP Antonio Vieira

Dans la revue Le Sel de la terre (Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé), qui publie son 40e numéro et fête ses dix ans de parution, un rédacteur s'inquiète des orientations qui seraient celles des éditions Ad Solem (2 rue des Voisins, CH - 1205 Genève, www.ad-solem.com). Ces éditions ont publié le dernier livre du cardinal Ratzinger, L’Esprit de la liturgie.

Parmi les autres auteurs publiés par ces éditions, l'éminent rédacteur dominicain jette la suspicion sur “ un livre d'Antonio VIEJA (sic) SJ, maître dans l'art de la conjonction des oppositions ( ... ) qui eut des ennuis avec l'Inquisition pour hérésie judaïsante, livre intitulé Le Salut en clair obscur et recommandé par Yves Chiron dans Présent du 15 janvier 2000, etc. C'est toujours un peu le même monde et les mêmes influences. ”

Pour être plus précis et juste, on peut rappeler que le jésuite Antonio Vieira (1608-1697) n'est pas un obscur auteur jésuite suspect d'hérésie. Ses sermons, dont les éditions Ad Solem livrent une nouvelle traduction et édition, ont été célèbres dans toute l'Europe et traduits en plusieurs langues. En France, pour le seul XIXe siècle, ils connurent deux éditions. Au Portugal, la dernière édition de ses œuvres, parue entre 1951 et 1954, compte 12 volumes.

À lire les quelques lignes citées plus haut, on pourrait croire que le livre publié par les éditions Ad Solem est une illustration de l' “ hérésie judaïsante ” du Révérend Père Vieira. Il n'en est rien. Les trois sermons publiés ici datent d'après sa condamnation par le Saint-Office et sa réhabilitation.

Il est vrai que pour certains écrits aventurés, Vieira fut condamné pour hérésie judaïsante l'Inquisition et qu'il subit ses prisons pendant vingt-sept mois, de 1665 à 1667.

Mais Vieira bénéficia d'une amnistie, fut autorisé par ses supérieurs à prêcher à nouveau et s'établit à Rome. Ses sermons lui valurent alors une renommée internationale. En 1675, pour le mettre à l'abri d'éventuelles suspicions inquisitoriales disproportionnées, le pape Clément X lui accorda un "bref d'exemption envers les Inquisitions d'Espagne et des autres royaumes."

Il restait au RP Vieira plus de vingt ans à vivre. La plus grande partie de son œuvre date de ces décennies. Six ans après l'exemption citée, le brillant prédicateur et théologien choisit de retourner en mission parmi ses chers indiens du Brésil, où il mourra. Non sans avoir préparé, sur ordre de ses supérieurs, l’édition de ses sermons.

mardi 2 avril 2002

[Aletheia n°27] Le “silence” de Pie XII (suite) - La "thèse" du père Murray - Le bienheureux Orione et le modernisme

Aletheia n°27 - 2 avril 2002
•  Le “silence” de Pie XII (suite)
•  La “thèse” du père Murray
•  Le bienheureux Orione et le modernisme
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Le “silence” de Pie XII (suite)
Aux publications sur Pie XII déjà citées dans le précédent numéro d’Alètheia, on en ajoutera trois autres  qui viennent de paraître et vont à rebours de la campagne régulièrement réactivée contre le prétendu “ silence ” du Souverain Pontife face à l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale :
.  Andrea Tornielli, vaticaniste au journal italien Il Giornale, publie Pio XII. Il Papa degli ebrei (Edizioni Piemme, Via del Carmine 5, I-15033 Casale Monferrato, 400 pages, 19,63 euros). L’ouvrage, paru avant la sortie du film Amen qui a relancé la polémique, montre, avec une ample documentation, quelle fut la position constante de Pie XII face au national-socialisme, et ce dès l’époque où il était encore nonce apostolique en Allemagne.
Andrea Tornielli expose ensuite, en se référant à la documentation actuellement disponible, quelle fut l’action de Pie XII et de la hiérarchie ecclésiastique en Europe pour essayer de sauver les Juifs persécutés par les nationaux-socialistes.
Après Alexis Curvers qui, en 1964, avait pris la défense de Pie XII, le pape outragé (éditions Robert Laffont, réédition augmentée en 1988 aux éditions Dominique Martin Morin, 53290 Bouère), Paul Rassinier avait publié, en 1965, L’Opération “Vicaire”, aux éditions de La Table Ronde. Ce livre fait l’objet d’une réédition hors commerce (130 pages grand format, 16 euros port compris, à commander à Pierre Guillaume, B.P. 98, 75223 Paris cedex 05).
Paul Rassinier, professeur d’histoire, actif dans la Résistance et interné dans les camp de Buchenwald et de Dora, puis député, militant socialiste et pacifiste, examinait, dans cette perspective,    “ Le rôle de Pie XII devant l’histoire ”.
Sans méconnaître les réponses à donner à ceux qui accusent Pie XII de s’être “ tu ” - et il en rappelait un certain nombre -, Paul Rassinier s’intéressait principalement à “ la théorie de la Paix ” de Pie XII. Selon lui, c’est parce que Pie XII a tenté d’empêcher la guerre puis a essayé de l’arrêter, à plusieurs moments, que certains s’acharnent contre lui.
Rassinier estimait qu’Alexis Curvers, et Dom Claude-Jean Nesmy auteur  de Pour ou contre “ Le vicaire ” (Desclée de Brouwer), sont “ passés à côté du vrai problème historique ” mais que leurs livres n’en constituent pas moins “ deux remarquables plaidoyers philosophiques ” auxquels il renvoyait le lecteur. Je dirai plutôt que la problématique à laquelle s’attachaient Curvers et Nesmy était la principale en cause : Pie XII a-t-il défendu les Juifs pendant la guerre ? Celle développée par Rassinier est connexe.
. Le rabbin David Dalin, historien américain, avait publié, le 26 février 2001, dans The Weekly Standard Magazine, un long article consacré à “ Pie XII et les juifs ”. Cette étude a été traduite par la Documentation Catholique (3 rue Bayard, 75008 Paris, n° 2266, 17 mars 2002, p. 289-296, le numéro : 4,12 euros).
Le rabbin Dalin passe d’abord en revue 9 ouvrages, la plupart américains ou anglais, qui ont paru ces dernières années et qui sont consacrés à l’attitude de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale. Faisant référence aussi à d’autres sources, le rabbin Dalin rappelle ensuite, en six points, comment Pie XII, avant d’accéder au Souverain Pontificat, “ a toujours été très critique envers le nazisme ”. Puis, en cinq points, il rappelle les actions et interventions de Pie XII en faveur des Juifs pendant la guerre. Il s’interroge aussi sur le sort des Juifs d’Italie. Enfin, il livre cinq témoignages de personnalités israélites qui, entre 1940 et 1945, ont estimé que “ Pie XII est le plus fervent opposant aux thèses hitlériennes ”.
Un excellent article de synthèse qui se conclut par ce jugement : “ Pie XII fut véritablement et profondément un Juste parmi les Nations. ”
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A propos de la “ thèse ” du père Murray
Régulièrement, dans des publications de la Fraternité Saint-Pie X, mais ailleurs aussi, il est fait référence à une “ thèse en droit canonique ”, soutenue à Rome en 1995, par un prêtre du diocèse de New-York, Gerald E. Murray, et qui montrerait “ l’inanité de l’accusation de schisme ” portée contre Mgr Lefebvre suite à la consécration de quatre évêques en 1988, acte qui lui a valu d’être excommunié.
Sans me prononcer en aucune manière sur cette excommunication et sa validité canonique, il faut néanmoins remarquer et préciser :
- la “ thèse en droit canonique ” n’en est pas une. En 1995, le père Murray n’a pas soutenu une thèse de doctorat mais un mémoire de licence de droit canonique, qui compte 73 pages, en anglais. Une licence en droit canonique n’est pas un doctorat en droit canonique. Ce n’est pas rien mais ce n’est pas du même niveau.
- qui, en France, a lu ce travail universitaire ? On en parle de seconde main, à partir de citations faites par autrui, en l’occurrence la revue américaine The Latin Mass. Il est vrai que ce mémoire est resté inédit, mais il n’est pas impossible de se le procurer. Si le père Murray concluait effectivement : “ The examination of the circumstances in which Archbishop Lefebvre performed the episcopal consecrations in the light of canons 1321, 1323 and 1324 raises at the very least a significant doubt, if not a reasonably held certainty, against the validity of the declaration of excommunication pronounced by the Congregation for Bishops ” (p. 71) ; il estimait aussi que l’argument de nécessité mis en avant par Mgr Lefebvre était “ objectively groundless ” (p. 67).
- enfin, quand on fait référence à la “ thèse ” du père Murray, il faut faire référence aussi à la rétractation que le même auteur a fait des conclusions de son mémoire de licence. Cette rétractation est parue dès 1996 dans la revue The Latin Mass et elle a été traduite et publiée en français par la revue Sedes Sapientiae (53340 Chémeré-le-Roi, n° 59, printemps 1997, p. 41-46). Il écrivait notamment :      “ Un canoniste m’a fait remarquer que tout violateur d’une loi canonique essaie de justifier ses actions en se fondant sur la nécessité. Mais, pour qu’un tel appel ait valeur au regard de la loi, il doit y avoir dans la réalité quelque fondement qui appuie la revendication de nécessité. De fait, si, pour un acte donné, il n’y a absolument aucune nécessité de violer la loi, alors il est illégitime de faire appel à une prétendue nécessité. (...) Dans mon mémoire, je niais l’existence d’une nécessité réelle de consacrer des évêques, étant donné l’offre du Pape - acceptée tout d’abord par Mgr Lefebvre - d’élever à l’épiscopat un des membres de sa fraternité. Toutefois, je pensais que Mgr Lefebvre pouvait légitimement en appeler au canon 1324, qui l’exemptait de l’excommunication, pour le motif qu’une estimation erronée sur l’état de nécessité lui permettait d’agir contre la loi. Maintenant, dans ce cas précis, je ne pense plus qu’un appel au canon 1324 tombe sous l’intention visée par la loi. ”
Que cette rétractation soit le résultat des réflexions d’un jeune licencié en droit canonique qui, honnêtement, a approfondi sa réflexion ou soit le résultat de sollicitations pressantes qui lui auraient été faites à Rome, où il étudiait encore en 1996, elle appartient désormais à l’histoire au même titre que son mémoire de licence.
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Don Orione et le modernisme
Le bienheureux Luigi Orione (1872-1940) est bien connu pour son apostolat en faveur de la jeunesse et des pauvres et par la fondation d’une congrégation religieuse, la Piccola Opera della Divina Provvidenza, qui compte aujourd’hui plus de 200 maisons, dans le monde entier, et plus de 1.000 membres.
Le but fixé par Don Orione à sa congrégation était : “ Faire connaître et aimer Jésus-Christ, l’Eglise et le Pape ”. Un ouvrage collectif qui vient de paraître en Italie montre que, dans la tourmente du modernisme, le bienheureux Orione a été exactement fidèle à ce programme : Don Orione negli anni del modernismo ((Jaca Book, Via V. Gioberti 7, I-20123 Milan, 373 pages, 23 euros).
L’ouvrage comprend six parties. Après une présentation du modernisme et de l’antimodernisme durant le pontificat de saint Pie X, les rapports de  Don Orione avec plusieurs des protagonistes de ce combat sont présentés par le père Flavio Peloso, postulateur de la cause du bienheureux Orione et responsable des archives de sa congrégation. Puis des chapitres particuliers sont consacrés aux relations entretenues par le bienheureux Orione avec trois figures éminentes du modernisme : le père Semeria, Ernesto Buonaiuti et Don Casciola. Enfin, 23 documents, dont certains sont inédits, sont publiés : lettres de Don Orione au cardinal Merry del Val et à divers correspondants, lettres adressées à Don Orione par le père Semeria, Buonaiuti et Don Casciola, d’autres documents encore.
De ces études et documents, il ressort que le bienheureux Orione combattit activement le modernisme : quand il était en Calabre, il mit en garde le Saint-Siège contre une association (l’Associazione Nazionale del Mezzogiorno d’Italia) dirigée par des modernistes milanais et qui représente, écrit-il, “ un grave péril pour l’Eglise ” (p. 76-77). Il y eut d’autres courriers adressés à la Secrétairerie d’Etat.
Son jugement historique sur le modernisme était sans ambiguïté : “ si le modernisme et le semi-modernisme continuent, cela conduira, plus ou moins tard, au protestantisme ou à un schisme dans l’Eglise qui sera le plus terrible que le monde ait jamais vu ” (lettre du 26 juin 1913, citée page 81).
Cet antimodernisme actif n’était pas un choix intellectuel, un engagement né d’une confrontation livresque avec le modernisme, mais le résultat d’un engagement spirituel profond : la défense de la Papauté comme centre de l’Eglise et la nécessaire soumission envers elle. Il a voulu, dès l’origine (1903), que les religieux de sa congrégation prêtent un quatrième voeu de “ fidélité spéciale au Pape. ”
Dans le même temps, don Orione a entretenu des liens d’amitié et de charité avec plusieurs figures éminentes du modernisme. Il le faisait avec le plein assentiment de Pie X. Comme en témoignera un des protagonistes, Tommaso Gallarati Scotti : “ en Don Orione, le Pape avait une pleine confiance lui laissant toute liberté dans ses rapports avec ces armes tourmentées ” (cité page 284). Il en sera de même sous le pontificat de Pie XI, le pape demandant expressément à Don Orione d’entrer en relations avec Buonaiuti, excommunié, pour, bien sûr, tenter de le ramener dans la communion de l’Eglise (page 228-229). Flavio Peloso cite des correspondances inédites entre les deux hommes qui montrent quelle confiance s’était établie entre eux dans les années 1930.
 L’attitude du bienheureux Orione dans la crise moderniste est en consonance parfaite avec celle de saint Pie X1. Elles relèvent d’une même conception de l’Eglise,  bien résumée par le père Flavio Peloso au terme de son étude : “ Elle est “magistra” inflexible jusqu’à la dureté dans la garde de la vérité qui lui a été confiée et, en même temps, elle est “mater” confiante qui n’abandonne pas ses propres fils à travers l’action de ses autres fils ” (p. 265).
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